Chapitre Second : Ou Sortir de l'Auberge

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Toc.
Toc.
Toc.

La porte s'ouvre sur un monde drapé d'aube.

« Le noble représentant de la gendarmerie de Chamallon-Perrieux. Que puis-je pour te servir ? »

La porte s'ouvre sur l'hiver et sur un policier. Droit, et rasé de près, et tout ce qu'il faut être ! C'est un petit Paon qui s'esclaffe :
« Solène ?
— En chair et en cernes. »

La môme hurle la nuit, songe l'Ombre. Même quand elle est tue, c'est ma tête qui hurle. Tout hurle, par ici, c'est plutôt agaçant. Le monde n'a pas de manières !

En face, Arthur Dumont, de son petit nom, grince :
« La maternité te va à ravir. Tu sais, en-dehors de l'intégralité de ton apparence.
— Vil flatteur. »

Silence.
Tic et tac.

« Dis, qu'est-ce que tu fais là ? Ça fait au moins six mois.
— J'aurais quelques questions à te pos...
— Alors c'est vrai ? Le trou dans le crâne, le meurtre ? On a buté Marie, n'est-ce pas ? »

J'ai choqué mon noble fonctionnaire, songe Solène. Visiblement l'enthousiasme n'est pas la bonne réponse face aux meurtres. A noter.

« ... Je vois. Apparemment, les nouvelles vont vite.
— Je possède mes sources, mon cher. »

Une source aux yeux-forêts et au sourire de soleil, peut-être.
Ils disent que c'est un meurtre.

L'Ombre parle pour s'empêcher de penser :
« Visite professionnelle, donc ? Soyons professionnels. Enchantée, Monsieur l'officier Dumont ! Entrez dans mon humble demeure. »

Alors ils marchent. Dans les couloirs tapissés – où les coins se décollent tels des bouts de peau morte –, le salon vide, toujours vide, et bientôt la cuisine – où la bouilloire siffle comme oiseau tombant –. Chaleureux, contemple Solène. Presque autant que moi-même !

Le Paon s'assoit. L'Ombre aussi :
« Tu veux boire quelque chose ? J'ai de la tisane imbuvable ou du lait en poudre.
— Non. Merci. Très aimable.
— ...Est-ce qu'elle a vraiment été assassinée ? Marie, je veux dire.
— En effet, la... thèse de l'homicide semble la plus envisageable. »

Solène raille – C'est ce qu'elle appelle rire. Elle ne sait pas vraiment faire autrement. Elle savait, avant. C'est fini. – :
« T'aimes toujours les mots. Plein de mots compliqués pour déguiser la Mort. Quelqu'un l'a butée.
— Toujours aussi subtile. Exactement. Voilà. Dans ta version brutale, quelqu'un l'a butée.
— Un meurtrier à Chamallon-Perrieux. Tellement excitant. »

Des visages passent devant la vitre – des ordinaires, des voisins, des peut-être-assassins ! –.

La bouilloire se tait. Solène reprend :
« Ils ont raison, les gens qui bourdonnent dehors ? Ils disent qu'on lui a éclaté la cervelle.
— ...C'est vrai. L'arme n'a pas été trouvée. »

Je pensais que Marie mourrait de solitude, songe Solène. Mais non ! Le monde est plein de surprises ! On lui a éclaté le crâne, on lui a éclaté l'âme. Tellement excitant, oui. Palpitant.

« Et la balle ?
— Fondue. »

Le reste aussi, je suppose, rêve l'Ombre. Avalé par les flammes et transformé en boue de chair. Fondu, également. Tout, tout fondu ! ...Fondue, Marie.

« Et pour...
— Ce n'est pas pour ça que je suis ici, Solène.
— Je... Pourquoi, alors ?
— L'enfant. »

Pourquoi l'enfant ? sursaute Solène. L'enfant, l'enfant... mon enfant ?

La SilencieuseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant