Chapitre 5

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2003


— Ta voix a changé, constaté-je en inclinant la tête.

— Ouais, dit Valerio en se grattant la tête. J'ai mué.

Debout dans l'allée entre les deux mobil-homes, on se fixe. Enfin, moi je le fixe, parce que c'est ce que je fais toujours. J'avoue, je suis un peu jaloux, parce que moi j'ai toujours une voix d'enfant, et il a beaucoup grandi depuis l'été dernier. Pas moi.

— C'est pour ça que tu voulais pas téléphoner ?

Il shoote dans un caillou sans me regarder. En mode c'est la honte de muer.

— On va à la piscine ? demandé-je alors.

C'est plus simple que d'expliquer que je m'en fiche.

— Ouais ! Tu m'attends ? Faut que je trouve mon maillot.

Je le suis dans le bungalow, où je dis bonjour à ses parents tout en m'asseyant sur la banquette pendant que Val part se changer.

— Tu as passé un bon début de vacances ? me demande Nadège.

— Je me suis un peu ennuyé.

— Ha, ces jeunes. Vale comptait les jours, il était temps qu'on arrive !

Je souris, plutôt content de savoir que mon impatience de revoir mon copain était partagée.

— Hé, Val, on a pas pu prendre mon vélo ! crie-t-il à travers la porte de sa chambre.

— Ah, oui, le porte-vélo n'était pas adapté, confirme son père d'un air désolé.

Je hausse les épaules.

— Pas grave, on pourra monter à deux sur le mien, j'ai un porte bagage.

— J'suis prêt !

Sa serviette de plage sur l'épaule, il met des tongs et je saute sur mes pieds pour qu'on aille à la piscine avant qu'il ne soit trop tard. Il est déjà seize heures, et j'ai envie d'en profiter un peu avant la fermeture.

Je ne vais pas trop m'y baigner sans Valerio. Enfin, avant qu'on se connaisse j'y allais avec mes parents, mais tout seul c'est nul. L'été dernier, on y restait des après-midi entières, à faire du toboggan ou à se laisser dériver dans la rivière sauvage.

— On y va avec mon vélo ? proposé-je. Tu peux monter derrière.

— Ouais !

On empile nos draps de bain sur le porte-bagage pour faire comme un petit siège, et il s'accroche à mes épaules pendant que je pédale sur le chemin. Valerio me lâche une seconde pour faire coucou à Serge, le concierge du camping, et je lâche aussi le guidon.

— Salut, Serge ! crie mon ami par-dessus le moteur de la voiturette.

— Salut, les gamins !

Serge il me connaît depuis que je suis petit, c'est un peu comme un tonton. Il n'y a pas beaucoup de vacanciers qui connaissent aussi bien le personnel du camping que ceux qui ont un mobil-home permanent, comme mes parents. Du coup, c'est un genre de privilège de connaître tout le monde, parce que des fois il nous donne des jetons pour la machine à laver, l'épicier nous donne des glaces gratuitement ou on peut boire de la grenadine à volonté au restaurant. Comme Valerio et moi on traîne toujours ensemble, il est aussi bien vu. C'était pas vraiment faux, quand on disait qu'on pourrait devenir les dieux du camping !

— La piscine est saturée, vous feriez mieux d'aller au lac ! nous lance-t-il en nous dépassant.

— Ah. On va voir ?

W [EN PAUSE] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant