Chapitre 29 - Nora

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Le retour en Angleterre s'apparente à la fin d'un rêve. J'ai dormi une majeure partie du trajet sur l'épaule d'Isaac, et les rares fois où j'étais éveillée, la douce vision des nuages que nous survolions renforçait ce sentiment d'avoir vécu quelque chose d'irréel pendant dix jours. Je me demande ce que mon compagnon pense de tout ça. Il est silencieux depuis deux jours, et je crains que sa maison ne lui manque plus qu'il ne veuille bien l'admettre. A moins qu'il ne s'agisse du vilain cauchemar survenu dans ses songes, et qui l'inquiéterait plus qu'il ne veut bien le laisser paraître ? Je savais que ce retour au bercail serait compliqué pour lui, et bien que cette expérience nocturne ne fût pas sans séquelles, je trouve qu'il s'en est drôlement bien remis. Il peut être fier de lui, aussi fier que je le suis. Pourtant, et malgré mes nombreuses tentatives pour briser son silence, il est plus muet qu'une tombe. Son comportement m'a tellement surprise que j'ai mené quelques recherches de mon côté pour savoir si son père représentait de nouveau une menace ; la réponse était univoque. Abyan Suko croupit dans l'une des prisons les plus gardées du monde. Il faudrait un remake digne de Prison Break pour qu'il connaisse autre chose que le gris de sa cellule jusqu'à la fin de ses jours.

Alors oui, j'ai adoré ce séjour. Oui, j'ai adoré ce pays, cette maison, ses occupants. Mais une chose m'apparaît encore plus claire aujourd'hui. Je ne sais pas si je projette ma vie sur cette île de paradis ; ce que je sais, c'est que je ne la projette pas sans lui.

Si son bonheur se trouve là-bas, alors le mien aussi. Et si c'est l'inverse... alors je signe sans l'once d'un regret non plus. Dian a insisté pour que nous leur rendions visite dès que nous en aurions l'occasion, alors qu'elle prévoit elle-même de faire un saut à Londres en septembre prochain. Je lui ai promis que nous ferions au mieux. Cette décision revient à Isaac, et à lui seul. Je comprends les démons contre lesquels il a lutté pour sa sœur, et je doute qu'il soit capable de se battre contre sa plus grande peur plus souvent. Mais viendra le jour où il réalisera que son père n'est plus un danger, et que le bonheur lui tend les bras où qu'il aille.

La descente de l'avion me semble interminable, sûrement à cause de l'heure d'attente pour nous garer dans l'aéroport et de la fatigue qui endolorit mes muscles. Je ne suis pas très clairvoyante lorsque nous atteignons le bâtiment où nous attendent – normalement – nos valises.

— Nora, attention !

Je relève la tête vers Matt quand un poteau trois fois plus grand que moi se matérialise devant moi...

Trop près de moi.

Je ne m'arrête pas suffisamment tôt pour échapper au destin que cette arme du diable semble m'avoir réservé.

Paradoxalement, ce n'est pas le coup violent qui m'assomme le crâne qui provoque la plus grande douleur. Ce sont mes lèvres que j'ai férocement mordues pour mieux digérer l'impact, et qui me le font regretter maintenant que le sang coule sur ma langue.

— Je t'avais prévenue, déclare Matt alors qu'Aaly s'assure que je peux toujours compter ses doigts.

— Quand le poteau n'était plus qu'à dix-centimètres de moi.

— Tu sais ce qu'on dit, me taquine-t-il en me donnant un coup dans les côtes. L'important, c'est de participer.

Je lui réponds avec mon majeur.

***

Les jours qui suivent notre retour sont intenses. Nous sommes tous pris par nos emplois respectifs que dix jours de congés pourraient nous faire regretter si les images de l'Indonésie ne s'imprimaient par sur nos rétines dès que nous fermons les yeux.

Nos Combats PerdusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant