Chapitre cinq, se fier aux étoiles.

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Chapitre cinq, se fier aux étoiles.

En remontant par les passerelles métalliques, Alain et Wiencke étaient arrivés devant le bungalow le plus proche, sur une terrasse de tôle ajourée où les attendaient une table, deux chaises et des bières fraîches. Jacques Brel chantait toujours et Wiencke passa à l'intérieur le temps de couper le son et allumer des lumières électriques. Alain contemplait son bateau en contrebas dans les dernières lueurs du jour.

_ Une bonne bière, après la journée que tu viens de passer, il n'y a pas meilleur. Et dans ton bungalow tu pourras te doucher. Je ne te donne pas la clef, c'est ouvert. Rien ne ferme à clef ici.

_ Pourquoi me raconter ces choses insignifiantes ?

_ Je vais te dire et surtout te montrer des choses très signifiantes, si tu le veux. Je sais que tu es très solide.

_ Soit, j'écoute.

_ Non, regarde plutôt le ciel, les étoiles s'allument. Regarde bien les étoiles, elles ne mentent pas.

Il y eut quelques minutes de silence. Alain scrutait le ciel avec stupeur. Il cherchait en vain à retrouver les constellations qu'il connaissait parfaitement. Seule la voie lactée gardait un aspect familier. Le tonnerre gronda au loin.

_ Mais, où sommes-nous ?

_ Tu as navigué sur tous les océans, sous toutes les latitudes, tu connais tous les aspects du ciel...

_ Oui.

_ Alors, la bonne question n'est pas où...

_ Quand ?

_ Voilà.

_ C'est impossible. Je deviens fou, c'est une mauvaise blague.

_ Non, Alain, je te dois la vie, je suis ici pour te payer ma dette en t'aidant à accepter cette réalité.

_ Je ne sais pas qui tu es !

_ Tu connais ces histoires de marins que les recruteurs soûlaient pour leur faire signer un engagement pour Shanghai , Valparaiso, ou ailleurs ?

_ Oui, les gars se réveillaient au large sur un bateau, avec un contrat pour des années...

_On disait qu'ils étaient shanghaïés.

_ Oui, mais je ne vois pas le rapport...

_ C'est ce qui m'est arrivé, il y a bien longtemps, et c'est ce qui t'arrive aujourd'hui.

_ Je ne comprends pas. Qui m'a shanghaïé ? Je suis à terre, je suis libre de larguer les amarres. Et ce ciel, ces étoiles ?

_ Tu es un homme instruit et expérimenté, ces étoiles te disent l'évidence, tu as posé la bonne question : quand.

_ On ne voyage pas dans le temps.

_ Si, on voyage dans le temps. Tu as quitté ton siècle en 1978 : moins de cinq ans après, les spécialistes en physique quantique commençaient à réaliser des expériences qui remettaient en question le principe de causalité... C'était un tout premier pas vers le voyage temporel, même si à l'époque personne n'y croyait...

_ Toi, tu es un voyageur temporel ?

_ Comme toi. Je le suis devenu bien malgré moi, au service de puissances qui me dépassent.

_ Tu m'as dit que tu venais de passer vingt-cinq ans en France !

_ Oui, de 1980 à 2005.

_ Et ce soir, alors...Quand serions-nous ?

L'Océan des marins perdus.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant