Chapitre 5 - Isaac

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Un cri de victoire s'échappe des lèvres de Matthew alors que nous dépassons le portail victorien qui faisait apparemment office de ligne d'arrivée. Mon colocataire m'adresse un regard triomphant en réduisant sa vitesse, ce que j'imite machinalement. Il se comporte comme un véritable enfant, à se pavaner comme un paon juste parce qu'il a remporté une course qu'il a improvisée sans prendre la peine de m'avertir. Je me plairais à le provoquer si toute mon attention n'était pas focalisée sur la prestigieuse école de médecine londonienne se dressant sous mes yeux.

Sa prestance me coupe le souffle.

Ayant grandi au cœur de la nature indonésienne, les édifices ont toujours le don de m'impressionner par leur beauté ou de me dérouter par leur absurdité. Je n'ai pas encore totalement arrêté mon opinion sur Londres, mais une chose est sûre : ce lieu de savoir est abrité derrière un magnifique bâtiment en pierre.

Nous abandonnons nos vélos à l'entrée du campus, et sans demander mon reste, je laisse Matthew me guider dans ce lieu qu'il arpente depuis des années, et que je découvre pour la première fois aujourd'hui. J'ai loupé toutes les réunions de rentrées à cause d'un problème de visa, donc je n'avais pas encore pris le temps de me déplacer jusqu'ici pour me familiariser avec le pilier administratif de mes études anglaises. Je compte passer la majorité de mon temps à l'hôpital, mais je suppose qu'il est judicieux de savoir où se trouvent les bureaux de mes supérieurs.

Il m'explique en désignant la grande cour verdoyante que le campus est particulièrement rempli, pour un dimanche après-midi. Ils sont nombreux à s'être déplacés en ce jour sacré afin de débuter les longues révisions auxquelles ils se sont engagés en choisissant le cursus médical. Réunis en groupes, je devine qu'ils apprécient les lueurs que leur offre le soleil malgré l'avancement du mois d'octobre. Sur leurs visages se disputent le sérieux et l'insouciance des années universitaires, et un sourire nostalgique me gagne doucement. Les études ne sont pas encore derrière moi, mais cela fait des années que la théorie a laissé sa place à la pratique. Pour mon plus grand bonheur.

Matthew et moi gagnons l'intérieur de l'édifice, après avoir grimpé quelques marches. L'architecture que je découvre une fois l'entrée passée confirme la beauté de cette école. La pierre blanche renvoie une couleur pure mise en lumière par les nombreuses arabesques qui se succèdent dans un grand couloir. Cet endroit est rendu majestueux par la liaison parfaite du passé londonien avec son présent. Au cours de notre exploration, mon colocataire salue tellement de monde que j'arrête très rapidement de comptabiliser les « bonjour » polis que je distribue à la volée.

Après une heure de visite, j'ai le plaisir d'avoir entraperçu la majorité des salles de classe, laboratoires, et bureaux de cette école si différente de celle que j'ai quittée. Avant de retrouver nos vélos pour faire le chemin en sens inverse jusqu'à notre appartement, Matt me propose de faire un arrêt à la cafétéria pour boire une tasse de café. J'accepte de bon cœur, même si je suis surpris que l'endroit soit ouvert.

Quand j'interroge Matthew à ce sujet, il se contente de hausser les épaules.

— Il faut bien offrir du café aux grands fous qui profitent de ce jour sacré pour étudier.

Son argument est plutôt convaincant, alors je ne propose aucun commentaire à sa réponse. Je commande un Americano pour remplir mon corps entier de caféine tandis que Matt jette son dévolu sur un chocolat chaud. Une fois nos boissons en main, nous nous dirigeons vers une table libre pour discuter un peu.

— Alors doc, c'est quoi ta spécialité ? me demande Matthew en croisant ses mains derrière sa tête, attentif à ma réponse.

Sa question ne me surprend pas. Ces dix derniers jours, nous ne nous sommes pas croisés tant que ça à cause des heures supplémentaires que Matt a fait à l'hôpital. Je me réveille généralement quand il vient se coucher, et nos discussions ont davantage porté sur mon insertion ici que des choix qui m'ont poussé à traverser l'océan. Je sais simplement qu'il est interne pour devenir cardiologue, et tout semble plutôt bien se passer pour lui.

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