L'Ombre et l'Esprit

Chapitre 7

Adélita-

Croiser Spectre dans la rue m'a fait bizarre. Vraiment bizarre. Je ne m'y attendais pas. Jamie m'a harcelé de questions jusqu'au début du film qu'il voulait voir au cinéma. J'ai fini par lui dire la vérité. Que c'était un client du bar qui m'avait aidé. C'est tout. Après ça, mon fils n'a plus rien dit. Mais il me regarde en coin de temps à autre tout au long du film. Sûrement à cause du petit sourire qui n'a pas quitté mes lèvres depuis que je l'ai vu. Spectre est vraiment un bel homme. Un très bel homme. Encore plus sous la lumière du soleil. Je suis également sûre que mes joues sont encore rouges alors qu'on se trouve dans le magasin du quartier pour faire quelques courses. Jamie ricane de ma tête.

- On dirait une ado m'man.

- Pff , je sais.

- Sérieux, ça ne peut pas être qu'un client. Dit-il.

- Ça m'aurait étonnée aussi que tu lâches l'affaire aussi vite.

- Bah fallait se concentrer sur le film aussi. Alors ? Ce type qui te fait rougir, c'est qui ?

- Jamie !

- Allez maman !

- C'est un client du bar, je te jure. Soufflé-je.

- Vraiment, il n'y a rien eu de plus ?

- Quoi ? Fais-je, sidérée. Mais c'est quoi cette question ?

- Oh, j'ai seize ans maintenant, je sais comment ça se passe.

Je secoue la tête mi-amusée par son sourire canaille mi-choquée que mon bébé grandisse. J'ignore son interrogatoire pour me concentrer sur ce que je mets dans mon panier. Même en choisissant les produits les moins cher possible, et avec un panier ridicule, j'en ai malgré tout pour presque cinquante dollars de courses. Quel enfer. Tout augmente sans arrêt. Le pire, c'est sûrement le regard plein de pitié de la caissière à Jamie. Comme si elle le plaint d'avoir si peu de chose à manger. Une rage ancienne et acide remonte dans ma gorge et me brûle. Mais je l'emmerde elle ! Elle est qui pour me juger ! Je m'énerve et m'apprête à lâcher une phrase bien sentie quand Jamie me coupe.

- Vous avez un problème ? Demande t-il en la fixant froidement dans les yeux.

- Hein ? Euh, non, rien. Bafouille la gourde blonde.

- Alors tant mieux.

Il soulève le sac et on sort. J'inspire un bon coup pour me calmer et je voie mon fils en faire de même. On se regarde en silence une seconde avant de rigoler. Puis on rentre chez nous. Sur le palier, notre vieille voisine nous invite à partager un bon repas ce soir. Ça ne se refuse pas, Mia cuisine divinement bien. De la nourriture cubaine qui tient bien à l'estomac. Je passe l'après midi à laver mon linge à la main dans l'évier de la cuisine parce que ma machine à laver a encore un problème pendant que Jamie fait ses devoirs sur la table. Il soupire à chaque ligne de la rédaction d'histoire sur la Guerre de Sécession qu'il fait. Mais bizarrement, quand je lui propose d'inverser nos rôles, il la trouve soudain merveilleuse et inspirante. Mais bien sûr. Je ris de sa bouille concentrée et du petit pli sur son front. Ma vie serait vraiment monotone sans Jamie. Ce dernier, lorsqu'il juge avoir fini son devoir, me rejoint pour terminer la lessive. Mes mains sont rouges et fripées et mes ongles un peu mou. Je les passe sous de l'eau douce et plus froide avant de me les sécher correctement avec un chiffon. On étend les derniers vêtements et on se laisse choir dans le canapé quelques minutes avant que quelqu'un ne toque à la porte. Je me relève en grimaçant et vais ouvrir. Mia me sourit.

- C'est prêt mes chéris.

- Oh ! Déjà ?

- Il est dix-neuf heure dix. Dit la vieille dame.