2002
— Tu préfères manger des haricots verts jusqu'à la fin de ta vie ou vivre avec une limace collée sur la joue ?
— Beurk. Je crois que je préfère les haricots.
— Mais genre, que des haricots ! Pas le droit de manger des spaghetti bolo ou du chocolat.
— ... Et toi tu choisis quoi ?
— La limace, je pense.
— Et si c'était une araignée ?
— Les haricots, direct.
J'éclate de rire, et tends les bras pour effleurer le sol. Ça fait dix minutes que Valerio et moi on est suspendus la tête en bas, les genoux crochetés autour des barreaux de la cage à poule. Je commence à voir un peu flou, et on se pose des colles pour passer le temps jusqu'à ce que l'un de nous craque le premier.
Cet été il est arrivé la même semaine que moi, et il repart en même temps. Je suis trop content qu'il soit revenu pour les vacances, l'année dernière on a trop rigolé. Je lui ai montré tous les endroits cool du camping, que je connais par cœur comme je viens depuis que je suis petit, et on est allés presque tous les jours au lac. Soit pour explorer le bois autour, soit pour juste jouer à la Game Boy sur une vieille souche en mangeant des Smarties. On a même baptisé un arbre.
— J'ai mal à la tête, dis-je.
— Moi aussi. Tu vas lâcher ?
— Non.
— Moi non plus.
Un bruit de tongs qui claquent sur le sol en mousse – le camping a enfin aménagé la plaine de jeux avec autre chose que des cailloux – s'approche de nous et je me dévisse le cou pour tenter d'apercevoir qui vient nous ennuyer.
Avec Valerio, on n'est pas très sociables avec les autres enfants du camping. L'année dernière, on est restés juste entre nous tout l'été et c'était génial. On a plein de points communs et on rigole bien, alors qu'avant chaque année je me faisais des amis au début mais avec qui je ne m'entendais plus à la fin parce qu'on n'avait pas le même âge. En plus, cette année on serait les plus grands au club enfant alors ça craint. Y a plus que des bébés, maintenant. Et puis, Val il est toujours partant pour aller faire du toboggan à la piscine, chercher des trésors sur la plage du lac, ou monter dans la voiturette de Serge, le concierge, pour faire le tour du camping. Et avec lui, je peux jouer à la Game Boy, regarder plein de films et dessiner n'importe quoi sur les miroirs embués des sanitaires communs.
— Bonjour Nadège, dis-je d'une petite voix en découvrant la tête à l'envers de la maman de Valerio.
Les bras croisés, elle sourit mais ne semble pas très contente.
— Oh, salut maman !
Il se balance légèrement en arrière pour tenter de l'apercevoir, et j'attends la suite, un peu mal à l'aise. C'était mon idée de nous accrocher là, et je suis sûre qu'elle vient nous crier dessus.
— Depuis combien de temps êtes-vous pendus ici comme des ouistitis ?
— Euh...
— Même pas cinq minutes, maman !
— C'est très dangereux pour la circulation sanguine, descendez donc avant que j'envoie vos pères vous décrocher.
On s'exécute rapidement, avant d'échanger une moue déçue une fois les pieds à terre. Personne n'a gagné, aujourd'hui. Tant pis, j'avais prévu de lui faire manger une boite de haricots verts à même la conserve une fois que je l'aurais battu.
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W [EN PAUSE]
RomanceBienvenue au camping « À la belle étoile » Ce panneau, Valentin l'a déjà vu un million de fois. En exagérant à peine. Chaque année, c'est là-bas qu'il se rend avec ses parents, où ces derniers ont acheté un mobil home pour goûter la tranquillité de...