21/ Les voix de Dieu sont impénétrables. Même les karmas pourris le savent.

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La journée passa sans qu'elle ne revoit Hunter. Elle l'imagina aux prises avec sa tragédienne en pleurs. Peut-être avait-il écopé lui aussi d'un avertissement ? Non. Impossible. Il s'appelait Stafford. Comme Stafford et Lloyd, le groupe financier, se dit-elle dans sa tête sur un ton mielleux. Arghhh !

Penser à autre chose. Martha. Mama et tous ses anciens potes de Chicago, par exemple. Elle allait passer de super vacances à décompresser et à rigoler avec sa super meilleure amie. C'était inespéré.

Jack enfourcha son vélo. Direction St James.

L'église était banale sans être ordinaire. Elle avait de jolis vitraux, et un curé très sympa. Père Patrick. Un petit homme qui ne payait pas de mine. Rides et cheveux blancs. Yeux perçants de celui qui a vu beaucoup et entendu encore plus, mais sourire affable.

Père Patrick aimait la musique et soignait ses choristes en préparant petits gâteaux et boissons chaudes pour la fin de chaque séance de travail. Il aimait les envolées lyriques et les airs plein d'élan. Jack le soupçonnait d'être un vieux fan de Céline Dion.

Elle salua les autres choristes. Principalement des femmes et des hommes plus âgés qu'elle. Les seuls plus jeunes qu'elle, étaient un frère et une sœur qui suivaient les traces de leurs parents et restaient toujours près d'eux comme des oisillons apeurés. Et puis, il y avait Camélia, une fille de 16 ans au teint diaphane et à la blondeur iridescente. Malheureusement, elle accusait un certain nombre de kilos en trop, qui faisaient qu'on lui menait la vie dure à son lycée. Elle était pourtant aussi sympa que jolie. Elle avait une oreille absolue et chantait divinement. Son timbre plus clair et dépouillé que celui de Jack, qui jouait plutôt dans les graves, faisait pleurer l'assemblée le dimanche. Père Patrick aimait à dire qu'elle faisait aussi pleurer les anges quand il pleuvait les jours de messe.

˗ Salut Camélia. Ça va ?

˗ Et toi ? Alors, ce week-end ?

Jack savait que Camélia était beaucoup plus intéressée par le bal que pas les olympiades. Elle choisit donc de lui raconter quelques anecdotes. Si elle avait le temps en fin de séance, elle lui montrerait un bout de vidéo. Peut-être la photo prise devant le mini-van pour lui montrer sa robe.

Quelques personnes s'installèrent sur les bancs pour assister à la répétition. C'était habituel. Le chant des choristes était toujours un moment agréable de la journée pour certains. Aussi, quand Kyle arriva, il ne se trouva pas bête et s'installa parmi les spectateurs. Jack lui fit un petit signe pour lui montrer qu'elle l'avait vu.

˗ C'est ton petit ami ?

˗ Mon petit... Non ! Non ! C'est un ami du Club de physique appliqué. Il a participé aux olympiades avec moi. Si tu veux, je te le présente à la fin. Ça lui fera plaisir. Je suis sûre qu'il va adorer ta voix.

Camélia rosit assez joliment et fit sourire Jack.

˗ Allez viens, Père Patrick est prêt.

Les premiers chants servaient à s'échauffer. Puis venaient les vrais cantiques, ceux qui faisaient vibrer les pierres et enflammaient les âmes. Ceux que les croyants envoyaient à leur Dieu pour qu'il les exauce.

Camélia déploya tout son savoir-faire. Quand elle chantait, on sentait qu'elle était à sa place. Qu'elle était bien. Elle-même. Et ça la transfigurait totalement. Elle devenait magnifique. Jack le lui avait déjà dit, mais elle ne la croyait pas.

C'est quand son amie lui présenta Kyle Roberts qu'elle prit la mesure de cette possible transformation par le chant. Aucun garçon ne la regardait jamais comme ce Kyle le faisait en cet instant. Le jeune homme avait l'air totalement subjugué. Et il l'était. Il était venu pour conquérir Jacklyn Wilson - Son cœur empli déjà de toutes ses qualités-, et il allait partir conquis par une autre : Camélia Balestracci. C'était inattendu.

« C'était surtout inespéré », pensa Jack pour sa part. Elle ne voulait pas briser le cœur de Kyle, ni le voir se faire massacrer par Stafford, car c'était ce qui s'était profilé le matin même quand il l'avait invitée. Sans le vouloir, une solution s'était présentée.

Le karma merdique avait-il décidé de faire une pause ? C'était peut-être parce qu'elle était dans une église ? Pas le choix, face aux voix impénétrables. Tout ça. Tout ça. Il allait falloir y réfléchir... Parce que si c'était ça, elle était prête à y passer plus de temps, dans cette église... En fait, non. Mais bon, c'était bon à savoir. L'église était un refuge, après tout. Même pour elle, qui n'avait pas d'appétence particulière pour la religion. Seulement pour le chant.

Bien sûr, elle retira tout ce qu'elle venait de dire en pensée quand elle vit la silhouette qui se tenait debout dans l'ombre des premières colonnes de l'entrée. Hunter.

Finalement l'église comme refuge... Tu parles !

Hunter avait dû entendre ce qu'elle avait dit à Kyle le matin même. Et il était venu pour se battre. Quelle plaie !

Jack laissa Kyle et Camélia discuter en mangeant des petits gâteaux. Ils ne remarquèrent même pas son absence tant ils étaient absorbés l'un par l'autre. Elle se dirigea illico vers le beau gosse en mode combat, lui attrapa le bras sans un mot pour l'attirer dans le coin droit de la nef. Elle le fit entrer dans la petite chapelle dédiée à une sainte, dont Jack ignorait le nom. Quand elle disait qu'elle n'était pas particulièrement attirée par la religion !

˗ Inutile de faire un drame. Kyle Roberts a trouvé sa muse, et ça n'est pas moi, embraya-t-elle aussitôt.

˗ Je n'allais pas faire un drame, dit Hunter en lui mettant une boucle de cheveux échappé de son chignon derrière l'oreille. Pas dans une église. Je ne suis pas un sauvage.

˗ À voir ! dit-elle en s'écartant de lui. Pourquoi es-tu venu alors ?

˗ J'ai dit que je ne ferai pas de drame dans l'église. Pas que je n'en ferai pas en dehors.

˗ Tu es impossible.

˗ Et toi, tu as une voix magnifique.

˗ Non. C'est Camélia qui a une voix magnifique. Si tu veux, je te la présente. Elle sera ravie d'avoir un autre admirateur ce soir.

˗ Tu sais très bien que je me fiche totalement de cette Camélia, dit-il en s'approchant dangereusement de Jack.

˗ Un problème ? demanda alors une voix grave derrière elle.

Le Père Patrick. Son sauveur ! Décidément, il allait vraiment falloir qu'elle révise son jugement au sujet de la religion.

Ô sweet sweet fucking karmaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant