chapitre 11. Ma nouvelle lubie .

34 4 0
                                    


Au fil du temps j'ai appris à étouffer mes cris , j'en arrivais à ravaler mes larmes pour ne pas déranger bébé . Deux phrases hantaient mon l'esprit .
Ne fais pas de bruit .
Ne réveille pas ton petit frère .
Ma mère avait moins de temps à me consacrer

_ Maintenant tu es grande . me répétait-elle souvent . Pour me corrompre je pense , car j'étais toujours chétive et beaucoup plus petite que Nora . Pour la énième fois je me reprochais intérieurement de ne pas être aussi grande et aussi forte qu'elle.

Depuis mon escapade j'ai développé une peur panique de me perdre , cela ne m'empêchait nullement d'être toujours volontaire pour faire les commissions à la place de Bachir et de Nora qui refusaient . Je commençais à m'habituer à ces petites sorties seule . Le monde de dehors me fascinait de plus en plus .

En effet jusque-là , à la maison mes horizons étaient limités . A part Biquette et Boby je restais tout le temps fourrée dans les jupons de ma mère . Seule Nora jouait avec moi . Mes pensées étaient surtout obsédées par le monde de l'école de ces filles dont parlait Nora .
Je passais mon temps à tourner les pages des livres et à parcourir du regard les images .
_ A peu de choses prés ma vie ressemble à celle des petites filles que je voyais sur ces livres , pensais-je souvent .
Je ne me comparais à elles que par l'apparence . Ou par ce que racontait les images . Je ne connaissais rien à leur vrais vie .
Je me surprenais à trépigner d'impatience pour faire comme elles . Je me promettais de choisir chez Doudou des robes plus courtes , de choisir de jolis rubans que je mettrai au bout de mes tresses . Mes désirs étaient limités en fait .

Depuis , je sortais plus souvent et à chaque sortie , j'étais subjuguée , par le contraste des lieux . Ce contraste a toujours existé entre le Ksar et le reste de la ville , mais je n'en ai pris conscience qu'une fois seule , qu'une fois où la main de Nora ne me tenait pas . qu'une fois où je ne trainais pas derrière ma mère en m'accochant à son haik .

Les jours et les mois qui ont suivi coulaient normalement . Et , seulement quelques mois après le premier anniversaire de kader mon autre petit frère est arrivé. Devant le minuscule Rachid , Hamid qui marchait à peine paraissait bien grand , il commençait à recevoir les brimades . Pour moi les récompenses ont remplacé les punitions ma mère me considérait comme une fille forte et capable de l'aider , ce que je m'appliquais à faire . Au fond de moi je resentais le désintérêt de ma mère . L'éloignement de mon père se manifestait clairement , cependant ils me donnaient d'autres privilèges.
Je n'allais toujours pas à l'école , mais je ne souffrais plus de cette sorte d'enfermement du moins pas à l'excès . Je voulais toujours être plongée dans le monde des grands , toutefois je me contentais de vivre tout doux comme mes frères , aucun excès dans mon comportement .
Les vacances étaient là , enfin mes frères n'allaient plus à l'école comme moi . Bachir sortait de plus en plus souvent seul , mais la présence de Nora me confortait . Malgré les longues journées d'été on ne s'ennuyait pas .
J'étais heureuse à ma manière . Je me contentais de moins en moins de la simple compagnie de Boby . Pendant l'heure de la sieste Nora et moi avons le temps de fabriquer nous-mêmes nos poupées avec des bougies . La laine noire faisait office de cheveux . De petits morceaux de roseau plantés de chaque côté en guise de bras retenaient parfaitement les carrés de tissus qui servaient de robes , d'autres bâtons en guise de jambes leurs donnaient une belle allure .
Je me suis alliée à ma soeur pour créer un autre monde à moi à travers ces poupées . Nos miniatures assistaient à des mariages , elles accouchaient même d'un petit poupon ou d'une petite poupée , c'était selon l'événement de la vie courante en famille ou au village . Il fallait préparer les trousseaux avec de beaux morceaux de tissus qu'on troquait contre des pépites de melon .
En effet , les couturières juives se debarrassaient des chutes de tissus dont elles ne se servaient pas en échange de nos pépites soigneusement bichonnées . Ainsi il fallait amasser le plus possible . Tous les fruits que mon père ramenait étaient très appréciés mais le melon avait une importance toute particulière . Nora était toujours volontaire pour la découpe , des fois que m'a mère jette les graines . Il ne fallait surtout pas louper ces trésors qu'on devait laver soigneusement pour ensuite les faire sécher sur un papier au soleil sans oublier de les remuer . On s'étaient bien entraîner lors des fameux tours de Bachir . Mais ce n'était pas pareil cette fois il en fallait beaucoup plus , pas décortiquées bien sûr.

Dès qu'on avaient une certaine quantité et dès que je le pouvais je me rendais avec ma boite chez Boudda la plus renommée . C'est moi m'en chargeais car mon absence se faisait moins remarquer que celle de Nora .
J'allais d'abord chez boudda parcequ'elle avait des clientes aisées qui lui ramenaiant de très beaux coupons et ce qu'il en restait étaient de magnifiques carrés multicolores et variés . Et si seulement elle n'en avait pas que je me dirigeais vers d'autres .
Bien sûr, sa gentillesse se faisait désirer . Elle ne me prêtait jamais attention tout de suite . Elle prenait tout son temps elle savait que j'attendrais patiemment . Assise en face de sa machine , elle cousait , j'avais tout le temps de l'observer et de l'examiner . Boudda était une femme robuste , aux larges épaules larges aux bras forts . Elle n'était pas lourde bien que grande et forte . Un foulard retenait ses cheveux chatains et drus qui racourssissaient son front . Ses yeux alertes et souriants brillaient et lui donnaient un air jovial . C'était une couturière soigneuse et habile . En face d'elle , le banc était toujours occupé par une femme pas spécialement une cliente . Je suppose qu'elle avait constamment besoin d'une présence pour lui tenir compagnie . Elle n'en a jamais manqué. Le bruit de la machine ne perturbait nullement leur conversation . Pendant que je restais longtemps là , debout à me morfondre , ses geste lents m'énervaient et attisaient mon impatience .
Elle daigne enfin jeter un coup d'oeil à la marchandise. Selon son besoin et surtout selon la qualité , elle acceptait ou refusait . L'échange se faisait en fonction de la quantité , un véritable marché de troc . Boudda refusait d'emblée les pépites noires des pastèques plus faciles à nettoyer . Par contre d'autres les acceptaient .
Je finissais par repartir avec mon butin satisfaite et comblée .
Jour après jour je découvrais le vieux Ksar , ses rues , ses maisons .
Au lieu de passer mon temps à négocier l'autorisation de jouer dehors dans la rue pendant l'absence de Nora , j'agrémentais mes temps libres autrement .

Le Point qui résiste .Où les histoires vivent. Découvrez maintenant