Chapitre 8 : Vengeance forcée

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Au petit matin, la succube était déjà sur le qui-vive. La diablesse tirait les couvertures de Vladislav et le réveillait sans nulle forme de retenue. La lumière allumée, les yeux de Vladislav peinaient à s'adapter. Lileva était convaincue de sa décision et surtout sans aucune forme d'appel.

«L'heure est venue de déménager !»

Vladislav était surpris, le jeune homme avait presque oublié de prendre la mesure de la discussion d'hier soir. La succube avait parlé de départ. L'information n'avait pas été saisie par Vladislav, sa mémoire tronquée.

«Et mes affaires ? Je ...»

La succube le coupait et ne le laissait pas finir alors même que son mari n'était pas encore debout.

«On les laisse comme ta vie précédente, rien ici n'est digne d'une succube.»

La succube lui lançait de nouveaux effets sur le lit, un costume noir pour homme, avec une belle cravate.

«Tu vas porter ça, tes précédents accoutrements ne sont pas dignes de moi.»

Vladislav jetait un œil sur le lit, le jeune homme lorgnait les habits. L'incompréhension l'envahissait, les effets proposés ne correspondaient pas du tout à son style vestimentaire.

«Mais, je ne suis pas un riche homme d'affaire, je ne peux pas porter ça.»

La succube s'énervait devant la retenue de Vladislav. Les protestations permanentes commencent à bien faire. Lileva fronçait les sourcils, elle grimaçait de dépit, son visage se tordait pendant qu'elle jetait au sol une assiette dans le but de rajouter du spectaculaire.

«Tu vas seulement faire ce que je te dis et arrêter de geindre. Tu seras plus qu'un homme d'affaire, tu seras châtelain.»

La succube était agressive, Vladislav était dissuadé de chercher à protester encore. Mais qu'allait faire Vladislav dans un château ? Et qui le nettoierait ?

Pire encore, les châteaux sont souvent éloignés des villes, c'est une forme de prison de luxe dans laquelle la démone pourrait le surveiller et dans laquelle Vladislav ne pourrait ni se sociabiliser, ni quémander de l'aide, aussi éloigné de la civilisation qu'il le serait.

Lileva avait son idée en tête, oui, il serait plus rapide et plus simple de le convertir à ses idées démoniaques, de lui faire accepter cette nature diabolique.

Vladislav pensait à autre chose, si Lileva gérait les comptes de Vladislav et lui en avait formellement interdit la consultation, il reste à déterminer comment la succube avait pu se procurer assez d'argent pour acheter le château, si donné qu'elle l'ait acheté. Vladislav se doutait au vue de la vitesse ou la succube avait été en mesure de se le procurer que ce dernier avait été bien mal acquis. Il vaut mieux ne pas y penser, la réponse devrait être probablement trop effrayante.

«Tu verras, le château te plaira, il est grand, spacieux, confortable et calme. Nous y serons bien tranquille. Et puis quel château a été bien acquis ?»

La succube déployait ses ailes et attrapait Vladislav, puis elle s'envolait, laissant alors l'appartement de Vladislav sens dessus dessous, à l'abandon. Lileva voyageait vite.

La succube n'avait rien exagéré, comme à son ambition habituelle, le château était énorme, d'une valeur en millions d'euros, au pluriel. Et c'était bien ce qu'on peut appeler au sens littéral du terme, un château.

Vladislav était étonné, des vigiles accueillaient déjà le couple alors que la succube ne s'était pas métamorphosée sous une apparence humaine. Aucune réaction des vigiles, si ce n'est d'ouvrir la porte grillagée permettant l'accès au domaine.

Vladislav observait le visage d'un des vigiles, il aurait juré qu'il lui était vaguement familier. Un nouveau trouble de l'esprit, probablement rien de plus, Vladislav feint d'ignorer.

Un autre serviteur ouvrait maintenant la grande porte du palais. C'était clair pour Vladislav, il connaissait ses nouveaux servants.

«Nos servants sont tous ceux qui t'ont causé du mal pendant ton enfance et ton adolescence, tous ceux qui t'ont harcelé et blessé, je les ai forcés à travailler pour nous en réparation. C'est un juste retour des choses. J'espère que tu vas vite savourer à quel point les personnes qui se moquaient de toi devront te lécher les bottes.»

La succube fit un signe de la main et le serviteur enlevait le manteau de Vladislav et le posait sur le porte-manteau en or. Un autre signe de la main, et le serviteur s'abaissait. Il tentait de baiser le pied de Vladislav qui rempli d'effroi par un tel acte, s'éloignait d'un coup sec. Si dans le fond, Vladislav avait rêvé d'une telle situation, il n'en voulait plus.

Vladislav criait d'arrêter ça et détalait alors dans les couloirs du château. La succube riait doucement. Alors que le serviteur était toujours au sol, Lileva se permit de glisser deux mots.

«Tiens, il est vraiment impatient de visiter sa nouvelle demeure. Comme cela me fait plaisir, laissons le faire.»

Vladislav rentrait dans une salle assez importante, remplie de trophées de chasse, des lièvres, des ours, des loups, des cerfs à priori rien d'anormal. Vladislav poursuivait son chemin dans cette salle et se repose sur une chaise de très haute facture avec une larme qui perlait dans ses yeux.

«Je ne mérite pas tout ça, je n'ai rien fait pour mériter tout ça.»

Une main se voulant rassurante se poser à nouveau sur son épaule.

«Mon chéri, crois-tu encore au mérite ? Que la plupart des châtelains le méritent ? La plupart des millionnaires le sont car ils ont hérité, ils sont plus nobles que toute la chancre de populace. Ne rêvais-tu pas d'être un homme riche et marié mon cœur ?»

La chaleur de Lileva le rassurait alors qu'il se décidait à lever les yeux vers le haut de la pièce. Vladislav voulait se résoudre à lâcher l'affaire une fois de plus. Hélas pour lui, une autre vision horrible l'attendait, le haut de la pièce n'était pas garni comme le bas. Empaillé tout à fait comme l'un des cerfs, il avait devant les yeux, la figure de son directeur de thèse.

La succube était amusée, avec son sourire enjôleur, elle mimait un gêne comique.

«C'est que j'aime garder des souvenirs.»

La chaleur succubiale faisait effet alors qu'elle le prenait dans ses bras, empêchant son mari de lutter contre elle et de s'évader. Contraint à regarder. Lileva l'embrassait en même temps sur la joue, l'une de ses mains sur la taille de Vladislav. La succube pointait du doigt à tour de rôle chacun de ses souvenirs.

«La dans ce cadre, c'est la langue de la boulangère qui osait s'interposer entre nous, ici c'est le cœur du catholique qui a fait ton éducation religieuse, que de longues séances culpabilisantes et douloureuses, la c'est la queue de ton directeur. Regardes, les têtes de ta boulangère et de ton prêtre sont empaillés à quelques mètres de celle ton directeur. Ils ne pourront plus jamais te nuire.»

Vladislav s'était évanoui dans les bras de sa succube qui le caressait tendrement. Le jeune homme se réveillait dans sa nouvelle chambre somptueuse, alors que la succube était sur lui armée d'un chocolat chaud pour l'aider à récupérer en toute douceur.

«Cela fait vraiment beaucoup d'émotions et de déconstructions le même jour, il est difficile de déconstruire tous tes dogmes éthiques archaïques et culpabilisant. Cela te demande un travail important et je suis très fière des efforts que tu fais. Restes ici un mois, après quoi, je te laisserai prendre un peu d'air frais.»

Elle l'embrasse et Vladislav se rendort.

La Sainte SuccubeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant