La colère du Lion
Je ne mis longtemps à me décider et partais le soir-même de ma dispute avec mon père et mon frère aîné. Connaissant le roi Andral, je savais qu'il n'avait pas prononcé ses mots au hasard. J'avais bel et bien été déshérité et ne voulais pas attendre que cela devienne public. J'étais sûr que mon frère saurait comment expliquer ma disparition.
Alors je suis monté sur mon étalon et suis parti. J'ai lancé le destrier au triple galop, laissant le vent fouetter mon visage, et jamais de ma vie je ne m'étais senti aussi heureux. J'étais enfin libre. Finalement, mon père avait peut-être raison de craindre les Agharians. Oui, ils sont devenus puissants et dangereux, et j'étais certain qu'ils sauraient faire face à la Horde et parviendraient même à la repousser. Mais comment m'y prendre pour leur faire comprendre qu'un danger les attendait ?
Malheureusement, des gardes m'avaient suivi et me rattrapaient dès que je mettais un pied dans la Forêt Profonde. Ils avaient pour ordre de me ramener à Larissa, c'était évident, mais je me défendais. Comme tout prince qui se respecte, j'avais reçu une stricte éducation militaire mais étais beaucoup moins doué que mon frère aîné et perdais vite le combat face à tant d'adversaires. Je décidais de fuir, quitte à me mettre en danger, même si je savais que les gardes royaux devaient évidemment me laisser la vie sauve. Toutefois, en chemin, nous sommes tombés sur une femelle Agharianne, restée étrangement seule au bord d'une rivière. Elle portait un sceau d'eau.
Je me souviendrais à jamais de cette apparition, je le sais. Même avec ce danger qui planait au-dessus de ma tête je la trouvais extraordinairement belle : ses cheveux étaient emmêlés et d'une couleur rousse lumineuse. Elle avait des yeux d'un bleu liquide étonnant. La fourrure qu'elle portait paraissait soyeuse et douce mais était légèrement crottée de boue aux extrémités. Son visage blanc était moucheté de taches de rousseur discrètes mais néanmoins voyantes et ses mains aux longs doigts fins étaient sales. Elle me fixait, surprise et effrayée mais pas aussi farouche qu'elle aurait dû l'être, et je la regardais en retour. Puis les gardes sont arrivés.
Par un concours de circonstance dont j'ai du mal, même encore aujourd'hui, à me souvenir, elle se retrouvait blessée par une flèche et moi debout à quatre pattes au-dessus des corps sans vie des trois soldats qui avaient tenté de me ramener. Je les avais égorgés, tous, sans exception, pour la protéger, après avoir revêtu ma forme animale. Et si j'étais moins doué qu'eux une épée à la main, aucun soldat ne pouvait rivaliser, en termes de force brute, avec un lion royal.
À Larissa, on nous apprend très jeune à ne plus y avoir recours, aussi cette situation me laissa perplexe et complètement perdu durant plusieurs minutes. Seuls les pleurs de douleur et de peur de la jeune femelle m'aidèrent à reprendre mes esprits. J'y voyais là un signe qu'il ne me fallait pas négliger : si je ramenais cette petite en vie à Agharia pour qu'elle y soit soignée, les sauvages m'accueilleraient-ils ?
Je ne devais pas perdre de temps aussi l'aidais-je à grimper sur mon étalon avant de monter derrière elle et de me remettre en route.
Extrait de « Histoire du monde thérianthrope »
Par le prince Ilias le Lion
an 387 av. J-C
Au même moment, Agharia, cœur de la Forêt Profonde...
Minos l'avait retrouvé. Peu importe les raisons de sa présence ici, Shun était persuadé qu'il était là pour lui. À peine se demanda-t-il comment il avait bien pu pister sa trace à plus d'une journée de distance de Larissa – et à fortiori, dans cette forêt aussi dense que la nuit – qu'il sut. C'était le sang. Ce sang épais et sombre qu'il avait perdu pendant près de six jours et dont le Griffon s'était imprégné la nuit où il s'en était pris à lui, avait constitué une piste olfactive tenace qu'il n'avait eu qu'à suivre. Shun avait mené le roi Griffon droit sur Agharia, et lorsqu'il le réalisa, des larmes silencieuses et amères se mirent à glisser sur ses joues.
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L'Étalon de Sang
FantasíaIl y a sept ans, lors de ce que les thérianthropes appellent aujourd'hui la grande vague de "Purification", les Canidés bannirent les peuples Crocodiles, Cétacés et Serpents de leurs côtes du sud vers le nord, provoquant des milliers de morts. Après...