L'immeuble n'était pas très haut, situé en plein centre de la ville, à distance égale entre la fac de Valhalla et celle du Brahman. Il était peint de beige clair, qui tirait sur le blanc cassé lorsque le soleil brillait sur la façade, et se trouvait dans une belle résidence verdoyante. Il s'alignait près des carrés de terre fraîche, des grands pins se dressaient devant, et ça donnait une impression de nature abondante. Cet immeuble était bien placé, dans un quartier calme, abrité de la pollution pesante de la ville, et pas trop loin des commerces et écoles.
Cet immeuble ressemblait plus à une maison qu'autre chose en fait. Il en avait l'apparence, un toit en pente, de grandes fenêtres en bandeau, un beau jardin à l'anglaise qui était accessible par tous les habitants, et une cage d'entrée qui faisait plus entrée d'appartement qu'autre chose. C'était peut-être réellement une maison tout compte fait, d'ailleurs la plupart des habitants du quartier parlaient de cette bâtisse comme d'une vielle maison d'architecte. En tout cas, maison ou pas, il y avait cinq appartement dedans, un par étage, plus un au rez-de-chaussée.
Chifuyu et Takemichi étaient très contents de leur nouvel appartement. Bon certes leur appartement était au quatrième étage et il n'y avait pas d'ascenseur, certes comme ils étaient au dernier étage le plafond de leur appartement était en fait le toit de la maison, ce qui voulait dire qu'il était en pente, et certes s'ils marchaient trop bruyamment, les voisins du dessous entendraient tout. Ah et certes il n'y avait pas de balcon, les pièces n'étaient presque pas meublées (pour ne pas dire pas du tout), de grande fenêtre découpaient le toit dans le salon et aucun rideau ne permettait de cacher la vue, et il n'y avait pas d'eau chaude. Bon pour l'instant l'appartement n'était pas incroyable, mais c'était déjà bien.
Par exemple, Chifuyu et Takemichi avaient leur propre chambre, ça c'était un point positif. En plus de ça, avec les fenêtres en bandeau, il y avait énormément de lumière dans l'appartement. Et l'espace était optimisé au maximum, car toutes les pièces donnaient sur le salon et la cuisine, ce qui faisait qu'il n'y avait pas de couloir et donc plus de place.
C'était déjà pas mal.
C'était ce que répétait Chifuyu pour se rassurer qu'il n'avait pas fait n'importe quoi en prenant cet appartement.
— Franchement. C'est bien en vrai, dit-il en essayant de prendre un air assuré.
— Ouais grave, dit aussitôt Takemichi.
Les deux garçons étaient plantés comme deux imbéciles au milieu de leur nouveau salon, et regardaient l'espace autour d'eux depuis quelques minutes.
— C'est juste un peu vide, ajouta Takemichi.
— Et on a pas de chauffage, se sentit obliger de dire Chifuyu.
Quand Takemichi disait un peu vide, c'était un euphémisme. Hormis les innombrables cartons qui encombraient le sol, il n'y avait rien du tout. Ah si, il y avait un canapé défoncé, collé à un mur, sous les fenêtres.
— Les anciens habitants devaient pas laisser leur meuble, demanda Takemichi au bout d'un moment.
— Si mais ils ont changés d'avis en nous voyant.
— Tu veux dire en voyant Baji, corrigea Takemichi.
— ... En voyant nos amis survoltés plutôt.
Takemichi lança un regard sceptique à son meilleur ami. Chifuyu soupira, ce n'était pas de sa faute s'ils n'avaient pas de meuble quand même, c'était les anciens habitants qui avaient changés d'avis. À cause de leurs amis.
Chifuyu avait eu la mauvaise idée d'accepter que ses amis viennent avec eux visiter l'appartement, une grosse erreur qui lui avait coûté l'absence de meuble. Pourtant la rencontre ne s'était pas si mal passée...
Noooon pas du tout, à part le fait que « Mikey l'excité », « Senju la pile électrique », « Baji l'enragé », « Draken le colosse qui fait peur », le « dark Kazu », « Koko le moins de dixsophobe » (moins de dix faisant référence aux revenus de quelqu'un. S'il gagne moins de dix mille yen par moi, c'est la honte selon Koko) et « Mitsu le daron qui vérifie tout », avaient clairement effrayés les locataires. Ils avaient dû penser qu'une bande de fou allait emménager chez eux, alors que pas du tout, c'était juste Chifuyu et Takemichi qui venaient habiter là...
Bon, au moins ils avaient eu l'appartement...
C'était littéralement leur rêve depuis tout petit, ils avaient toujours voulut cohabiter ensemble pendant leurs études, parce que c'était quelque chose qui avait l'air vraiment drôle ! Surtout que Chifuyu et Takemichi étaient dans deux facs différentes, et maintenant que Chifuyu quittait le Toman, ils n'allaient plus pouvoir se voir autant qu'avant. Raison de plus pour habiter ensemble.
Mais ils ne s'étaient pas du tout attendu à se retrouver dans un appartement vide...
Chifuyu se mordit les lèvres et regarda le canapé rapiécé en face de lui. Est-ce que les anciens locataires de l'appartement leur avaient laissés pour s'en débarrasser ou par pitié ?
— Le pire c'est que dans nos affaires on a rien pour cuisiner. Genre on a pas de casseroles et de trucs comme ça, dit Takemichi.
— On a pas non plus de table et de chaise. C'est la merde Take.
— Mais non, faut positiver. Faudra juste faire quelques achats...
— Avec quel argent, demanda Chifuyu en haussant un sourcil.
— ... Je ne vois qu'un seul moyen, dit Takemichi. On va devoir faire plusieurs boulot.
— Genre quoi ?
— On peut déjà faire du babysitting, y'avait des annonces dans le quartier. Y'a plein de famille ici, donc plein d'enfant à garder, dit Takemichi. Et ensuite... T'es libre quand toi ?
— Hmm...
Chifuyu s'approcha d'un carton et s'assit dessus en réfléchissant.
— J'ai cours lundi soir, tout le mercredi et jeudi, et ensuite vendredi j'ai cours le matin une fois sur deux, dit-il en pensant à son emploi du temps.
— Ok, et tu travailles quand ?
— Tous les soirs jusqu'à vingt heures, vingt-et-une heure pour le lundi. Et mardi toute la journée.
— Ouais donc tu peux pas faire livreur. Purée, moi aussi j'ai un emploi du temps blindé, soupira Takemichi en se laissant tomber sur un autre carton.
Chifuyu croisa ses mains sous son menton. Il leur fallait vraiment des meubles. Au moins les choses nécessaires, des assiettes, des couverts, de quoi faire le ménage. Ils avaient déjà un lit chacun, heureusement d'ailleurs, donc ça c'était déjà réglé. Il leur fallait aussi des bureaux pour travailler, sinon comment étaient-ils censés étudier ? Ils pouvaient aller à la bibliothèque, mais il y avait des horaires là-bas donc...
— T'as pas des trucs à vendre, demanda soudainement Chifuyu. Des livres, des vêtements, n'importe quoi.
— ... Si j'en ai chez mes parents ! Faudrait que j'aille voir. D'ailleurs je pourrais peut-être gratter des meubles chez eux.
— Ouais bonne idée, je ferais pareil. Faut qu'on vende un max de truc pour se faire de l'argent.
— Je sais ce que tu peux vendre, s'exclama Takemichi en écarquillant les yeux. Tes peluches !!!
Chifuyu fronça les sourcils.
— Alors là même pas en rêve.
— Mais t'es plus un enfant et-
— C'est pas que pour les enfants les peluches, répliqua Chifuyu d'un ton sec. Elles ont grandit avec moi, je peux pas les abandonner maintenant.
— Mais Chifuyu, tu vas avoir vingt-trois ans, dit Takemichi d'un ton moqueur.
— Et alors ?! Mes doudous ils sont à moi, je les vendrais jamais.
Chifuyu se leva et attrapa un carton sur lequel était marqué « La famille de Chi' ». Il jeta une regard courroucé à son meilleur ami et releva le menton, avant de partir mettre son carton à l'abris dans sa chambre. Il claqua la porte derrière lui, afin de montrer son mécontentement, et s'installa sur son lit.
Il défit le scotch qui gardait le carton fermé et sortit soigneusement les peluches qui se trouvaient dedans. Bon c'était vrai qu'il était peut-être un peu grand pour avoir des doudous, mais pourquoi fallait-il un âge pour ce genre de chose ? Les doudous c'étaient mignon, c'étaient des amis sur lesquels on pouvait libérer ses charges émotionnelles.
C'étaient des souvenirs d'enfance, des petits animaux qui nous voient grandir, c'étaient des compagnons rassurants...
Chifuyu attrapa une petit peluche qui avait la forme d'un chat noir et s'allongea dans son lit. Il la serra contre son cœur et posa doucement son menton dessus.
Ça lui faisait bizarre de changer d'appartement. Il avait emménagé ici trois jour plutôt, mais il ne se sentait pas encore chez lui. Ça viendrait avec le temps, il le savait, mais pour l'instant son chez lui lui manquait. Il avait un peu coup de mou.
Le jeune homme ferma les yeux et essaya de se détendre un peu. Il finit par enfoncer des écouteurs dans ses oreilles, pour écouter de la musique relaxante, et ainsi réfléchir plus facilement.
Il était démoralisé en ce moment. Une nouvelle année allait commencer, et les vacances lui manquaient déjà. Il avait peur de ne plus voir ses amis autant qu'avant. L'année dernière, il travaillait au Toman, et c'était un peu leur quartier général là-bas. Son groupe d'ami passait son temps à squatter le café, ainsi il pouvait toujours les voir, mais maintenant qu'il partait, ça ne serait plus pareil...
Chifuyu s'en voulait de changer de travail, et il pensait que ses amis devraient être en colère contre lui. Il avait l'impression de quitter leur groupe, de les abandonner. Le jeune homme se sentait coupable, même s'il partait pour faire quelque chose qui lui tenait à cœur.
Chifuyu se sentait coupable de faire ça. Il quittait le Toman pour un autre travail. Takemichi devrait lui en vouloir, après tout il partait avec Kazutora, c'était comme s'il le remplaçait non ? Baji aussi devrait lui en vouloir, parce qu'il allait passer plus de temps avec Kazutora qu'avec lui, et ça ne se faisait pas.
Le jeune homme était vraiment à deux doigt de tout arrêter et de reprendre son post au Toman. Plus il y pensait, plus il se disait qu'il pouvait le faire. Certes, Senju allait le remplacer, mais vu le travail généralement fourni par Takemichi et Draken (parce que oui, Draken ne faisait pas non plus grand chose au Toman), il n'y avait pas beaucoup de serveur compétent.
Mais d'un autre côté, Chifuyu voulait vraiment travailler avec des animaux. C'était son rêve, c'était normal qu'il veuille le suivre non ? Il devait arrêter de suivre ses amis, juste pour être avec eux, et faire ce qui lui plaisait à lui. Non pas que son travail au Toman l'insupportait, mais il ne pouvait quand même pas travailler là-bas toute sa vie, juste parce que ses amis étaient là-bas...
Chifuyu était perdu. Il ne savait pas quoi faire, ni à qui en parler. S'il en parlait à Takemichi, son meilleur ami lui dirait de revenir au Toman évidemment, et s'il en parlait à Kazutora, celui-ci lui dirait de venir avec lui plutôt. Baji le pousserait sûrement vers le Toman, pour l'éloigner de Kazutora, Senju ferait sûrement pareil. Il savait déjà ce que ses amis les plus proches diraient, donc ça ne servait à rien de leur en parler...
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L'odeur de l'amortentia
FanfictionEt l'odeur de l'amortentia, douce et sucrée, acide et salée, amer et corsée, glisse dans les rues de Tokyo, embaume les cœurs et enivre les esprits. L'histoire ne pouvait pas s'arrêter au café du Toman, la ville est trop grande pour connaître toutes...