Chapitre 2

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La cicatrice du passé

Certaines de ces espèces sont très semblables et d'autres, très différentes. Parmi celles dont la culture et l'Histoire sont très liées, il y a bien évidemment les Serpents et les Crocodiles. Ces deux peuples n'ayant un système d'écriture que depuis très peu de temps – la plupart de leurs légendes se sont transmises oralement durant des siècles – nous ignorons, nous Historiens, si ces suppositions sont vraies.

Nous sommes cependant nombreux à émettre l'hypothèse que ces deux espèces descendent en réalité d'une seule et même branche très rare de la race thérianthrope : celle des Dragons, aujourd'hui pratiquement éteinte. Un seul point important parmi tous ceux que j'ai noté après des années d'observation me conforte moi-même dans cette idée : les Serpents, autant que les Crocodiles, sont des thérianthrope de sang-froid contrairement aux Canidés, Félidés, Ours et Seigneurs du Ciel qui sont eux, issus de mammifères à sang chaud – j'ai noté quelques individus de sang-froid parmi les Cétacés également, mais nous y reviendrons. Ce point important me fut relaté par mon confrère et ami Sage, ethnologue du peuple des Crocodiles, qui apporta la preuve que les Dragons eux-mêmes étaient des thérianthropes de sang-froid.

Cette particularité non négligeable explique à elle seule toutes les différences qui existent entre les sang-froid et les sang-chaud. Les Serpents et les Crocodiles ont en effet une moins grande résistance au froid à cause de leur température corporelle qui atteint au maximum les trente-trois degrés, ce qui prouve qu'ils ont effectivement besoin de plus de chaleur pour stabiliser cette basse température corporelle, et que les pays du sud leur conviennent beaucoup mieux que les pays du nord. Cela explique également leur faible taux de natalité : les femelles Serpents et Crocodiles ont plus de difficultés à concevoir que les femelles Canidés, réputées meilleures génitrices de la Grèce.

Cependant il y a un point que tout ceci n'explique pas et que j'aimerais pourtant comprendre, en ce qui concerne l'androgynéité chez les Serpents et les Crocodiles. C'est une pratique encore très peu répandue chez eux mais dont le nombre va s'accroissant depuis quelques temps. Ce que je trouve étonnant, c'est que cette pratique dangereuse provoque beaucoup moins de mort chez eux que chez les espèces thérianthrope à sang-chaud. Là où près de soixante pourcents des jeunes androgynus Félidés meurent durant les premiers jours de leur transformation, seuls un peu moins de vingt pourcents des androgynus Serpents ont perdu la vie – sans oublier l'incroyable taux de réussite de cent pourcent chez les Crocodiles. À quoi cela est-il dû ?

Ce dernier point prouve à lui seul l'énorme différence qu'il existe entre les thérianthropes à sang-froid et les thérianthropes à sang-chaud. Ce qui tendrait à expliquer pourquoi les Serpents et les Canidés, deux espèces bien différentes, sont toujours à couteaux tirés...

Extrait de « Histoire du monde thérianthrope »

Par le prince Ilias le Lion

an 387 av. J-C

Quelques jours plus tard, Athènes, capitale de la Grèce, fin de l'été de l'an 298 av. J-C...

Un nouveau haut-le-cœur le fit sourire et il leva les bras vers ses longs cheveux parme pour les nouer, dégageant sa nuque blanche perlée de sueur. Le plus fort de la chaude saison était désormais passé mais la chaleur n'avait que très peu baissée, signe qu'ils auraient sans doute un hiver doux mais très humide comme c'était souvent le cas, comparé aux régions du nord, beaucoup plus froides. La proximité de la mer rendait la vie ici plus clémente mais aussi plus dangereuse car beaucoup d'autres espèces thérianthropes jalousaient leur oisiveté.

Il termina de nouer la cordelette dans sa chevelure, retint sa respiration lorsque son estomac fit une nouvelle embardée, sourit et replongea ses mains dans la terre humide et fraîche. Son tuteur l'avait plusieurs fois repris sur ce sujet, arguant qu'avoir les ongles noirs de boue n'était pas très présentable quand on occupait une place aussi importante que la sienne au sein de la famille royale, mais c'était plus fort que lui, le jardinage avait toujours eu le don de l'apaiser – l'odeur de la terre mouillée, celle des plans tout juste sortis, ou encore celle des fleurs écloses par ses soins. C'était comme voir naître un enfant.

L'Étalon de SangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant