Agnès se leva joyeusement du canapé et se dirigea vers la porte de son appartement. Je ne pouvais m'empêcher de la regarder. En effet, elle suscitait mon intérêt grâce à son intelligence et sa personnalité extrêmement complexe. Je lui demandais alors :
-Pourquoi es-tu aussi solitaire ? Pourquoi ne te mélanges-tu pas avec les autres ?
Elle s'immobilisa, dos à moi. Sans se retourner, elle me dit :
-Je ne vois pas en quoi cela te regarde.
Son attitude était différente de celle d'il y a quelques minutes. Elle s'était de nouveau renfermée sur elle-même.
-La reine a beaucoup d'admiration pour moi, c'est tout ce qui compte.
La réaction d'Agnès montrait qu'elle semblait souffrir de cette solitude. Était-ce pour cela qu'elle s'intéressait tant à moi? Étant donné que c'était la seule sirène scientifique, personne ne partageait ses centres d'intérêts. Cherchait-elle en moi de la compagnie ?
Elle ouvrit la porte de sa suite. Alors, nous nous trouvâmes face a une sentinelle qui semblait terrorisée.
-Docteur, nous avons besoin de vous sur le pont, c'est urgent ! Nous avons été attaquées !
Elle se précipita dans le couloir en courant. Agnes la suivit, alertée. Je fis de même. Ces sirènes étaient rapides, j'avais du mal à tenir le rythme. Quelques minutes plus tard, nous étions à l'air libre. Il y avait énormément de sirènes sur le pont. Elles étaient agitées, angoissées. Le ciel était encore plus gris que d'habitude et il faisait légèrement plus froid que tout à l'heure. Dès qu'elles aperçurent Agnès, elles s'écartèrent.
Cette scène me fit penser à la scène sur le port, où j'étais avec Asma et Clément, et que nous regardions les marins se faire tuer dans l'eau. Cette fois-ci, c'était différent.
Il y avait environ une vingtaine de sirènes soldats qui agonisaient sur le sol. Certaines vomissaient, d'autres se tordaient de douleur.
Franchesca était près d'une d'elle, à genoux. Elle avait sa main posée sur le front de la sirène qui souffrait. Son visage était déformé par la tristesse.
-Lexa, ça va le faire, tu dois te battre, tu seras bientôt soignée... murmura-t-elle.
Cette scène était d'une tristesse sans nom. Il y a quelques heures, Franchesca s'amusait à nous torturer émotionnellement. Maintenant, elle était détruite par le fait que d'autres sirènes soient injuriées. Elle montrait un visage complètement différent de ce qu'elle exposait d'habitude.
Agnès était immobile. C'était la seule docteur. Toute la pression était sur elle. Comment se sentait-elle ?
Elle demanda calmement à une sentinelle debout :
-Fais moi un rapport de la situation.
-Docteur, près des côtes ouest d'Angleterre, un bateau que nous attaquions a diffusé un poison dans l'eau. Les marins ont tous été tués. Ils ont dit qu'il fallait « exterminer ces sales créatures ».
Ces sirènes avaient été intoxiquées. Je ne savais pas comment fonctionnait leur métabolisme. Agnès était cependant très calme .
Elle éleva la voix.
-Les filles, qui le peuvent, passez en forme hybride. Votre métabolisme aura plus de facilité à expulser le poison.
Certaines femmes qui avaient des jambes réussirent à faire apparaître leurs queues, difficilement. Agnès dit ensuite :
-Je vais ausculter chacune de vous une par une. Combien de sirènes reste-t-il ?
La sentinelle debout près de nous répondit, plaçant sa main près de sa tempe, tel un soldat :

VOUS LISEZ
Le cri de la mer
FantasiNous somme en 2100. La pollution est à son maximum, les aléas climatiques transforment la terre en enfer. Un jour, l'océan devient impraticable, impossible de prendre la mer ; les bateaux qui partent ne reviennent jamais. Un groupe de jeunes pirate...