12/ Vouloir croire en sa chance et tomber de haut

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Lorsqu'elle arriva au Rook, elle fut étonnée de voir Hunter accoudé au comptoir. Il lui fit un signe qu'elle ignora avant d'entrer en cuisine. Signe qui n'échappa pas à Rody. Il ne voulait pas d'ennuis ce soir. En semaine, c'était plutôt calme, et il entendait que ça le reste.

˗ Dis-moi, jeune fille, commença-t-il en entrant à son tour dans la cuisine. Ton pote, là, il n'est pas venu foutre la merde, j'espère... Non, parce qu'il a sa tête des mauvais jours.

˗ Mon pote ? Ah ! Stafford... C'est pas mon pote, et il a toujours cette tête-là !

˗ Non. Là, il a sa tête des mauvais jours. Celle de quand il a envie de se battre. Tu vois. Je le connais un peu...

˗ Vous le connaissez ?

˗ Il va au club de boxe que je fréquente de temps en temps. C'est un sacré cogneur, d'ailleurs ! Et là, il a la tête à mordre le premier venu.

˗ Il va partir, dit simplement Jack en rejoignant Hunter au comptoir.

˗ Tu ne peux pas rester là.

˗ Pourquoi ?

˗ Parce que je dois travailler.

˗ Mais justement. Je suis là pour consommer, et toi pour servir. Je veux un milkshake, dit-il en posant un gros billet sur le comptoir.

Elle ne devait pas l'énerver plus qu'il n'était. Pas ici. Rody avait raison. Ça aurait été jouer avec le feu. En plus, elle n'était pas sûr que le patron du Rook lui pardonne de rapporter ses problèmes ici. Il était sympa, mais quand même, fallait pas pousser.

Elle soupira avant de passer derrière le comptoir. À cette heure-là, la cuisine était calme. C'était l'heure des sodas, des milkshakes et des pancakes pour les plus gourmands. Elle s'activa donc à faire un milkshake sous l'œil interrogateur de Lydia qui servait les tables, seule pour le moment. Jess et Romi arriveraient plus tard pour le coup de feu. Au moment où Jack s'en irait.

˗ Quel parfum ?

˗ Chocolat, dit-il toujours sur un ton tranchant et froid.

Elle déposa le long verre avec la paille devant lui avant de réintégrer la cuisine. Il ne toucha pas à sa commande. Il se contenta de la regarder partir et sortit. Elle entendit le crissement de ses pneus au démarrage.

Elle avait l'impression d'avoir vu le vrai visage de Hunter Stafford. Pas celui du beau gosse au sourire incroyablement sexy. Non, celui du garçon dont la vie n'était pas aussi rose qu'escomptée. C'était bizarre de penser qu'il était peut-être vraiment malheureux à cause d'elle. Bizarre, et très dérangeant à bien y réfléchir.

Ce sentiment-là fut de courte durée et s'estompa tout à fait, le lendemain. Elle croisa d'abord la bande à Stafford avec une nouvelle recrue : une fille blonde au sourire sanguin accrochée au bras d'Hunter comme à une bouée de sauvetage. Puis, Andrew dans le couloir, qui ne lui adressa même pas la parole. Le garçon avait un bleu magistral au niveau de la mâchoire.

Elle sut le fin mot de l'histoire par Kyle et Donni qui l'abordèrent avec des airs de conspirateurs dans un couloir entre deux cours. Ils tremblaient de rencontrer quelqu'un qui aurait pu rapporter à Hunter Stafford qu'ils lui parlaient. Elle aurait pu en rire, si ce qu'ils lui dirent ne l'avait pas mise autant en colère.

Hunter avait fait passer le mot. Personne ne s'approchait de Jacklyn Wilson pour flirter à moins de vouloir finir comme Andrew Galler. Cette histoire allait trop loin.

Elle alla le trouver à la pause méridienne. Comme de juste, il était au milieu d'une cour joyeuse et bruyante, collé à Cherry la blonde vampire. Andrew n'était pas loin. Captivé par le serpent, il ne pouvait s'empêcher de regarder Jack s'approcher de Stafford d'un pas décidé.

Elle ne lui demanda même pas de le suivre. Il se contenta de se lever en souriant comme il savait si bien le faire, en haussant les bras comme vaincu pour faire rire sa petite assemblée. Ce qu'il réussit très bien. Cherry fit la moue. Christopher lui lança une pique et Selena tenta de le retenir en traitant Jack de méchante sorcière. Quinto, comme à son habitude, se contenta de rire de la situation. C'était la première fois qu'une fille se comportait comme ça avec son pote, et il se demandait combien de temps allait encore durer ce pas de deux légèrement flippant.

Une fois dehors, elle ne s'arrêta pas à la baie vitrée. Elle voulait un coin tranquille où il ne jouerait pas son rôle de beau gosse sexy pour faire rire ses amis. Elle l'entraina dans le parc jusqu'au coin sud du bâtiment des clubs.

˗ Si tu avais besoin d'intimité, on pouvait s'arrêter avant, dit-il en souriant.

˗ C'est bon ! Je n'avais surtout pas besoin d'un public. Je ne suis pas comme toi ! Je n'aime pas me donner en spectacle !

˗ Ok. Je vois...

˗ Tu ne vois rien du tout ! De quel droit tu te permets de régir ma vie amoureuse ? Bordel !

˗ Quel langage jeune fille !! s'exclama-t-il toujours amusé par sa colère.

˗ Je vais revoir Andrew et tu ne pourras rien y faire.

˗ Ça m'étonnerait grandement.

˗ Ahhhh ! Mais c'est pas vrai !

Elle fulmina, cherchant des yeux un truc à lui envoyer à la figure. Ne trouvant rien, elle lui donna un coup de sac qu'il évita adroitement. Il en profita pour attraper la lanière et la tirer juste assez pour l'attirer contre lui. L'un de ses bras l'enveloppa sans aucune difficulté.

Ils restèrent ainsi un long moment à se fixer, jusqu'à ce qu'elle secoue la tête pour se libérer de l'intensité de son regard.

˗ Tu ne peux pas te comporter comme ça avec moi ! Tu n'as pas le droit, tu entends ! s'écria-t-elle en reculant de quelques pas, tandis que lui avançait sur elle.

Le destin merdique vous vous souvenez ? Le retour ou la suite, comme vous voulez.

Elle se retrouva adossé au mur du bâtiment, lui légèrement penché vers elle. Leurs visages si près l'un de l'autre qu'un baiser semblait inévitable.

˗ C'est exactement ce que l'on va voir, monkey, murmura-t-il d'une voix rauque.

Puis il s'écarta et s'éloigna sans un mot de plus.

Ô sweet sweet fucking karmaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant