Chapitre 1 - Sarah

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Trois mois plus tôt...

***

Sarah — Midi trente. Toujours personne en vue. Je suis assise, seule à la terrasse du café où nous avons l'habitude de nous retrouver. Elle est en retard. Comme d'habitude. Avec elle, c'est toujours comme ça. La serveuse m'apporte le verre de porto que j'ai commandé et je décide d'allumer une cigarette en l'attendant.

À la table d'en face, deux filles viennent juste de s'installer et discutent ensemble. Elles ont l'air un peu plus âgées que moi, et d'être déjà dans la vie active. Elles doivent avoir au moins vingt-cinq ans. L'une d'elles attire particulièrement mon attention. Elle porte un tailleur qui la met sacrément bien en valeur ! Elle est vraiment craquante... Elle est tellement plaisante à regarder que j'en oublie momentanément le cours de mes pensées ou même ce que je fais ici. J'imagine qu'elle est avocate ou du moins qu'elle occupe un poste à responsabilité. Elle a l'air de savoir exactement qui elle est et ce qu'elle veut faire de sa vie. J'adore particulièrement ce genre de fille. Le genre déterminé et carriériste. Et le genre à se dire hétéro, sans aucun doute...

C'est tout de même curieux, cette fâcheuse tendance qu'ont les gens à se mettre tout seul dans des cases. Moi je ne m'y retrouve pas du tout dans toutes ces classifications ! Je trouve ça débile. Au fond, face à un être humain qui me plaît, je vois d'abord le fait qu'il ou elle me plaît. C'est tout. Quel que soit son sexe... À vrai dire, ce qui compte pour moi, c'est de prendre un maximum de plaisir. Je pense qu'on n'a qu'une seule vie. La plupart des gens de mon âge rêve de grand amour et de trouver la perle rare, leur âme-sœur. Mais très peu pour moi ! Il est hors de question que je m'enferme dans une relation et me restreigne à une seule personne, la vie est bien trop courte ! Et c'est maintenant qu'il faut que j'en profite...

Mes yeux reviennent alors vers ma petite avocate. J'ai bien envie d'aller la voir. Ça doit être un sacré coup ! Je l'imagine soudain toute nue, vêtue seulement de ses lunettes et ses chaussures à talon et j'avoue que je me sens tout à coup chaude comme la braise. Et pendant que je la fixe ainsi depuis maintenant quelques instants et que je commence à partir dans un joyeux délire avec des menottes et des cordes, je m'aperçois soudain qu'elle a elle aussi les yeux rivés sur moi. Mes regards insistants ont dû attirer son attention, alors je lui souris, juste pour voir... et elle me rend mon sourire. Elle est vraiment jolie... Nous échangeons un regard plein de chaleur. Ces yeux me font beaucoup d'effet et je crois que je ne vais pas avoir d'autre choix que d'aller lui parler.

C'est alors que j'entends une mobylette approcher qui me sort de ma douce rêverie et me fais détacher le regard de cette charmante créature. Au bruit du moteur qui pétarade et claque comme pas possible, pas de doute, c'est elle... Il faudrait quand même un jour qu'elle se débarrasse de sa pétrolette et passe enfin à la moto, parce que son vieux tacot va prochainement la lâcher... Elle se gare, et enlève son casque avant d'approcher.

Elle arrive bientôt à mes côtés sur la terrasse et, sans rien dire, jette son portefeuille, son portable et ses clefs sur la table. Et en deux temps, trois mouvements, c'est un foutoir innommable qui s'étale sous mes yeux ! Elle s'assoit en se vautrant dans la chaise, et malgré ses lunettes de soleil, je sais que son regard n'est pas posé sur moi. Elle est ailleurs. Elle attrape de sa main droite son collier et le porte à son menton avant de jouer machinalement avec. Ce collier dont elle ne se sépare jamais. On reste quelques minutes comme ça, sans échanger un mot. Moi fumant ma cigarette, et elle avachie sur sa chaise.

— Tu veux boire quoi ? je lance soudain, ayant fait le deuil d'avoir aujourd'hui des salutations de sa part.

Raph' reste silencieuse et immobile encore un instant, puis elle finit par enlever ses lunettes de soleil, les pose et se frotte les yeux en s'accoudant à la table. Je devine alors qu'elle n'a pas beaucoup dormi, et qu'elle vient sûrement juste de se réveiller. Elle semble porter les mêmes fringues que la veille.

Le secret de VénusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant