L'Ombre et l'Esprit

Chapitre 15*

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Spirit-

Je vais vomir. Enfin, peut-on le faire si on n'a rien avalé depuis des heures ? Des jours ? Je l'ignore. Je ne sais plus vraiment grand chose de toute façon. Mon cher mari a décidé de laisser ses malabars me battre comme plâtre. Tout mon corps souffre. Je ne peux plus ouvrir mon œil et l'un de mes bras est douloureux depuis qu'on a déboîtée l'épaule. J'ai deux doigts cassés et une cheville foulée qui me lance affreusement. Mon nez a été pété aussi mais j'ai serré les dents et l'ai remit plus ou moins en place. Je dois ressembler à un morceau de viande un peu trop attendri. La douleur fait vriller l'esprit et altère le jugement. J'ai hurlée à m'en arracher les cordes vocales, pleurée à m'en assécher le corps et suppliée comme jamais. Personne n'a arrêté pour autant.

Le pire, je crois, c'est qu'on ne m'a jamais posé de questions, ou autre. On m'a juste battue jusqu'à ce que je craque et m'évanouisse. Alors on m'arrosait et on recommençait dès que j'étais consciente. Je n'en peux plus. La seule chose de sûre dans mon enfer, c'est que mon fils est en sécurité. J'ai entendu Wyatt en parler. Souffrir ainsi m'a fait remarquer que je compense certaines pertes par des gains. Entre autre, mon audition me semble meilleure. Ou bien c'est moi qui délire ? Peu importe. Jamie est en sécurité. Avec Spectre. Les hommes que Wyatt a envoyer sont morts. Tués par les Angel's Melody. Ride a tenue parole et a été chercher mon fils. Tout va bien. Pour lui au moins.

Je nage parfois dans un nuage brumeux quand un mouvement trop vif réveille une blessure, une douleur, un souvenir. Je déraille. La soif et la faim n'arrange malheureusement rien à mon calvaire. Au bout d'un temps, j'ai le droit à une bouteille d'eau en plastique et un morceau de pain. Je leur fais une misère. Ça apaise à peine ce trou en moi. Tout m'apparaît sombre. Je me demande si c'est ainsi que voit Spectre voit parfois le monde. Dans ce nuancier de gris. Comme ces vieux films en noir et blanc. My Demons de Starset tourne en boucle dans ma tête ces derniers temps. D'autres, plus noires passent parfois mais c'est celle là qui revient encore et toujours. Elle me donne envie de danser alors que c'est impossible. Je suis incapable de me lever. De bouger même. Respirer m'est parfois difficile.

Et quand je pense arriver à juguler ces vagues qui me torturent, un nouveau problème plus épineux apparaît. Présentement, c'est l'entrée dans ma cellule de Wyatt. Mon œil valide le détaille à peine. Il porte un costume sur mesure, comme toujours. Il est froid, comme toujours. Et comme toujours, je me demande comment j'ai pût un jour l'aimer, le chérir, lui pardonner. Quand je compare les sentiments que j'avais pour lui et ceux qui m'animent quand je pense à Spectre, je me dis que j'ai vraiment été aveugle et stupide. Une petite fille naïve. Ça m'arrache un grimace.

Wyatt s'avance, tel un félin en chasse. Je ne vais pas aimer la suite n'est-ce-pas ? Je le vois dans ses yeux gelés. Il est là pour que je souffre encore plus, pour que je paye le soit-disant affront que je lui ai fais. Quand ses doigts glissent sur sa ceinture pour la retirer de son pantalon, mon cœur se glace, mon souffle se bloque et mon esprit s'envole. Je sais. Je sais. Et je ne veux pas. Pas sans essayer, même vainement, de me battre. Même si tout mes muscles protestent  avec véhémence, je me redresse, les mâchoires crispées. Une lueur dangereuse brille dans ses yeux. Qui me supplient presque de lui tenir tête. Clairement, c'est ce qu'il veut. Que je me débatte. Mais je ne peux pas me laisser faire. Pour Spectre, si un jour je peux le revoir. Pouvoir lui dire que j'ai lutée. Que j'ai essayée. Je suis misérable et je le sais. Son sourire carnassier me glace le sang. Il me fait frissonner d'horreur. Ma gorge se serre, mon estomac se retourne. Le pain pèse soudainement très lourd.