Raphaëlle — Quand ma cousine a fini de me présenter ses amies, et que je peux enfin m'en aller, je me dirige vers la cuisine et ouvre le réfrigérateur. De la viande, du fromage, des restes de pizzas... Sérieux ? Alors c'est tout ce que ce satané réfrigérateur a à me proposer ? Dégoutée, je m'empresse de refermer la porte et fouille un peu partout dans la cuisine et finis par trouver mon bonheur ! Du pain, du chocolat... avec du beurre, ça fera l'affaire ! Je me prépare mon sandwich sucré improvisé et je remonte dans la chambre de ma cousine en commençant à le manger. Et pendant que je monte les escaliers, soudain je me rappelle mon rêve de cette longue nuit. C'était plutôt un cauchemar en fait.
J'étais dehors, avec un homme, un agent immobilier plus précisément. Il était en train de me bassiner pour que je lui achète un bien. Au bout d'un moment, je lui demande de quel bien immobilier il s'agit, et le gars me répond :
— Mais il est juste au-dessus de nous voyons ! en pointant son doigt au ciel.
Alors je lève la tête et découvre que nous sommes juste au pied d'un immense bâtiment, ou plutôt d'une arche. Elle est gigantesque, et sa taille me suffoque, me pétrifie ! Je me sens défaillir, ma gorge se sert, comment un bâtiment peut-il être aussi grand ? Je suis littéralement terrassée par son immensité et je suis obligée de me coucher au sol pour ne pas devenir folle. Il faut que je parte, que je parte loin de ce bâtiment. Même sans le regarder, le simple fait de savoir qu'il est juste au-dessus de moi me pétrifie !
En y repensant, je sens soudain que l'angoisse menace de revenir et j'essaye alors de penser à autre chose. J'ai très envie de parler à Sarah. Je l'appelle alors et elle répond au bout de quelques sonneries. Nous échangeons quelques banalités. Elle a l'air d'aller bien et d'être contente que je l'appelle. Elle me raconte rapidement le début de ses vacances, me parle de sa nouvelle copine avec qui elle m'assure que c'est très torride. Et nous parlons ensemble comme ça quelques minutes, avant de raccrocher. Je me recouche et m'endors instantanément.
Quand je me réveille, il fait déjà nuit. Ma cousine est dans la chambre et joue à la console.
— Salut ! Bien dormi ? me lance-t-elle.
— C'est peu de le dire...
— T'avais pas dormi depuis deux semaines ou quoi ?
Je ne réponds pas, encore un peu ensommeillée. Puis, je m'installe à côté d'elle sur le sol de sa chambre, pour rejoindre la partie. Tout à coup, elle me dit :
— Tu sais, ça m'a fait plaisir de pouvoir te présenter mes potes aujourd'hui.
— Ouais c'était cool, je lui réponds sans le penser vraiment, pour lui faire plaisir, tout en essayant désespérément de buter un mec qui vient de me tirer dessus.
— Et puis je suis contente que tu aies pu voir enfin Léa surtout.
— Léa ?
— Ouais Léa c'est... enfin je l'aime bien quoi.
Je mets le jeu en pause et me tourne vers Manu.
— Attends t'as une fille en vue ? Toi ? Et tu m'as rien dit ?
— Ben j'attendais que ça se concrétise en fait.
— Ah vous êtes ensemble alors ?
— Ben... Non pas encore...
— Ben alors ? Qu'est-ce que t'attends ?
— Je veux faire les choses bien. Avec Léa je me sens vraiment de m'engager...
— Ben ça ! Ça me fait vraiment plaisir pour toi !
Je la regarde un instant avec une intense joie au cœur. Puis comme il me semble qu'elle est un peu gênée que je la regarde comme ça, je me tourne à nouveau vers l'écran et je relance le jeu.
— Je te la présenterai mieux demain quand elle viendra, poursuit-elle.
— Ah ? Elle revient demain alors ?
— Ouais, en fait c'est une idée d'Émilie. Elle a proposé de refaire un truc ici demain. J'ai dit oui direct ! Y'aura moins de monde qu'aujourd'hui, mais Léa sera là, ça nous fait une nouvelle occasion de nous voir.
— Mais tu préférerais pas la voir sans les autres ? Pourquoi tu l'invites pas simplement à venir toute seule ?
— Ben... Tu sais je suis plutôt timide avec les filles moi...
Je mets de nouveau le jeu en pause et me tourne vers Manu, sidérée.
— Timide ? Attends... C'est une blague ?
— Ben non... Le truc c'est que... en tant que pote, je suis quelqu'un d'assez détendu, je pense, mais dès qu'on passe dans la sphère sentimentale, c'est la grosse cata ! Je perds mes moyens, j'ai l'impression de rien avoir à dire, d'être inintéressante, de pas avoir ce qu'il faut... Enfin voilà je doute de tout, et surtout de moi... C'est comme si j'avais rien à offrir à l'autre... Rien d'intéressant en tout cas... Et j'arrive plus à être moi-même, c'est comme si j'étais pétrifiée...
— Faut te détendre tu te mets beaucoup trop la pression !
— Ouais... Je sais... T'as raison. Mais c'est plus fort que moi... À chaque fois c'est pareil. Et je finis par vraiment être inintéressante, je les fais même fuir ! J'ai pas envie que ça fasse ça avec Léa... C'est pour ça que je prends mon temps... Je reste sur un terrain sur lequel je suis à l'aise : celui de l'amitié... Mais c'est très frustrant. Seulement voilà ! La vérité c'est que je flippe grave ! Toi ça t'arrive jamais ce genre de chose... Le doute, tu connais pas... Je t'envie tellement... Ton assurance... Toutes ces filles qui te tournent autour... Et puis... Tu sais t'y prendre je veux dire... T'as la grande classe... Comment tu fais ?
Je reste un instant silencieuse et durant une fraction de seconde, mes pensées divaguent malgré moi vers la Vénus de Milo... Je chasse ces idées aussi vite que je le peux et reprends la conversation.
— Ben, en fait, pour moi, tout ça, ça n'a pas d'importance... Ce qu'on pense de moi, comment on me juge, c'est vraiment pas une préoccupation pour moi, ça ne m'effleure jamais l'esprit en fait... Mais ça n'a pas toujours été comme ça... Disons... À une époque je me suis pris la tête moi aussi pour une fille. C'était au collège. Pendant deux ans j'ai été amoureuse de cette fille sans jamais oser le lui dire. Et tout ça pour me rendre compte qu'elle ne m'avait même pas remarquée. Ça m'a fait beaucoup souffrir. Mais ça m'a servi de leçon ! Faut pas perdre de temps dans la vie avec ce genre de chose ! Si j'avais tenté ma chance dès le début j'aurais gagné un temps précieux... Maintenant tu vois, quand j'ai envie de faire un truc, je le fais. La seule personne qui peut m'en empêcher, c'est moi-même. Et puis... la seconde leçon que j'en ai tirée c'est qu'il ne faut jamais aimer une personne plus qu'on ne s'aime soi-même... C'est ma règle. Mais pour en revenir à ton histoire... Écoute, même si cette fille compte beaucoup pour toi, et ça a l'air d'être le cas, ce qu'il faut que tu fasses, c'est d'essayer d'être détachée un peu de tout ça. Bon pour moi c'est facile, je m'attache jamais, c'est comme ça, ça m'intéresse pas. Mais toi c'est différent. Pour Léa, t'as qu'à te dire qu'il n'y a pas d'enjeu en fait. Même si ça marche pas, finalement ça changera rien, ça voudra juste dire que c'était pas elle. Ça ne changera ni qui tu es, ni le fait que tu mérites largement qu'on s'intéresse à toi. Ne laisse jamais personne te voler ton estime de toi, parce que c'est le pire qui puisse t'arriver. Tu vas voir cette fille, et tu l'embrasses. Tu verras bien ce qui se passera. Si c'est pas elle, tu le sauras tout de suite.
— Ouais... T'as sûrement raison...
— Bien sûr que j'ai raison ma cousine ! T'es quelqu'un génial ! Et si cette Léa ne s'en rend pas compte... c'est qu'elle vaut pas la peine que tu te prennes la tête comme ça. Et si t'arrives pas à être toi-même avec elle, alors ça sert à rien d'aller plus loin. Essaye de toujours rester fidèle à toi-même en toute circonstance... C'est la clef ma cousine ! Pour toi je veux dire. C'est le plus important dans la vie. Et « qui m'aime me suive ! » comme on dit ! Arrête de te cacher ça sert à rien et vis ta vie ! T'as envie d'être avec cette fille ? Alors fonce ! Te pose pas de question et tu verras bien !
Après un court instant de silence, Manu me dit soudain :
— Ouais... Je vais faire ça... Demain, je me lance. Merci Raph'.
— Pas de quoi.
Je l'observe en souriant pendant qu'elle regarde droit devant elle d'un air déterminé. Je me sens bien. Et nous reprenons notre partie de jeu vidéo, comme si de rien n'était.
VOUS LISEZ
Le secret de Vénus
RomanceÀ vingt-et-un ans, Raphaëlle, jeune femme au charme irrésistible et aux allures androgynes, a tout pour plaire : la beauté, l'assurance, l'aisance et puis... ce sourire ravageur... Ah ça c'est sûr, elle en fait craquer plus d'une ! Ce joli cœur est...