« Solène ! ...La photo. Que tu as déposé à la gendarmerie, celle qui montrait Lechauvin traquant Marie. Elle est trafiquée. Joliment, mais trafiquée. C'est du vide. On se fout de nous. Depuis le début, Lechauvin est innocent, mais quelqu'un pourtant cherche à le faire accuser. Ce quelqu'un-là est l'assassin. En toute poésie, je te dirais de faire gaffe à ton cul. »
Par cette déclaration d'un Paon perturbé sur le pas de porte, pour Solène tout s'écroule.
***
Lili. Solène. L'horloge. Et la télé.
Tictactic.
Tout à coup l'Ange se retourne, fixe l'Ombre de ses deux Amazonies d'yeux, et souffle :
« Tu crois que c'est moi, pas vrai ?
— Une légère mise en contexte me ferait grandement plaisir. »Ses yeux sont tendres, sa bouche est sèche :
« Qui ait trafiqué la photo.
— Bien sûr que non.
— Bill le croit, lui.
— On n'a jamais dit qu'il était perspicace. »Lili sourit, alors. Une mèche égarée sur son front semble lui couper l'œil en deux. Solène n'aime pas – C'est d'ailleurs l'unique raison pour laquelle elle caresse le visage de l'autre. Bien sûr. Et si ses doigts vénèrent la peau effleurée, il suffit de l'ignorer. –.
C'est peut-être à cause de l'approche du sommeil, ou bien de cette odeur d'Ange si rassurante : Avant d'avoir pu tuer les mots tapis sous sa langue, l'Ombre lâche :
« Notre rendez-vous, Lili, tu te souviens ?
— Solène...
— Où est-ce que j'ai échoué ?
— Nulle part. Rien... Solène, rien n'est ta faute.
— Pourquoi tu t'enfuis ? »Ses inspirations soudain ont des gueules de sanglots, frémit l'Ombre avant d'entendre :
« Je suis désolée, tu sais.
— Des excuses ? Encore. Des excuses toujours et toujours des mensonges ! Je... »La voix qui l'interrompt fait à peine trembler le silence – Suppliante. Pathétique. – :
« Solène... s'il te plaît. Non, non, non, s'il te plaît.
— Marche sur mon cœur, je m'en fous. Eclate-le d'un coup de talon bien placé... fais ce que tu veux ! mais parle, je t'en prie, Lili, pa...
— Ce sera bientôt terminé, d'accord ? Tout sera bientôt terminé. C'est ridicule d'entamer des choses si près de la fin.
— Quoi ? »L'Ange continue, redressée sur le canapé – paraissant colosse triste – :
« Je fuis, d'accord ? Je fuis, tu as raison ! Félicitations. Je fuis le début des choses car je connais déjà la fin sur le bout du cœur. J'ai peur que tout va éclater, comme une tête au bout d'un flingue. Pouf. Plus rien. Tu comprends ?
— C'est lâche.
— ...Je sais. »Lili paraît réclamer toutes mes foudres et toutes mes pluies pour s'y noyer, frissonne l'Ombre. Suicidaire.
« Je ne survivrai pas, si je m'autorise à avoir tout, tout, le monde entier et d'un coup... BOUM ! Plus rien.
— Je ne suis pas le monde entier.
— Tu... Tu es... Si. Une grosse partie.
— Oh. »L'Ange de son regard intense fragile tendre scellé... perce toutes mes barrières, frémit Solène. Mon cœur a sauté sous ses mots. A sauté dans ses mains...
L'Ombre enserre ses doigts, fond dans sa peau, murmure :
« On ne va pas s'écrouler, tu sais. Nous sommes à peine nées, les fins sont loin ! Les feux, aussi. Les explosions. Lili, te tues déjà à refuser de vivre !
— J'ai... je ne peux pas ! Je suis désolée, Solène. Tellement désolée. Merde, je...
— Tu as envie ?
— Quoi ?
— De nous. Tu as envie d'être nous ? »Silence.
L'Ombre ignore son âme gonflée qui prend toute la place dans son corps – propriété privée, tout de même ! –. Ses veines portent un sang noirci d'angoisse, pourtant.
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La Silencieuse
Storie d'amore"Ils disent que c'est un meurtre." La tasse entre les doigts resserrés de Lili tremble comme un volcan. Et le rire de Solène s'étrangle dans l'air chaud. Mais tout va bien, toujours. (Solène est terrifiée. Du meurtrier, oui ! des ombres, aussi... m...