Rimes coquines

Le surcompensateur

Le surcompensateur était le sobriquet
Que nous avions donné à cette grosse cylindrée
Inutile, je suis sûre, de vous expliquer l'idée
Il est question de taille, comme vous vous en doutez

Les ventes avaient doublées depuis que le patron
N'avait mis que des femmes pour que nous le vendions
Depuis nous faisions des pronostics
Sur grosseurs et tailles de trique

Nous avions ajouté au tableau des ventes
Une colonne contenant la taille supposée 
De la queue du client, qui ne s'en vante
Un calcul basé sur la phrase alambiquée :

"La durée de la négo est inversement proportionnelle
À la taille ridicule de la quenelle"
Une leçon que vous ne trouverez jamais
En école de commerce, vous pouvez chercher

La théorie complète est la suivante :
L'homme bien monté est généreux
Dès lors, il ne négocie que peu
Ainsi donc est conclue la vente

Nous attendions toutes, impatientes
Cette rencontre surprenante
Puis vint un jour, comme il y en a,
Où cela arriva

De client il n'y eut point,
Mais une cliente, nous voilà bien!
C'est un record cependant 
La négo ne dura qu'un instant

Mais la commande, par contre
Ne fut pas un contre-la-montre
Toutes options et haut-de-gamme
Elle s'offre un beau cadeau, la dame

Grande et bien mise, pleine d'assurance
Un beau sourire, un regard intense
Mais sachons rester professionnelle
Moi qui aux "ils" préfère les "elles"

Elle veut essayer le SUV
Nous sommes toutes deux bien installées
Il y a quand même quelques frôlements
Involontaires, évidemment

De retour à la concession,
Elle est charmée et moi aussi
Sans doute pas pour les mêmes raisons
Je me prends à l'imaginer dans mon lit

La vente conclue, elle est partie
D'ici deux mois, rendez-vous pris
Pour qu'on lui livre la Chevrolet
Je serai là, je lui promets

Face au tableau des ventes
Il ne faut pas que je mente
Selon notre théorie, alors, 
Elle mérite le plus haut score

Oui mais voilà, c'est une femme
Pas de queue, mais un supplément d'âme
Enfin, c'est ce que je croyais à fond
Jusqu'au jour de la livraison

Car ce jour-là c'est un homme,
Qui se présente au comptoir
Tout est en bonne et due forme
Avec la voiture il repart

Dans la semaine la femme m'appelle
Et me dit qu'elle est désolée
Pour se faire pardonner, elle
M'invite à venir boire le thé

J'accepte après avoir hésité
Juste histoire de faire durer
L'agréable conversation
Avec ce canon

Le thé était un peu fort, son odeur entêtante
Les biscuits excellents, gingembre-menthe
Le canapé design, confortable et épais
Peut-être s'approchait-elle un peu trop près 

Elle parlait beaucoup, d'une voix douce et précieuse
Je la devinais sous sa jupe, voluptueuse
J'étais embrouillée, complètement subjuguée
Puis elle fut assez proche pour enfin m'embrasser

Son regard profond et ses yeux verts clairs 
J'étais comme un insecte sous un réverbère 
Comme un lapin devant le cabriolet
Qui s'apprête, sans aucun doute, à l'écraser 

Ce regard si intense, j'ai plongé dedans
Et je me suis retrouvée, je ne sais comment 
À demi-nue sous elle, les jambes écartées
La belle s'était tue car elle m'embrassait

Tout le reste se perd dans un tourbillon
Où tantôt c'est elle qui me doigte le con
Tantôt moi qui presse ma chatte mouillée
Contre son clito, et la fait crier

Je me réveille le matin sous des draps de satin
Elle n'est plus avec moi mais je sens son parfum 
Je me lève, je me douche et puis je me rhabille
Je repense à ses lèvres, son regard qui pétille

Je crois que je suis seule dans cette grande maison
Je redescend prudemment dans le salon
Il y a là cet homme qui me fait sursauter
"Pardonnez-moi", je fais, "c'est fou comme vous lui ressemblez"
"On nous le dit souvent" répond-il amusé
Avant de me proposer un café

Il me demande ensuite si la nuit était bonne
Je pique alors un fard, me prend-il pour une conne?
Je discute un peu mais jamais il ne dit
Si il est frère ou amant, ou tout simplement mari

Je suis repartie vite, un peu désappointée
Quelle est leur relation, je ne le saurai jamais
Mais dans toute cette histoire, une idée m'aiguillonne
Et si il s'agissait de la même personne?