Chapitre 44

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Rien.

Il ne se passa rien.

Quand elle rouvrit les yeux et qu'elle comprit qu'elle était encore là, elle sut. Il allait venir ici. L'emporter ne lui suffirait pas, il avait besoin de tout détruire avant de disparaître. Le mal était glouton, il n'en n'avait jamais assez !


- Il faut que tu t'en ailles, Henri, il faut vite que tu partes !

- Mais Mia...

- Il vient pour toi, j'en suis sûre, je t'en supplie, mon amour, va-t-en !


Elle le poussa hors du lit, lui laissant juste le temps d'enfiler un short et un t-shirt avant de l'obliger à sortir de la cabane.


- Mia...

- Henri je refuse de le voir te faire du mal, on ne discute plus, tu dois partir !


Mais quand elle voulu ouvrir la porte de leur maison, elle fut incapable de saisir la poignée. Elle la sentait entre ses doigts sans être capable de la toucher vraiment, c'était l'effet qu'il avait sur elle. Henri vit sa main impuissante et comprit aussitôt. La panique dans les yeux de Mia lui coupa le souffle. Et quand il entendit les pas rapides se rapprocher à l'extérieur, il se baissa en s'adossant au mur pour ne pas être vu. Heureusement, aucune lumière ne trahissait sa présence.

Les premiers rayons du jour, eux par contre, trahissaient l'intrus en projetant son ombre par les vitres de la cabane. Sans le voir, Henri pu se déplacer pour ne jamais se faire repérer. Et puis, soudain, plus d'ombre, plus de bruit.

Mia était toujours à moitié absente, elle s'était figée au milieu de la pièce, tremblante. Il était là, forcément, tant qu'elle ne revenait pas. Il était là, mais où ?

Elle tourna sur elle-même pour regarder par les fenêtres de derrière et quand Henri l'imita, il fut secoué en l'entendant hurler.


- Henri sauve-toi !


Maxime était là, derrière la fenêtre qui donnait sur le potager. Droit comme un arbre, il fixait Henri avec la mort dans le regard. Henri se releva en s'accrochant à la poignée de la porte qu'il ouvrit avant d'être tout à fait debout et déjà, il tenait fermement la clé de sa voiture, prêt à sauter dans le véhicule pour filer à toute vitesse ! Mais l'autre contourna la cabane en courant et Mia fut traverser par le tueur comme un rien avant qu'il ne se jette sur le jeune homme qui s'écroula de tout son long dans la terre.

Henri se retourna sur le dos pour lutter contre l'assaillant bien plus fort que lui, malheureusement. Il se battait de toutes ses forces, enfonçant la clé de voiture qui dépassait entre ses doigts dans les côtes de Maxime qui ne semblait plus humain. Il ne vivait plus que de haine et de jalousie. Et son corps de chair ne semblait plus craindre la douleur. Même quand la clé ressorti ensanglantée, il ne broncha pas, gardant ses mains autour du cou d'Henri qui suffoquait sous les cris horrifiés d'une Mia impuissante.


...


- Henri !


Il entendait sa voix comme il avait entendu celle de sa mère il y a onze ans.

Il entendait la supplication qui le ramenait vers la réalité. Aussi douloureuse soit-elle. Il entendait comme un vent violent dans ses oreilles. Un vent brûlant qui ferait fondre ses chairs s'il s'approchait encore. Il sentait l'air trop chaud pénétrer ses poumons.


- Henri réveille-toi !


Était-ce le jour qui était si chaud ? Le soleil qui cramait ses rétines à travers ses paupières ?


- Henri, Henri ! Le feu !


Alors il ouvrit les yeux sur la cabane en feu. Mia était là, un spectre dans le brasier qui gagnait en intensité. Elle hurlait près de lui, mais il ne voyait que l'enfer ardant ardent qui l'attendait.


- Henri, lève-toi ! Debout ! Sors d'ici !


« Avec quelles forces ? Il n'en reste plus... » voulait-il répondre en sentant son cœur l'abandonner, en sentant ses poumons se figer, son corps s'éteindre.


- Reste avec moi, Henri, n'abandonne pas.


C'était de cette force là dont il avait besoin. Cette force puissante, mystique et infaillible qui le fit se redresser en s'appuyant contre le mur de la chambre qui n'avait pas encore complètement brûlée. Mia ne pouvait pas le toucher, elle ne pouvait pas l'aider.

Il était encore là, dehors, il voulait voir son œuvre.

Henri avait beau se sentir partir, quand il s'écroula sur le sol de salle de bain, il chercha tout de suite à trouver une issue. Et, en tournant la tête, étalé sur le ventre à la recherche des dernières bouffées d'oxygène, il vit les vestiges de la trappe d'évacuation qui servait à vider les toilettes sèches il y a longtemps, avant que son grand-père n'ait l'eau courante. En rampant, il se faufila dans le petit espace qui pouvait accueillir son corps fin, les pieds d'abord. Et il commença à taper avec ses talons pour pousser la trappe condamnée vers l'extérieur. Dès le premier coup, il devina un rayon de soleil, comme la promesse de l'espoir.


- Oui, continu ! s'écria Mia en l'encourageant.


Le deuxième coup laissa entrer plus de soleil encore mais Henri se sentait de plus en plus faible. Il ne respirait pas assez d'air frais pour tenir. Et quand Mia le vit basculer la tête en arrière, elle voulu le rattraper pour qu'il ne se cogne pas.

Depuis que Maxime l'avait attaqué, elle rageait de ne pas réussir à interagir malgré sa présence comme elle avait pu le faire dans les bois plus tôt, elle avait beau y mettre toute sa volonté, elle restait invisible, inefficace, impuissante. Mais là, juste avant que la tête d'Henri ne heurte le sol, elle pu le retenir et le toucher.

Alors, aussitôt, elle sortit de la cabane en feu pour vérifier ce que ça voulait dire, Maxime était parti ?

Elle contourna la cabane en courant et s'arma de la pioche plantée dans la terre du potager avant d'atteindre la trappe qu'Henri avait tenté d'ouvrir. Elle glissa la pointe de la pioche entre la planche et le mur et fit levier pour forcer l'ouverture. Là, elle vit les pieds d'Henri à peine conscient. Mia le tira aussi fort qu'elle le pouvait jusqu'à ce qu'il soit complètement sortit de l'incendie.

Et elle pu à nouveau respirer en le voyant prendre une grande inspiration. Quand Mia vit sa poitrine se soulever pendant que ses poumons se remplissaient d'air frais. Quand elle vit ses yeux s'ouvrir pour la regarder et même un sourire tendre revenir sur son visage noircit par la suie.

MinuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant