chapitre 27 . Le dilemme.

30 3 0
                                    


       A ma rentrée suivante , nous nous trouvions dans la même classe Nora et moi , mais on n'était pas du même niveau d'études . Ma soeur plus âgée , était orientée comme toutes les filles de son âge vers le cours de fin d'études primaires, afin de passer l'examen du CEP . Un diplôme qui signifiait la fin de la scolarité primaire et qui leur permettait de rentrer dans la vie active . Moi , j'étais parmi les plus jeunes au cours moyen première année CM1 , par conséquent dans une autre rangée . Entre les deux il y avait la rangée des élèves du cours moyen deuxième année le CM2 . Les deux allées qui séparaient les rangées des trois niveaux était assez larges .

           La maîtresse a donné son premier cours normalement . Elle n'a fait aucune allusion à l'événement de la veille . Elle nous a donné des devoirs d'application à accomplir sur les cahiers de classe , avant de se diriger vers son bureau .
Comme d'habitude à ce moment là , la classe devenait silencieuse . Toutes les élèves avaient les têtes baissées sur leurs cahiers , enfin presque toutes . Car Nora et quelques unes de ses camarades arabes  mina , Aouicha , Meriem avaient l'habitude de s'asseoir carrément à même le sol dans l'allée pour jouer à un quelconque jeu . Parfois aux cartes et même quelques fois aux osselets fabriqués avec des boules de papier .
      Pendant longtemps , leur imprudence m'était choquante et une sorte de fièvre me prenait à chaque fois . J'en étais malade à l'idée que la maîtresse puisse les surprendre .
A la différence de ma soeur qui était hardie à l'excès . je reconnais que j'étais si l'on peut dire une petite nature qui ne supportait aucune émotion aussi faible soit-elle . Ma constitution faible aidant , j'évitais tous les conflits . Maintenant je peux même constater une certaine témérité chez Nora . Je n'établirais jamais un quelconque parallèle entre elle et moi .

      Ce rituel inconscient se produisait donc régulièrement , soit après une leçon de grammaire soit pendant un exercice de calcul . je m'y étais habituée . La maitresse ne les a jamais aperçues et il n'y a jamais eu de punition . Car dès qu'elle s'apprêtait à se lever de sa chaise , il y avait toujours une élève pour les avertir , elles reprenaient rapidemment leurs places .

     Ce matin La même scène a pris une dimension tout autre pour moi . Une étrange sensation que quelque chose ne tournait pas rond ! L'incendie de la veille a créé un désordre dans mon esprit . Les événements qui se succédaient . Les longues discussions entre les adultes sur la révolution , ont éveillé en moi une prise de conscience .
Dans mon inconscient une question me tracassait .

_ Pourquoi la maîtresse ne les rappelait-elle pas à l'ordre ? Pourquoi ne les punissait-elle pas ?

      Il me semblait que Madame Damas dont le bureau était placé sur une estrade à l'autre extrémité de la classe évitait de regarder de leur côté . Savait-elle ce qui se passait ? Si oui , pourquoi ne réagissait-elle pas ?
A la vue de ces agissements mon regard allait de la maîtresse aux quatre élèves assises puis vers les places vides ! Et vice-versa . Visiblement la maîtresse ne pouvait pas , ne pas les remarquer . Pourquoi les ignorait-elle ? Je ne pouvais répondre à cette incessante question . De plus en plus excitée , je m'efforcais de terminer mon devoir .

         Bafouée par ce qui se passait . De par mon ignorance et dans mon désespoir je ne pouvais ni résoudre, ni démêler dans mon esprit les agissements de Mme Damas qui ne s'harmonisaient pas du tout avec ses pratiques envers nos camarades francaises du même âge . Ces dernières à peine dissipées , étaient rappelées à l'ordre et même punies .
Officiellement les réprimandes orales , la privation de récréation , ou la mise au coin de l'élève par exemple étaient autorisés par contre tout châtiment corporel était interdit . Mais à cette époque la punition à l'école primaire était pratiquée. considérée comme efficace pour obliger l'élève à bien travailler . Concrètement les châtiments corporels étaient utilisés et même diversifiés . Le pire de tous était là fessée .
           Je me rappelle un fait que j'essayais en vain d'effacer de mon esprit . La maitresse punissait régulièrement " Jacqueline " par la fessée .
dès que celle-ci ne s'appliquait pas à un devoir , elle la faisait monter sur l'estrade , relevait soigneusement sa jupe , lui baissait la culotte avant de lui infliger une fessée . Le chatiment le plus sévère et le plus humiliant .
      Cette élève très sage , qui n'était pas très douée et juste moyenne dans son travail , n'était autre que la fille d'une maîtresse dans cette l'école , sa collègue en fait . Jacqueline ne pleurait pas . Seul le rougissement de son visage trahissait ses émotions .
Je trouvais cet agissement injuste bien sûr . Mais ce qui m'intriguait c'est que d'autres élèves arabes qui méritaient la même punition ne la subissaient pas .
          Morte de peur à ces moments là , la seule idée qui me venait était de serrer d'avantage mes bras déjà croisés , de garder la tête bien droite et de regarder devant moi . Je ne pouvais éviter le spectacle bien sûr puisque cela se déroulait sur l'estrade devant toute la classe . Je ne pense pas qu'il y ait de pire supplice . Je pense même qu'en vérité mes bons résultats scolaires n'étaient dûs qu'à ma peur d'être punie un jour !

Le Point qui résiste .Où les histoires vivent. Découvrez maintenant