Il pousse la porte, lentement. Quel hôtel charmant.
A cent-deux kilomètres de Chamallon-Perrieux.
Doucement, l'homme approche sa destination.
Tic tac tic tac.
Bientôt vient LECHAUVIN ! Ô Nord prendre garde à toi.
***
« Madame, est-ce que Lili c'est ton amoureuse ?
Sur le canapé, enfant sur les genoux, Solène a les joues – les yeux – qui brûlent.
Non, non, petite, nous n'étions qu'un peut-être, et maintenant...
Elle balbutie, murmure :
« Pourquoi tu m'appelle Madame ? »
Petite voix, grands yeux soudain :
« Parce que je ne peux pas t'appeler Maman. »C'est tout l'instant de gloire de l'Ombre qui s'approche – les mots tapis dans sa gorge s'apprêtent à jaillir, sûrs, rassurants, maternels ! parfaits. –. Mais en sortant ils couinent comme une prière :
« Oh, Gabie. Je ne te demande pas de m'appeler Maman, tu sais. Tu peux m'appeler Solène. C'est bien, Solène. »Depuis sa conscience un Ange souffle :
Tu n'es pas sa Maman, d'accord. Mais ça ne veut pas dire que tu n'es rien, tu comprends ?« D'accord. Solène. D'accord ! »
L'enfant fait rouler sur sa langue le goût étrange du nom Solène Solène, émerveillée, puis sans raison soupire :
« Tu sais, ma Maman disait toujours qu'il ne fallait pas faire de bruit. Jamais. Mais toi, tu fais du bruit ! Tu parles haut ! Tu n'écoutes pas ta Maman ? »
— C'est l'heure du goûter. »Splendide diversion, applaudissez ! songe Solène acide, Tant pis, je serai plus honnête quand les enfants seront moins fûtés. Pas de Maman pour moi, Gabie. Mais j'ai des buts, et des rires. On ne peut pas tout avoir. Il faut croire que mon génie se suffit à lui-même !
L'Ombre murmure, alors, à Gabie dévorant une compote-maison-de-chez-le-vieux-Bill :
« Tu peux faire du bruit, maintenant, d'accord ? Tu peux dire ce que tu penses. »La petite saisit les mots chuchotés – C'est la première fois que quelqu'un parle, comme elle, la langue des orphelins ! – avant de siffler les siens :
« Et si les gens entendent ? »Ce n'est pas ça l'enfance, frémit Solène. Il faut hurler, apprendre à vivre ! Il faut fuir les chaînes qu'on te jette aux chevilles. Est-ce trop tard pour toi, petite Gabrielle ? Je crois que les chaînes creusent dans tes pieds déjà. Tu saignes. Ce n'est pas ça l'enfance.
Un frisson s'écrase sur le dos de l'Ombre – Un frisson étrange. Presque un frisson-étreinte – tandis qu'elle assure d'une voix hachée :
« Alors ils entendront que tu existes. Ce sera beau, je te promets. »L'autre hoche la tête.
Tout à coup, il y a une main sur l'épaule de Solène. Elle frémit, lève la tête, et...
Oh.
Lili.
Ta peau ne touche que ma veste, mais regarde-moi trembler.
Un silence noir s'accroche entre les deux femmes – noir-asphalte, oh, noir-brûlure –, tandis que leurs regards se croisent et parlent :Pourquoi nous deux on reste loin, alors que... Alors que...
Il faut arrêter, maintenant. S'il-te-plaît.
Pourquoi tu me fuis ? Ça me perce et ça me hante.
Je sais Solène, je sais et je suis tellement désolée.
L'Ombre sourit. L'autre répond. C'est incertain, d'accord, même effrayé un peu, mais ces sourires sont blancs dans un silence obscur.
Tout est bien, paraît-il.
Pourtant
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La Silencieuse
Romance"Ils disent que c'est un meurtre." La tasse entre les doigts resserrés de Lili tremble comme un volcan. Et le rire de Solène s'étrangle dans l'air chaud. Mais tout va bien, toujours. (Solène est terrifiée. Du meurtrier, oui ! des ombres, aussi... m...