Chapitre Dix-Septième - Ou la Presque-fin

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Lili bientôt murmure :

« Comment est-ce que tu as compris ?

— La seule raison pour laquelle Marie aurait pu fuir avec l'enfant, c'est pour lui échapper.

— Elle ne lui a pas échappé.

— Non. Je sais...

— Mais Gabie, si. Grâce à toi, puisque tu l'as accueillie, elle lui a échappé."

Aucune n'a entendu l'artiste approcher. Quand il déverrouille la porte, c'est un monde qui explose. Quand il entre d'un air fou, c'est une attaque qui fuse :

« Ce que Pensée cherche à dire, Chrysanthème, c'est qu'elle t'a sacrifiée.

— Non ! C'est faux ! J'ai... fait ce que je pouvais faire. J'étais perdue, Solène, et... »

Les Anges ne se décomposent pas comme les Hommes, observe l'Ombre. Tes traits restent impassibles, Lili l'illisible. Il ne faut pas montrer au peintre qu'il vainc ! tant pis si dedans tout pourrit et si les échos s'enveniment. Tu tombes à l'intérieur, comme les braves et les tristes.

Solène l'interrompt, souriante en enfer – blasphème – :

« Je sais. Ne t'inquiète pas. Je ne regrette pas. »

Au regard-forêt incrédule, elle cherche à dire :

Tout va bien. Je ne t'abandonne pas. Tu m'as donné le monde. N'aies pas peur, pas peur, d'accord ?

Les yeux de Lechauvin brillent de toutes les foudres divines qu'il aurait mérité :

« Même si tu meurs maintenant ? »

Même si tu m'as tuée tu m'as fait naître.

Avec dans sa tête la mélodie funeste Gabie Gabie Lili Gabie Dumont Bill et Lili et Gabie et Bill et Arthur, elle souffle :

« Même si je meurs maintenant. »

Ce pauvre fou n'a pas compris qu'en capturant les Fleurs, elles le capturent aussi. Ne crois pas t'échapper, ô l'artiste ! Tu me hantes je te hanterai. Une fois morte je viendrai hurler dans ta tête. Je vivrai dans ton cœur, dans ton âme, dans tes os. Partout où tu ne veux pas de moi. Même tuée, je vaincs !

Leurs sabliers se vident – les grains sont caillots de sang –. Tout à coup l'Ange lâche, cherchant sûrement à gagner quelques secondes ou quelques vies :

« La Doc'. Pourquoi l'avoir tuée ? Elle n'avait rien à voir avec cette histoire.

— Une question contre une question. C'est toi qui a fendu mon tableau ? La Pensée ? Mon chef-d'œuvre ?"

Lili ne dit rien. Un triomphe dans ses yeux brille. Sans un mot, Solène y lit Oui, Eliott, oui. J'existe en-dehors de tes cages ! J'existe en dehors de tes cadres ! J'ai détruit ce que j'étais pour devenir moi. Tu as perdu le contrôle. Je vaincs.

Une absurde fierté l'enlace. C'est ça, la gloire ! admire-t-elle. Pas le satin, pas les bravos. Nous sommes grandes, dans nos poses d'esclave ! A terre, front courbé. Immenses. Dans nos défaites et nos terreurs... nous sommes reines, mon Ange !

Pourtant même les reines craignent les loups armés, alors Lili souffle :

« Il fallait que je sois libre ! Dedans, j'étais enfermée. »

— Enfermée ? J'aurais pu tout te donner ! La gloire et la fortune. Tu n'as voulu de rien. Ne m'accuse pas de ta faiblesse.

— La Doc', maintenant. Explique. Elle n'avait rien fait !

La SilencieuseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant