Everyone has secrets.

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Kier poussa un soupir à en fendre l'âme. Il était presque certain que le Karma se vengeait de lui ces derniers temps, mais uniquement quand il prenait sa pause clope. Il avait fait exprès de traîner dans les couloirs le plus longtemps possible après son heure de colle pour ne pas être dérangé quand il sortirait et pourtant... Il n'y avait plus un chat dans l'établissement à cette heure tardive, sauf la dernière personne qu'il avait envie de se taper.

— T'as pas mieux à faire ? s'exaspéra-t-il à l'intention d'une blonde écervelée.

Lou lui sourit de toutes ses dents, telle une louve affamée.

— Tu comptes arrêter de fumer ?

— Pardon ?

Il arrêta subitement de jouer avec les anneaux à son oreille, tandis qu'elle levait un sourcil. Une fumée opaque expirait lentement de ses narines, preuve qu'il n'avait jamais envisagé de réduire sa consommation.

— Quoi ? Je croyais qu'on jouait au jeu de celui qui pose la question la plus absurde, se justifia-t-elle avec une pointe d'agressivité. Tu devrais faire attention à ton corps, d'ailleurs, ou tu ressembleras à un retraité le jour de ton diplôme.

Les pupilles de Kier roulèrent dans leur orbite. Il se servit tout de même du cendrier détruit (l'école n'était décidément pas pressée de le changer) pour se débarrasser des cendres.

— Lou, sérieusement, lâche-moi le cul ! Tu vois pas qu'tu déranges ?

— Et toi, t'y vois tout court avec ce truc devant tes yeux ? rabroua-t-elle en pointant du doigt ses mèches trop longues.

Il grommela, tendu comme un élastique, et reprit une latte pour étouffer une insulte entre ses lèvres. Qu'est-ce qu'elle pouvait être chiante !

Face à son inaction, l'emmerdeuse en question émit un long gémissement plaintif. Son sac, aussi vert que ses chaussures montantes, roula de son épaule jusqu'au sol en un geste on ne peut plus dramatique, mais Kier demeura stoïque. Il la toisait, les yeux plissés. Cherchait-elle vraiment la confrontation ?

— Tu vas rester coincé si tu continues à froncer les sourcils, attaqua-t-elle de plus belle.

Elle parut très satisfaite de voir la lueur sauvage dans le regard du fumeur, avant qu'il ne grince entre ses mâchoires serrées :

— T'as pas quelqu'un qui t'attend à cette heure-ci ? Genre, pas moi ?

L'expression insolente de la jeune femme se brouilla. Elle ouvrit la bouche, hésita, puis souffla profondément. Ses épaules s'affaissèrent.

— Tu peux pas pendant une seconde me laisser penser à autre chose que ma vie foutrement ennuyante, bordel de merde ? conjura-t-elle d'une voix fatiguée. Juste, vis ta vie et arrête de vouloir me renvoyer à la mienne.

Il fronça les sourcils, conscient qu'elle en avait soit trop dit, soit pas assez. Elle le dévisagea en biais, le défiant d'ouvrir la bouche pour la remballer une énième fois.

Depuis le temps qu'ils se côtoyaient, il ne la cernait toujours pas. Il avait cru pendant un moment avoir mis le doigt sur sa personnalité, mais après son aveu d'hier à la cafétéria, les conclusions de l'adolescent ne tenaient plus la route. Elle s'entêtait à être insupportable et il était une cible facile.

Une pensée absurde lui vint :

— T'aimes bien Nikita, affirma-t-il de but en blanc.

Le visage de la demoiselle perdit instantanément ses dernières couleurs et un ange passa. En proie à un combat intérieur, elle détourna la tête. Sa mine s'était voilée.

Pot de ColleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant