— Tu crois qu'on la reverra avant son départ ? demanda Emma d'un air sombre, le regard perdu dans le vague.
Sarah resta silencieuse. Sa voix était prise en otage par un méchant sanglot tapi dans sa gorge. Il lui fallut plusieurs secondes avant de parvenir tant bien que mal à se ressaisir et répondre d'une voix enrouée :
— J'en sais absolument rien... Je l'espère... C'est vraiment trop bête... Tout ça pour une fille...
Emma se tourna vers elle et vit une larme couler le long de sa joue. Elle plaça alors son bras autour de ses épaules pour tenter de la réconforter... Elles étaient là, toutes les deux, impuissantes, assises à la terrasse du café d'où venait juste de partir leur amie Raphaëlle. Et elles restèrent ainsi un moment sans parler, la peine au cœur. Puis tout à coup, Sarah rompit le silence et reprit :
— C'est vraiment triste cette histoire. Pour une fois qu'elle était vraiment attachée à quelqu'un...
— Tu sais ce qui s'est passé ? demanda Emma avec un air intrigué.
— Pas vraiment... L'autre fois, elle est venue me voir avec une tête d'enterrement en me disant que tout était fini entre elles. Tout de suite après, elle m'a annoncé qu'elle arrêtait ses études et qu'elle partait vivre au Canada. Et tu connais la suite...
— Le Canada... C'est si loin... Quelle idée !
— Oh ! Ça date pas d'hier ça ! Elle a toujours eu envie de partir là-bas. Elle attendait d'avoir fini ses études. Mais suite à cette histoire, elle a sans doute estimé que plus rien ne la retenait ici. Et puis, sa cousine part s'installer à Montréal à la rentrée... C'était l'occasion, j'imagine...
— Et j'ai pas osé demander, mais... là elle va en Suisse c'est ça ?
— Oui, elle va s'installer chez sa cousine le temps d'obtenir son visa. Rien que de penser qu'elle va s'en aller à des milliers de kilomètres d'ici, ça me rend malade... En plus, tu sais Emma, je sens que tout ça, c'est fait sur un coup de tête. Elle va me manquer, c'est sûr, mais y'a pas que ça. Si au moins je la sentais heureuse... Mais là, pas du tout ! On dirait qu'elle veut tout saboter... son avenir, ses projets... Qu'elle s'en fout de tout... Elle dit qu'elle n'a plus rien à perdre... Et moi alors dans tout ça ? Je suis sa meilleure amie depuis toujours ! J'ai besoin d'elle ! Ça compte pas ça bordel ?
Emma resta interloquée, se sentant démunie face à cette subite colère et ne sachant que répondre... Puis elle décida de changer de sujet et reprit :
— Y'a vraiment aucun moyen de la raisonner ?
— Non... J'ai tout essayé... Rien à faire... Seule cette fille pourrait lui faire entendre raison à présent... Mais à mon avis c'est même pas la peine d'y penser ! Elle ne veut plus entendre parler de Raph'...
— Mais on peut peut-être aller lui parler nous ! C'est qui cette fille ?
— J'en sais absolument rien... Raph' attendait de savoir où ça allait avant de me la présenter. Je sais juste qu'elle s'appelle Noémie.
— Noémie... J'en connais aucune... Non ça me dit rien...
— J'te dis... C'est foutu... Et même si on la retrouvait, ça nous mènerait nulle part... On peut plus rien y faire... Reste plus qu'à espérer qu'elle ne regrettera pas son choix...
Après quelques instants, Emma rompit brusquement le silence et lança en se levant :
— Bon... Allez Sarah ! Faut pas se laisser abattre ! J'ai promis à Raph' de bien m'occuper de toi ! Faut que tu manges quelque chose, tu as une petite mine ! Allons en ville. Je connais un bon resto. C'est moi qui t'invite !
— Oui, bonne idée ! répondit Sarah, en essayant tant bien que mal de sourire.
— Super !
Soudain, le téléphone d'Emma se mit à sonner.
— Mince ! J'avais complètement oublié avec tout ça ! C'est un appel important, c'est mon entretien téléphonique d'entrée en master. Ça t'ennuie pas de m'attendre ? Ça risque de durer un moment...
— Pas de soucis Emma, je t'attends sagement ici...
Emma se leva et s'éloigna pour répondre au téléphone, avant de disparaître au loin. Et Sarah se retrouva seule sur la terrasse. Elle soupira et ferma les yeux. Et tandis qu'elle tentait de se détendre, elle ressentit subitement une envie irrésistible de fumer. Elle tira rapidement une cigarette de son paquet et chercha en vain son briquet. Son regard partit alors immédiatement à la recherche d'un potentiel fumeur susceptible de la secourir. Elle aperçut soudain une fille s'installer à l'une des tables à l'autre bout de la terrasse, et allumer une cigarette. Elle décida donc de se lever pour aller à sa rencontre...
— Salut. Est-ce que tu aurais du feu ? demanda doucement Sarah en montrant sa cigarette désespérément éteinte.
La fille regarda Sarah d'un air à la fois hagard et surpris, comme si elle venait d'émerger d'un sommeil profond. Puis sans dire un mot, elle fouilla dans la poche de sa veste et finit par en sortir un briquet. Elle le tendit à Sarah, qui alluma sa cigarette en tirant puissamment dessus. Tout en soufflant la fumée par la bouche, Sarah rendit le briquet à sa propriétaire avant de dire :
— Merci beaucoup.
— Pas de quoi...
La fille saisit le briquet et le remit dans sa poche. Elle s'adossa de nouveau au dossier de sa chaise, et regarda dans le vague en fumant. Sarah resta un instant silencieuse et ne parvint pas à partir. Cette fille avait un air si triste que cela lui fendit le cœur. Son sentiment fut confirmé quand elle aperçut une larme s'échapper des beaux yeux brillants de la fille. Sarah, qui elle-même avait le cœur lourd, ne put se résoudre à s'en aller. Elle lança :
— Est-ce que ça t'ennuie si je m'assois avec toi ?
— Non, je t'en prie.
Sarah s'assied alors à ses côtés. Elle n'aurait pas su dire exactement pourquoi, mais elle se sentait bien à côté de cette fille. Une douceur chaude envahit lentement son cœur et pour la première fois de cette journée sinistre, elle se sentit un peu apaisée. L'inconnue était d'une profonde beauté, sa longue chevelure blonde épousait à merveille les courbes si délicates de son visage... Sarah se dit alors en elle-même que cette fille aurait assurément plu à son amie Raphaëlle. Peut-être même qu'une fille comme elle aurait pu lui faire oublier sa cruelle Noémie...
— Sale journée, pas vrai ? tenta Sarah pour entamer la conversation.
La fille, continuant à regarder au loin avec un air mêlant colère et tristesse, tira sur sa cigarette et souffla la fumée. Puis, sans regarder Sarah, elle lui répondit d'une voix résignée :
— Ça c'est le moins qu'on puisse dire...
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Le secret de Vénus
RomanceÀ vingt-et-un ans, Raphaëlle, jeune femme au charme irrésistible et aux allures androgynes, a tout pour plaire : la beauté, l'assurance, l'aisance et puis... ce sourire ravageur... Ah ça c'est sûr, elle en fait craquer plus d'une ! Ce joli cœur est...