Chapitre 25 - Isaac

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Un mois plus tard.

Je ne pensais pas que ma terre natale m'avait autant manqué, jusqu'à ce que j'y foule de nouveau les pieds. En descendant de l'avion après de longues heures de vol, je ne ressens qu'une seule chose : un amour inconditionnel envers ce pays auquel j'appartiens, et que je suis enfin prêt à retrouver.

Eleonora se tient à mes côtés pour mon grand retour, ce qui renforce ce que je sais déjà : ce voyage sera spécial. J'ai laissé le pire derrière moi quand j'ai retrouvé la femme de ma vie, et je ne permettrai plus aux enfers de s'y faire une place.

— Isaac, et si on avançait avant que tu nous fasses tout chialer ?

— Matt ! s'exclament en symbiose Eleanora et Gina. Un peu d'empathie, rajoute sa copine, j'ai hâte de voir la tête que tu tireras en retrouvant Londres dans seulement dix jours.

Alors qu'Isaac, ça fait des années qu'il n'est pas revenu chez lui.

Gina n'a pas besoin d'oraliser cette pensée pour qu'elle me parvienne. Je ressens cette vérité dans chacune des larmes qui brillent à la surface de mes yeux.

La querelle entre les deux tourtereaux se poursuit, mais je n'y accorde plus la moindre attention. Mon cœur et tous mes sens sont tournés vers la nostalgie de lire le passé dans chaque détail du présent. Le ciel sans nuage, la chaleur tropicale, la langue de mes ancêtres que je comprends sans le moindre problème malgré les années que j'ai passées à l'étranger... Un doux voyage vers hier, voilà ce que m'inspire ce retour tant attendu en Indonésie. Et pourtant... voilà que je rentre aujourd'hui à la maison, avec le regret secret que ce ne soit pas pour toujours.

La main d'Eleanora glisse sur mes doigts, et je lui ouvre mes bras pour la serrer contre moi. Je lui avais confié il y a cinq ans, dans l'intimité des nuits chaudes de Namibie, que je rêvais de l'amener ici. Elle m'avait promis qu'un jour, quoiqu'il advienne, sa vie la mènerait là.

Certaines promesses ont de la valeur, malgré tout.

La jeune femme ne semble pas dépaysée par les différences culturelles entre l'Europe où elle a grandi, et cette terre magique qui m'a vu naître. Elle ouvre parfois grand les yeux en découvrant des sons et des odeurs qui lui sont méconnues, mais son regard est loin d'être aussi préoccupé que celui de Matthew. Si je n'avais pas été là, je sais sans l'ombre d'un doute qu'elle se serait débrouillée comme un chef pour retrouver son chemin et tracer sa route. Aaliyah aussi, d'ailleurs. Les deux meilleures amies sont de vraies citoyennes du monde, et je devine à leur mine enjouée l'excitation qui se cache derrière la découverte de cette nouvelle région.

Alors que je ralentis la cadence pour lire les panneaux annonçant la sortie, un couple retraité nous coupe la route. Je n'y prête guère attention, pressé de rejoindre la voiture où m'attend ma mère, mais leur échange attire l'attention de mes amis. Suffisamment proches pour entendre les mots qui s'échappent des lèvres de ces inconnus, ils sont tous désarçonnés de constater à quel point ils n'y comprennent rien.

— Tu as entendu ? finit par me demander Eleanora alors que je nous dirige vers la douane. Tu comprends tout ce que ces gens disent ?

J'explose de rire devant sa mine ahurie et laisse à Susie le soin de la taquiner.

— Nora, tu as conscience que ça revient à te demander si tu parles anglais ?

— Je continue de penser que c'est un affront à notre langue que d'y accepter l'écossais, marmonne Matthew en levant les yeux au ciel pour éviter le regard noir de ma compagne.

— Ce que je veux dire, reprend Eleanora sans lâcher mon colocataire du regard, c'est que c'est génial. Vous réalisez le nombre de dialectes qui existent dans le monde ? A nous tous, on doit en connaître la moitié ! Et puis, pour ma défense, confie-t-elle à mi-voix, il m'arrive d'oublier que tu es né ici. Tu ne me parles jamais de ta vie en Indonésie.

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