Chapitre 13 - Nora

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Je regarde le paysage défiler sous mes yeux avec la nostalgie qui accompagne le retour à la maison. Mes yeux s'enivrent des plaines vertes, des étendues d'eau, des reliefs ayant l'audace de vouloir conquérir le ciel et d'une quantité indéchiffrable de nuages gris. Par moment, un vieux château se devine à l'horizon ou trône grandiosement au détour d'un virage, me rappelant ce vieux pays que j'aime plus que tout au monde.

Qu'il est bon de rentrer enfin à la maison.

J'ai fait mes valises sur un coup de tête ce matin après avoir découvert des prix réduits en direction de ma terre natale. J'ai quitté l'Écosse il y a trois ans parce que j'avais besoin de fuir qui j'étais avant que tous mes repères ne s'écroulent. Aujourd'hui, la course prend définitivement fin. Je renoue avec un passé que je n'aurais jamais dû abandonner.

Ces dernières semaines n'ont pas été les plus simples de mon existence mais j'en suis ressortie grandie, plus forte. Oliver est définitivement sorti de ma vie, et c'est un soulagement. J'ai tenté d'entretenir une discussion avec lui quelques jours après notre rupture mais il ne voulait déjà plus entendre parler de moi. Aaly refuse de confirmer mes dires mais je crois même qu'il a rencontré quelqu'un d'autre. Cette nouvelle me laisse indifférente et me prouve que j'ai eu raison de mettre un terme à notre relation qui n'avait plus aucun sens.

Je n'ai pas revu Isaac depuis ce fameux jour où nous avons discuté chez lui, il y a un peu plus de trois semaines. Je ne me sens pas encore prête à lui faire face. Nous échangeons régulièrement des messages, en revanche, depuis qu'il m'a présenté ses excuses. Il prend souvent de mes nouvelles, et quand il ne le fait pas, je m'en charge. Ces petites attentions peuvent paraître futiles, mais elles me font beaucoup de bien.

J'étire mes bras quand le chauffeur annonce notre arrivée, après une dizaine d'heures de trajets. Mes yeux se posent par automatisme sur le tatouage que j'ai décidé de graver sur ma peau, aux côtés d'Aaly. Un doux rappel que chaque combat mérite d'être mené, qu'il soit voué à être remporté ou perdu.

I've got to fall to fly.

Cette phrase ne m'est pas totalement étrangère. Il s'agit des paroles d'une chanson que j'affectionne particulièrement pour l'avoir écoutée en boucle après mon retour de Namibie : Too Young de Sabrina Carpenter. La chanson évoque les amours de jeunesse qui sont rarement pris au sérieux même lorsque les sentiments sont réels et plus forts que tout le reste. Je comprenais exactement ce que la chanteuse voulait dire à travers ses paroles et c'est toujours le cas. Cependant, je commence à croire que trouver sa moitié aussi jeune est un fléau plus qu'une chance.

Personne n'est prêt à l'amour à vingt ans. Personne n'est prêt pour les sacrifices qu'il requiert.

I've got to fall to fly.

Je dois tomber pour m'envoler.

La chute n'est pas la fin, c'est le renouveau.

Le bus s'arrête brusquement, m'informant de l'arrivée immédiate. J'hésite à appeler un taxi pour rejoindre la maison de campagne de mes grands-parents, mais j'ai peu d'espoir d'avoir une quelconque réponse dans un village si peu habité d'Ecosse.

Je prends la décision de marcher pour combler les dix kilomètres me séparant du foyer de mon enfance. Le ciel n'est pas encore trop noir, et je me surprends à apprécier de retrouver jusqu'au plus infime détail de cet endroit où j'ai grandi. Comme je dois m'écarter de la ville pour m'enfoncer dans la campagne, je longe la route afin de garder un repère visuel. Il arrive que quelques personnes s'arrêtent pour me proposer de me déposer quelque part, ayant probablement pitié à cause du froid mordant. Je refuse à chaque fois, sans me départir de mon sourire.

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