Chapitre 34 le Capitaine .

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Les mois passent . Le rituel reste immuable .
La constance invariable qui s'installe nous effraie d'avantage , nous persuade d'inespérer la libération immédiate de mon père.
On ne sait pas si il va supporter cette situation si dure et si sa santé fragilisée tiendra le coup . On sait seulement que s'il résiste à ces conditions de détention , il sera libéré un jour comme tous ceux qui sont passés dans ce camp , mais on ignore quand . Le plus terrible était qu'il se pourrait que cette détention dure longtemps .

Les mois qui passaient me laissent le souvenir de ma mère évoquant un nombre incalculable de fois avec tristesse ses jours heureux .
Elle radotait de vieilles histoires . Nous connaissions d'avance la fin de chaqu'une d'elles , ainsi que le dénouement de toutes celles dont elle faisait des énigmes . Elle les embellissaient à chaque fois avec ses propres inventions . Ma mémoire ne se trompait jamais mais je n'avais pas le droit de corriger quoi que ce soit .

La guerre se jouait sur la fréquence des hélicoptères au dessus de nos têtes . Sur les fouilles periodiques et sur les nuits cauchemardesques des brasiers sinistres des boutiques qui brûlaient à tour de rôle .

         Certains événements constants qui ne cessent de se multiplier sont devenus presque ordinaires chez moi . J'essayais de vivre aussi normalement que possible . Cependant , je n'arrive pas à m'expliquer ce phénomène aussi saugnenu soit-il ;
De toutes les horreurs de la guerre ,  mes terribles cauchemars étaient les incendies .
       Un effroi m'électrisait et me glaçait spécialement lorsqu'un incendie se déclarait  . Le réveil en plein sommeil . La sirène, l'appel au secours , les clameurs de voix déclenchaient en moi une attaque de panique . Une envie de fuir . Pendant ce temps j'étais incapable de maîtriser cette terreur intense que je ne pouvais gérer . L'angoisse qui me saisissait me donnait cette sensation de folie . Cela ne durait que quelques minutes heureusement car c'était insoutenable . Elle se dissiper avec le lever du jour .

      Le lendemain je me pressais de sortir pour constater les dégâts . Le propriétaire se rend sur les lieux tôt avant les autres . Il regarde ce qui reste de sa boutique de fortune . C'est à dire rien . Il demeure longtemps penché sur les débris , sur l'amoncellement de bric-à-brac calcinés qu'il soulève délicatement .
Je restais un moment debout . Je me demandais ce qu'il cherchait . Il n'y avait rien à sauver .

   Ces agissements avaient des suites du côté francais bien sûr . A peine quelques jours plus tard les représailles se traduisaient par des fouilles  fracassantes générales de tous les foyers .

Le souvenir se précise dans mon esprit au point d'avoir la sensation de revivre les prémices de ces fouilles .

      La veille , au milieu de la nuit , Ma mère passait d'un lit à l'autre , mettait d'abord sa main sur notre bouche avant de nous secouer un par un alors qu'on dormait . Sonnés , on suivait du regard ses index . L'un pointé sur la porte d'entrée . L'autre sur son oreille nous signalait d'écouter.
Il ne nous fallait pas attendre longtemps pour entendre des bruits sourds contre la porte . Le moment de frayeur était au comble . 
En effet une sentinelle se trouvait assise sur la marche , appuyée contre la porte . Son séant obstrue la brèche au bas de la porte et nous  empêchait de voir la rue et ce qui s'y passait .

       Je jettais un coup d'oeil ! Je ressentais une sensasion d'étouffement et l'écrasement dans cette petite pièce plongée dans le noir .
Habituellement avant de dormir , discrètement je me mettais à plat ventre pour entrevoir la lumière que dispense le réverbère .  Même livide , dans la rue déserte elle m'inspirait le calme et l'apaisement .

       On quitte immédiatement cette pièce pour nous rendre dans la cuisine . Rester cantonnés dans la sécurité de l'ombre et du noir , ne faire aucun bruit , ne laisser aucune clarté filtrer et attendre le lever du jour . Tels étaient les mots d'ordre .
Sans lumière difficile d'évaluer le temps . Le reste de la nuit se déroulait dans une atmosphère de crispation et d'effroi . A chaque chuchotement ma mère réagissait par un pincement . Elle serrait la peau juste assez pour rappelér à l'ordre sans provoquer de douleur laquelle déclencherait un cri au risque de se faire entendre par les gardes .
Au lever du jour , croyant ce bloc isolé vide , prenant notre maison pour un centre de santé à cause de la croix rouge sur le fronton de la façade , c'est carrément sur le toit que les sentinelles se postaient  . Au dessus de nos têtes , le vieux plafond bas vibrait sous leurs pas lourds .

Le Point qui résiste .Où les histoires vivent. Découvrez maintenant