Chapitre 1 - Nora

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5 ans plus tard


— Taxi !

Je m'époumone alors que la voiture jaune passe devant moi sans prendre le temps de s'arrêter. Le chauffeur n'adresse même pas un regard dans ma direction mais ralentit quelques mètres plus loin pour laisser entrer un homme d'affaires au salaire dix fois supérieur au mien.

C'est un enfer.

Il pleut des cordes depuis quinze minutes, comme si le ciel cherchait une épaule sur laquelle pleurer et avait jeté son dévolu sur notre chère planète bleue. Le soleil éclatant de ce matin m'a eue, et j'ai commis la grave erreur de ne pas prendre mon parapluie. Mes cheveux roux ont déjà commencé à boucler alors que j'ai mis des heures à les lisser, et pire que tout, je vais être en retard au travail. Encore.

Pourquoi, de toutes les villes qui peuplent notre magnifique planète, ai-je dû choisir Londres ?

Je laisse échapper une volée de jurons alors que je me lance dans une course folle pour atteindre l'animalerie dans laquelle je travaille depuis deux ans. Je suis censée y être depuis dix minutes, et il me faudra au minimum vingt minutes pour l'atteindre.

Je maudis Aaliyah. La prochaine fois qu'elle me convainc d'aller en soirée en plein milieu de la semaine, je lui conseillerai d'aller se faire voir. Elle sait que je ne tiens pas l'alcool, et que je n'ai aucune volonté pour m'arrêter au premier verre.

Oublier, oublier, oublier.

Je veux tout oublier, même si ce sentiment est éphémère. Je veux tout oublier, même si la douleur est encore plus forte à chaque réveil.

La pluie et le vent ralentissent considérablement mon avancée, déjà complexe à cause de mon essoufflement. Quarante-cinq minutes après l'heure officielle, je franchis la porte principale de l'animalerie. Je jette un regard circulaire dans le commerce, soulagée de constater qu'aucun client n'est présent. Je passe une main sur mon front humide de sueur – à moins qu'il ne s'agisse de la pluie ? – en m'appuyant sur mes deux genoux, peinant à récupérer mon souffle. Quelques ronronnements et aboiements enjoués me parviennent depuis l'arrière-salle, comme si mes petites boules de poils préférées me souhaitaient la bienvenue.

J'ouvre mon sac à main en vitesse, à la recherche de ma Ventoline pour mettre un terme à cette crise d'asthme qui empêche l'air de pénétrer convenablement dans mes poumons. Je relève brièvement les yeux quand j'entends la porte du fond s'ouvrir, laissant apparaître mon patron prêt à m'assaillir de reproches à cause de mon arrivée tardive.

— Tu es en retard, marmonne Keith en m'adressant un regard lourd de reproches tout en se rapprochant de moi.

J'aurais peut-être pu me lancer dans les sciences occultes, aussi. J'ai une très bonne intuition.

— Je fais une crise d'asthme, balbutié-je pour tenter d'amener un nouveau sujet de contrariété, qui me coûtera moins cher.

Ça dépend, Nora. Si tu t'évertues à regarder ton patron au lieu de chercher le médicament censé sauver ta vie, prépare-toi à dire adieu à ce monde rayonnant.

Keith grogne et s'agenouille à côté de moi. Il m'arrache pratiquement le sac des mains pour partir lui-même en quête de ce petit objet ayant un pouvoir si grand sur ma longévité.

— Mais ce n'est pas possible, se plaint-il en fronçant ses sourcils gris, pourquoi emportes-tu autant d'objets avec toi ? C'est complètement inutile, Nora.

Nos Combats PerdusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant