Les rues sont remplies jusqu'aux trottoirs d'un peuple calme. Le monde déambule, tranquille comme un soir.
Et soudain courent sous ses yeux l'enfant de l'enfer, l'Ange humaine, l'oiseau policier et l'exclue emportée !« Bientôt, bientôt ! Bientôt nous y serons. » ahane l'Ombre empressée aux ombres dans ses pas.
Un enfant les pointe en riant de ses grosses dents rondes.
Oui, c'est drôle, oui, pense Solène, le cœur essoré autant que les poumons. J'aurais pu être héroïne ! J'aurais pu mener la justice vers l'éclat de la vérité. J'aurais pu être tout ! Et pourtant, toujours, je suis rien. Et je cours. Hilarant. Pathétique.
« ICI ! » soudain elle hurle. — Hurle. Hurle. Hurle. Tombe. –.
Une maison apparaît, large et haute comme un bois. Sur le balcon trône un septuagénaire aux yeux profonds telles ses rides.
« Bill ! » s'époumone Solène de ses poumons vides. « Bill d'en haut du balcon ! Où est le garçon que tu m'as proposé d'engager ? Je dois le retrouver ! Où est-ce qu'il habite ? »L'Ombre offre une pensée fugitive à Juliette, et à son Roméo, s'excusant à l'artiste que dans cette adaptation-là, Mademoiselle Capulet porte la moustache et la soixante-dizaines fière, quand son amant fougueux se croit poursuiveur d'assassins. Pauvre dramaturge. On danse sur son œuvre. Aucun respect, cette jeunesse. Je n'ai même pas mis de pourpoint.
Alors Juliette-Bill gronde :
« Alexandre ? Il est là. Qu'est-ce que tu lui veux, gamine ? »Une porte claque. L'Ombre est entrée, et l'Ombre marche :
« Où es-tu ? Alexandre, n'est-ce pas ? Alexandre-pillard, Alexandre-assassin ! »Derrière elle avance l'Ange, et un Paon qui suit sa trace en sifflant seulement :
« Violation de propriété privée, ce que tu fais.
— Tu m'arrêteras quand j'aurais retrouvé mon indice. Et en brisant ainsi la loi, peut-être l'aurais-je aidée ! »Je suis une chasseuse au harpon de justice. Le Paon le sait. Le sent. Le sait. Peu importe. Enfin ma proie paraît ! Penchée dans la gueule ouverte d'un lave-vaisselle, sans protection aucune contre les mâchoires de la bête. Le monde est plein de fous. De VOLEURS ! D'assassins.
Au son des pas d'armées qui montent derrière lui, Alexandre tout à coup se retourne :
« Qu'est-ce que vous faites ici ? »Il joue bien l'innocent, apprécie Solène. Le masque fondu dans la peau ! Les mensonges inscrits dans ses traits d'adolescent. Mais arrachez le déguisement ! et alors vous verrez que dessous la culpabilité a fait noircir ses chairs et pourrir sa conscience.
L'enragée crache ses maux :
« Le carnet, le carnet, c'est toi !
— Quoi ?
— Ne mens pas ! C'est toi ! »Sa tête tremble sous l'effet de ses pensées noires – il est trop tard, sûrement ! trop tard pour sauver le carnet, l'enquête et l'âme de Marie –, pourtant l'Ombre tend l'enfant à Lili – Il faut épargner à Gabrielle cette atroce vision de Solène affolée, n'est-ce pas ? –. L'amie recule ensuite, en serrant la petite.
Mais
personne ne prend le temps d'observer la face apâlie de l'Ange-fantôme...L'empressée pose une paume sur l'épaule d'Alexandre, qui trébuche et fuit vers l'arrière :
« Ne me touchez pas ! Espèce de folle ! »Oh, comme avait dit Lechauvin ! voudrait ricaner l'Ombre. Je me souviens. Vous qui semblez folle ! C'est émouvant tant d'harmonie dans les injures jetées sur moi.
Elle attaque – d'une voix suppliante. C'est un concept. – :
« Mais tu as volé le carnet !
— De quoi est-ce que vous parlez ? »Solène, soudain, n'est plus aveugle au monde autour. Les flammes fuient sa vision. Elle n'entend plus la bête rire. Sa rage s'essouffle telle une bougie dans l'orage.
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La Silencieuse
Romance"Ils disent que c'est un meurtre." La tasse entre les doigts resserrés de Lili tremble comme un volcan. Et le rire de Solène s'étrangle dans l'air chaud. Mais tout va bien, toujours. (Solène est terrifiée. Du meurtrier, oui ! des ombres, aussi... m...