Chapitre 36

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Louis entra dans la cabane après avoir laissé sa fille se calmer dans la voiture. Il trouva Estelle, assise en face d'Henri qui s'était rapproché pour pouvoir lui tenir les mains. En le voyant entrer, le jeune homme se montra nerveux, il lâcha les mains d'Estelle. Louis était furieux mais ne voulait pas en vouloir au gamin, il faisait forcément ça pour une raison. Après tout ce qu'il avait vécu peut-être qu'il n'allait pas bien et que c'était sa façon de demander de l'aide ? Mais pour aujourd'hui, c'était assez. Alors il pressa l'épaule de sa femme pour l'encourager à partir.


- Partons Estelle, souffla-t-il.

- Non, mon chéri il faut qu'on reste, répondit-elle en posant sa main sur la sienne. Il faut qu'on écoute.


Mia avait l'impression que plus Henri racontait son histoire à ses parents plus elle rentrait à la maison.

Elle sentait la douleur qui remplissait la pièce mais c'était salvateur, il était temps. Toutes les vérités posées sur la table, des plus difficiles aux plus inécoutables, elle ressentait l'air entrer à nouveau dans ses poumons. La jeune femme imagina sa chambre, ses murs bleus, ses bibelots, ses rideaux blancs. Son grand lit souillé. Plus rien ne semblait être englouti par cette ombre visqueuse, plus rien n'était sale et pourri. Elle n'était plus une étrangère dans le foyer de ses parents. Elle aurait voulu leur dire qu'enfin, elle rentrait à la maison.

Elle regardait Henri. Elle regardait cet ange gardien, elle devinait toute la bonté du monde, sa gentillesse, son honnêteté. Et elle eu envie de s'adresser à toutes ces forces inconnues qui écrivent les histoires des Hommes. Le sort, le destin, l'univers. Elle voulait leur dire que tout était réparé. Elle voulait qu'ils sachent que tout irait mieux. À cet instant elle devinait que justice serait faite. Et puis, elle supplia.


« Laissez moi ici, laissez-moi rester. Laissez-moi Henri. Car ici, je suis à la maison. »


- On aurait dû le voir, se rendre compte que quelque chose n'allait pas, pleurait Estelle.

- J'ai tout fait pour leur cacher, ils ne pouvaient pas le voir, je me suis enfoncée dans mes mensonges et j'ai eu tort, je l'ai protégé lui au lieu de me protéger moi, répondit Mia, à genoux auprès de sa mère.


Henri parlait pour Mia, il veillait à répéter mot pour mot.

Et si Estelle était effondrée, horrifiée, Louis restait figé, les poings serrés, le regard sombre. On pouvait voir la veine sur son front ressortir et ses mâchoires se crisper. Un volcan était entré en éruption dans son esprit et il allait exploser d'un instant à l'autre.


- Il faut parler à Flora, lança Estelle déjà triste à l'idée qu'elle aussi apprenne toute la vérité.


Il y avait cet homme qu'ils avaient aimé, consolé, accueilli comme un fils, à qui ils avaient tant donné. Et tout ce temps, il savait ce qu'il leur avait fait, ce qu'il leur avait pris. Tout ce temps ils avaient eu ce monstre sous les yeux et n'avaient pas su le reconnaître. Louis ressentait un sentiment fort qu'il n'avait jamais connu avant, pire que la haine, pire que la rage. C'était incontrôlable et destructeur.


...


MinuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant