24/ Quand l'évidence vous claque en plein visage. Ça laisse une marque

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Elle avait tenu parole. Elle n'avait plus approché Hunter de la semaine. Elle avait fini par glisser son mot concernant le téléphone dans son casier un soir où personne ne pouvait la voir.

Elle avait vendu le téléphone en question au-delà de ses espérances – assoupissement de son fucking karma ?-, et avait acheté ses billets pour Chicago.

Elle avait travaillé d'arrache-pied au Rook pour palier à son absence prolongée pendant les vacances.

Et surtout, elle avait réfléchi longuement à un nouveau projet pour le concours de juin. Kyle, tête dans les nuages, qu'elle ne faisait que croiser, serait content.

Hunter semblait l'avoir oubliée. Enfin presque. Le vendredi soir, elle trouva un nouveau paquet dans son casier. Un autre téléphone. Encore un modèle haut de gamme. Encore le dernier modèle à la mode. Elle jeta la boite au fond du casier en grommelant, récupéra livres et cahiers et referma la porte avec rage.

Puis, elle se trouva stupide. Elle partait pour presque dix jours. Elle ne devait penser qu'à ça.

Le voyage fut long et fatigant, mais il en valait la peine. Martha, était là. Elle la serrait dans ses bras. Martha, tous ses petits frères et Mama. Elle s'enivrait de leur odeur familière qui lui avait tant manqué. Elle pleura un peu et rit beaucoup le premier soir autour de la table. C'était comme retrouver sa famille.

À Dallas, la vie était si différente. Beaucoup de silence. Une vie bien orchestrée. Du travail par-dessus la tête. Des relations familiales feutrées et souvent ancrées dans les souvenir d'un mort. Ici. On vivait au présent. On s'esclaffait pour un rien. On hurlait pour tout et n'importe quoi. On se débrouillait avec la loi et la justice. On survivait comme on pouvait, mais on le faisait en famille.

C'est en mettant les pieds dans le petit appartement de Martha que Jack réalisa à quel point tout ça lui avait manqué. Pas seulement Martha. Tout.

Les premiers jours furent bien remplis. Fêter Noël dans le joyeux foutoir de la famille Campbell. Éviter les allusions flatteuses, mais peu discrètes du cousin Arnold. Revoir les amis. Rattraper le temps perdu. Se boire des cafés brûlants sur le toit de l'immeuble en regardant la neige tomber. Rentrer vite fait parce que décidément on se les gèle ! Aller contempler les chaussures au centre commercial. Rêver de les porter. Reluquer les beaux gosses à la patinoire. Dézinguer leurs copines mieux fringuées que soit. Papoter de tout. Rire d'un rien.

C'était bon. Jack oublia tout le reste. Le travail. La pression qu'elle se mettait pour réussir. La tristesse qu'elle enfouissait sous des tonnes de couches d'autre chose, mais principalement la colère. Le froid de la solitude qu'elle ne voulait pas reconnaître. Et Hunter Stafford.

Chicago était sa ville. Et même si elle était vouée à ne pas y revenir aussi souvent qu'elle l'aurait souhaité, elle y avait ses racines. Et même encore de la famille. La sœur aînée de sa mère, Julia, y vivait avec sa compagne. Elles tenaient toutes les deux une librairie dans le centre.

Et puis, il y avait Papi Bartoli grâce à qui elle savait si bien danser. Jack prit le temps de lui rendre visite dans la maison de vieux, un peu excentrée où il vivait désormais. Il fut heureux de la serrer dans ses bras, mais ne la reconnut que quelques minutes. Après, c'était au-delà de ses capacités cognitives. Cela attrista Jack. Mais c'était peut-être mieux ainsi. Comme ça, il ne regretterait pas de la voir partir. Elle lui laissa une photo récente d'elle et de sa mère dans un cadre qu'elle posa près de son lit.

James accompagna les deux filles au cinéma. Jacklyn laissa les amoureux au fond et se plaça au milieu. Il y avait des choses à respecter entre amie. Cette intimité là en faisait partie. Puis, ils sortirent avec d'autres copains. Jack revit Melvyn, Fred, Cora et Jessalyne. Elle raconta des anecdotes de son bahut pour les faire rire. Elle ne parla, ni de Hunter, ni des olympiades. Aucun d'entre eux n'avait besoin de savoir. Aucun d'entre eux n'aurait compris.

Seule Martha savait. Seule elle, pouvait comprendre.

Tous les soirs, elles se retrouvaient seules dans le même lit et parlaient, parlaient. C'était si bon de pouvoir compter sur une amie. Une meilleure amie. Tout ça lui avait manqué. Affreusement. Horriblement manqué.

- Je crois que je vais inviter James pour le nouvel an. Pour le présenter à Mama.

- T'es sérieuse ? Je croyais que les hommes ça allait et venait ? dit malicieusement Jack.

- Je t'ai dit qu'il m'a offert un collier...

- Un collier !!! Montre-moi ça !

Martha exhiba alors une fine chaîne avec un petit cœur doré au bout. Trop mignon. Elle, elle avait des téléphones derniers cris qu'elle revendait pour se payer un billet de train... Jack savait où était passé le romantisme au moins ! Il était indéniablement resté à Chicago !

La sonnerie d'une notification de téléphone interrompit leur contemplation dégoulinante et sirupeuse du pendentif.

- Melvyn veut venir avec nous au cinéma demain ?

- Melvyn ? Notre Melvyn ?

- Tu en connais un autre ?

- Tu crois qu'il...

- Je ne crois pas. J'en suis sûre. Il avait des étoiles dans les yeux en te regardant hier. Tu as l'aura de la nouveauté et le clinquant du lycée privé. Ça le rend tout chose. Tu aurais dû amener ton uniforme ! Ça l'aurait achevé !

- Arrête ton char ! s'exclama Jack en lui lançant un coussin.

- Mais c'est vrai ! Même Fred avait un sourire révélateur ! Je crois qu'il regrettait votre rupture... un coeur brisé de plus ! Heureusement que j'avais prévenu James, sinon, tu me le piquais direct !

- C'est bon, Martha ! Je ne vais pas sortir avec Melvyn...

- Hummm. Peut-être pas avec Melvyn. Mais que dirais-tu d'un certain Marcus ?

Ô sweet sweet fucking karmaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant