Chapitre 46

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Attention contenu sensible :

*

Le jour de la mort de Mia :

Mia se réveilla sur le sol de la salle de bain, seule, meurtrie et si fatiguée.

Elle resta dans la même position de longues minutes, à fixer le plafond, à demander au néant pourquoi elle ne mourrait pas ? Respirer était douloureux, vivre était un supplice.

Elle voyait le jour s'éteindre doucement, le soleil se coucher. Il fallait que ce soit le dernier. Et quand il fit nuit pour de bon, elle se redressa en grimaçant, ses côtes étaient définitivement cassées, aucun doute. En s'aidant du rebord de la baignoire, elle se mit debout et vit son reflet dans le miroir. C'était bien là le visage d'une morte, il ne restait rien à sauver.

Si il y a quelques heures elle rêvait encore de rentrer chez elle. Maintenant elle ne rêvait que de voir tout s'arrêter, la douleur, la peur, la lassitude... Elle voulait s'allonger dans un lit chaud et fermer les yeux, s'endormir comme elle le faisait avant, sans savoir si elle se réveillerait. S'endormir et partir, pour toujours.

Elle fixait ce reflet abîmé dans la glace et baissa les yeux quand ceux-ci s'emplirent de larmes brûlantes. Assez, c'était assez. Et c'est les yeux baissés, qu'elle envisagea sa porte de sortie. Elle regarda à nouveau le miroir et serra le poing. En fouillant la pièce des yeux elle trouva des serviettes dans le panier à linge qu'elle déposa dans l'évier et quand elle se sentit prête, elle inspira un grand coup et frappa la glace en son centre, de toutes ses forces. Il fallut trois coups pour qu'elle se brise. Les débris tombèrent presque sans bruit dans les serviettes.

Elle observa les lames acérées une longue minute en pleurant, en secouant la tête devant l'évidente et unique issue qui s'offrait à elle. Combien de temps son bourreau voudrait-il encore jouer avec elle ? Combien de temps avant qu'il ne se lasse de la torturer ?

S'il prenait cet acharnement pour de l'amour, il avait promis de l'aimer pour toujours.

Alors, elle attrapa le morceau du miroir qui lui semblait le plus tranchant. Il entailla la paume de sa main et le bout de ses doigts. Mia pleura et serra les dents, il ne restait qu'une dernière douleur à encaisser. Et tout serait fini.

La main tremblante elle entama sa chair une première fois mais la douleur l'empêcha d'aller assez loin. Elle pressa son poignet blessé contre sa poitrine en respirant, il fallait qu'elle le fasse, il fallait qu'elle aille jusqu'au bout. Et quand elle recommença, quand elle sentit que cette fois était la bonne, elle appuya plus fort sur sa chair.

C'est le moment que Maxime choisit pour revenir. Il ouvrit la porte et comprit tout de suite ce qu'elle faisait. Il frappa brutalement sa main pour lui faire lâcher son arme et hurla sur elle.


- Qu'est-ce que tu as fait ! Mia, pourquoi tu as fait ça !?


Mais tout ce qu'elle voyait c'était la porte qu'il avait laissée ouverte. Alors, elle le poussa de tout son poids et se précipita dans le couloir pour rejoindre les escaliers. Elle connaissait bien la maison, elle savait par où passer. Son bras pressé contre sa poitrine pour empêcher le sang de couler, elle descendit les marches trois par trois et heurta durement la porte d'entrée en manquant de tomber. Mais rapidement elle se redressa et ouvrit la porte sur l'extérieur prometteur. Derrière, elle entendit les cris de Maxime qui déjà se lançait après elle. Mais l'espoir lui donnait des ailes, même si son corps semblait s'éteindre, elle courut plus vite qu'elle s'en croyait capable jusqu'à rejoindre le sentier sombre qui contournait le moulin au lieu de suivre la route.

Mia tentait sa chance dans la forêt malgré la pénombre, peut-être arriverait-elle à la maison de Lucien avant que Maxime ne la rattrape ?

Et alors qu'elle remontait le chemin, elle entendit des pas lourds et rapides derrière elle. En voulant se retourner pour vérifier à quelle distance était Maxime, elle trébucha et ne sut pas se relever avant qu'il n'arrive sur elle. Sous les éclats de la lune il ressemblait à un prédateur qui se jette sur sa proie.

Il plaqua sa main sur sa bouche et la traîna à l'écart du sentier car il savait que des gens la cherchaient encore !

Mia se débattit mais il resserra son étreinte jusqu'à ce qu'elle soit douloureuse, même pour lui.


- Arrête de te battre contre moi !


Mais en luttant, son pied trouva appui contre un tronc et elle replia ses jambes pour donner plus de force à sa manœuvre. Quand elle poussa contre l'arbre avec détermination, elle sentit que c'était son corps à lui qui l'entraînait en arrière. Là, en bas, coulait la rivière et dans cette zone elle était profonde et le courant très fort. Il remontait la forêt et ne ralentissait qu'à partir de la fin du chemin. Peut-être qu'elle ne sortirait jamais de ces bois, mais peut-être aussi qu'elle pouvait le faire couler avec elle.

L'eau glacée avait tout anesthésié, même la peur. Elle se laissa emporter alors que Maxime avait lutté pour s'accrocher aux racines qui dépassaient de la rive. Il la regarda disparaître dans l'eau froide, emportée par les flots, se préparant déjà à suivre la rivière pour la retrouver avant que quelqu'un d'autre le fasse.

Ce fut comme s'endormir, comme partir.

Elle flottait, comme dans les rêves qu'elle faisait enfant. Elle se voyait recroquevillée sur son oreiller alors que celui-ci volait juste au dessus du sol et qu'il quittait son lit, il passait par la fenêtre, il montait aussi haut que les nuages. Puis d'un coup, d'un seul, la gravité la rattrapait et elle se réveillait en sursaut, se sentant réellement tomber. C'était son cerveau qui voulait être certain qu'elle n'était pas en train de mourir.

Mais cette fois, elle volait plus loin, plus haut, elle ne chutait plus, elle ne se réveillerait pas. Elle s'échappait.

Et quand, une centaine de mètres plus loin, l'eau l'abandonna à un tronc tombé en travers, elle s'accrocha jusqu'à ramper hors de l'eau. Près d'un grand rocher, elle sentit le froid mordant attaquer sa peau tandis qu'elle se retournait sur le dos pour regarder vers le ciel. Elle leva un bras vers la lune, comme si durant une seconde elle avait le pouvoir de l'atteindre, et puis son bras retomba sur les pierres comme celui d'un pantin inanimé.

Sa montre se brisa sur une pierre.

Mia ne sut jamais faire la différence... était-elle morte à cet instant ou avait-elle survécu quelques secondes de plus ?

Tout ce dont elle se souvenait, c'est qu'elle avait contemplé les étoiles sans jamais cligner des yeux. Et puis, un petit garçon avait prononcé son nom.

Il était minuit, minuit exactement.

MinuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant