~Épilogue-

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Serrés l’un contre l’autre nous regardons autour de nous, fiers du travail accompli.

Cela fait presque un an que nous avons emménagé dans notre maison. Une réelle folie, cette période-là ! Corentin, submergé dans les préparations de ses cours, dégageait du temps le week-end pour m’aider dans la paperasse. Stéphane avait mobilisé le maximum de bénévoles pour finir les abords de la ferme pédagogique. Le projet avait été validé pour les visites scolaires mais retoqué pour les Instituts Médicaux Éducatifs et les centres pour personnes à mobilité réduite. Chaque week-end, avec l’aide de deux ou trois costauds recrutés par le maire, nous avons broyé pas mal de gravats de notre maison afin d’empierrer les chemins pour les rendre praticables pour des fauteuils roulants. 

— Il serait peut-être temps de finir de se préparer, non ? 

— Oui. Armand vient nous chercher dans une petite heure. C’est le moment ou jamais de t’enfuir à toutes jambes. 

— Je n’en ai pas du tout l’intention. Et même, si tu réfléchis, c’est moi qui t’en ai parlé le premier. 

— Je me rappelle surtout de la tête de mon oncle qui a failli me cracher sa gorgée de café à la figure.

— J’ai été si ridicule ce jour-là. Toute la journée, cette phrase tournait en boucle dans ma tête, et quand ton oncle m’a posé une question, c’est elle qui est sortie ! 

— Vu qu'il raconte cette scène à tout le monde, il a dû te pardonner.

[...]

— Je croyais que ce n'était pas loin. Je te rappelle que nous sommes dans le noir complet et que mon angoisse est en train de monter…

— Brice, arrête de râler cinq minutes, répond Armand derrière le volant. Nous arrivons. Corentin, je t’autorise à lui mettre la main sur la cuisse pour le rassurer. Il faut que je vous explique un truc, une personne va vous aider à sortir de la voiture et vous accompagner dans la salle. Il n’y a pas loin. Et c’est un ordre de Stéphane.

La voiture à peine stoppée, ma portière s’ouvre et quelqu'un m’aide à m’extirper du véhicule en silence. Comme si je n’avais pas reconnu l’odeur de l’eau de toilette de mon oncle. Je me suis moqué de lui à ce sujet hier matin, à la mairie. 

— Laisse moi te guider, j’ai pas envie que tu salisses ton beau pantalon. Vivian aide Corentin, ne te tracasse pas.

— Je m’en doute et je redoute le pire de votre part. 

[...]

Main dans la main, coupes de champagne levées, nous trinquons avec les invités dispersés autour de nous. Au dessus de nous, la toute nouvelle banderole, créée par les élèves de l'École primaire. Le même nom sur tous les bâtiments à l'entrée et les affiches. Nous sommes fiers de son nom : À la coque !( Le goût de la vie).

Les yeux de Corentin sont brillants de plaisir, je dois avoir les mêmes. Nous nous trouvons dans la grande pièce  qui sert parfois pour des réunions. Elle appartient au maire qui se tient juste à côté de mon oncle. C’est aussi lui qui nous a mariés  en tout petit comité. Pas réellement ce que nous voulions à la base mais nos finances ont été largement attaquées par différents imprévus. Faire un vin d’honneur en impliquait des nouvelles d’où le choix d'un mariage aux invités restreints. 

Connaissant Stéphane, j’aurais dû me douter qu'il y mettrait son grain de sel avec l'aide d'Armand. 

Juste un pot tout simple avec quelques amis, a-t-il précisé. Vous n'avez rien à faire à part enfiler une tenue pas trop moche. Armand viendra vous chercher. 

Un mensonge éhonté, les" quelques amis'' en question me semblent très nombreux. Nos proches, bien entendu, avec Vivian, Stéphane, Armand et Steve. Plus tous ceux que nous avons appris à connaître au fil des jours au sein des différentes activités autour de l'exploitation. Je ne pensais pas me sentir à l'aise au Drive ou au contact avec d'autres enseignants que mon mari. Corentin a l’art et la manière de se faire apprécier par tout le monde. 

— Nous vous remercions tous et toutes d’être là. Votre soutien nous a très souvent permis de ne pas nous décourager. 

— Avec plaisir les gars, et surtout toi, l’instit, se moque gentiment Alain, un de nos plus fidèles bénévoles. Je crois que je regretterais jusqu’à la fin de mes jours de ne pas avoir filmé ce moment cocasse. Tout le monde voit duquel je parle ? 

Corentin éclate de rire et je l’accompagne avec le même plaisir.

— Hé Alain, reconnaît que j’ai fait des progrès. Maintenant c’est moi qui rassure les élèves effrayés par les lapins !

— C’est vrai. Et on parle de la première visite de l’IME, Stéphane ?

— J’étais certain qu’elle ressortirait celle-ci, s'esclaffe mon oncle. Mais faut avouer que cela nous a bien aidé pour anticiper après. J’entends encore le déferlement d'injures que ce jeune adulte déversait à cause de son syndrome de la Tourette. Il a fallu gérer la peur des autres et nos fous rires.

Nous échangeons encore un moment des souvenirs plus ou moins hilarants des débuts de la ferme pédagogique. L’ ensemble des retours est plutôt satisfaisant, les réservations promettent un avenir proche plutôt rassurant. Notre installation dans la maison juste à côté de Stéphane me permet de m’impliquer plus dans l’exploitation. Corentin n’aime toujours pas trop gérer le côté poules et canards mais il s’ investit du côté jardinage aux côtés de mon oncle. Nous sommes plutôt bien intégrés dans la commune. Pour l'instant, ni l'un ni l'autre n'avons surpris des regards scandalisés lorsque nous nous tenons serrés l'un contre l'autre. Et je peux vous assurer que nous ne nous en privons pas.

FIN

À la coque ( le goût de la vie) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant