Chapitre 24 - Noémie

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Noémie — Quand je rentre chez moi, après avoir été au resto avec mes copines, les mots que m'a soufflés Raph' dans les toilettes résonnent encore en moi... C'est la première fois qu'elle me dit ce genre de choses.... qu'elle me demande de quitter Matthieu... qu'elle me dit qu'elle veut se mettre en couple avec moi. Je sens que notre relation prend de l'ampleur. Je sens qu'on se rapproche. Et ça me fait peur...

Et alors que j'arrive dans ma chambre et que je m'allonge sur mon lit, une discussion sérieuse commence entre deux parties de moi qui se livrent une guerre froide depuis que tout ça a commencé : mon cœur et ma raison...

— Tu as remarqué que Matthieu avait l'air inquiet ces derniers temps ? demande ma raison de sa voix pleine de reproches à mon cœur, en lui tournant le dos.

— Oui... En effet... répond mon cœur, avec une pointe d'émotion dans la voix.

— Cet homme avec qui nous sommes en couple depuis l'âge de quatorze ans... Dix années pendant lesquelles tout allait bien. Te rappelles-tu comme nous étions heureux ensemble avec lui ? À l'époque, nous marchions main dans la main toi et moi, dans la même direction...

— Oui je m'en souviens... répond tristement mon cœur en sachant déjà que tout ça n'est plus qu'un très lointain souvenir...

— Et il a fallu que tu te laisses acoquiner par cette fille...

— Ah ça y est ! Je les attendais les reproches ! répond vivement mon cœur en devenant rouge de fureur.

— Eh quoi ? Tu t'attendais à des remerciements peut-être ? C'est bien toi qui nous as conduits dans cette impasse ! Cette situation merdique ! Tu fais souffrir Matthieu ! Il ne comprend pas ce qui se passe. Matthieu, tu te rappelles ? Celui avec qui nous souhaitons fonder une famille ! Celui à qui nous voulons un jour dire oui ! Celui que nos amis et parents aiment tant et depuis tant d'années ! Celui qui nous aime comme jamais on ne nous a jamais aimés...

— Eh bien... Je crois que moi je ne l'aime plus justement... balance mon cœur à ma raison qui lui tourne toujours le dos.

— Tais-toi ! crie ma raison à tue-tête en se retournant avec virulence. Je t'interdis de dire ça ! Le père de nos futurs enfants ! L'homme avec qui nous voulons passer le reste de notre vie ! Non, mais ! Tu t'écoutes ? ? ? Comment oses-tu lancer de telles affirmations ?

— J'ai mes raisons... poursuit mon cœur insolemment.

— Eh bien fais comme moi : ignore-les ! rétorque ma raison avec fureur et emportement.

— Oui... Mais Raph'...

— Raph' ? Cette fille que nous ne connaissions pas il y a encore quelques semaines et qui se permet maintenant de nous demander de quitter Matthieu ? Non, mais quel toupet ! Et puis quoi encore ? Alors c'est comme ça ? Elle débarque la bouche en cœur et voudrait que d'un revers de main, on fasse place nette pour sa petite personne ? Pour qui se prend-elle nom d'un chien ? Cette fille... Oui parce que je te signale quand même que c'est d'une fille qu'on est en train de parler !

— Oui... Et alors ?

— Eh bien on n'aime pas les filles on aime les hommes et c'est comme ça !

— Oui... Parle pour toi... Moi je ne fais que battre quand je vois Raph'... On n'aime peut-être pas les filles... Mais Raph'... Moi je l'...

— Je t'interdis de finir cette phrase !

— Sinon quoi ?

— Sinon... Je... Et au fait ? Le regard des autres ? Tu y as pensé ? Tu nous vois lui tenir la main dans la rue ? Tu nous vois la présenter à nos parents ? À nos amis ? L'embrasser ? Que vont dire les gens ?

— Oui, en effet... C'est vrai que c'est un point sur lequel je partage tes inquiétudes... Le regard des gens et de nos proches me préoccupe tout autant que toi.

— Et puis tu penses à nos amis ? Nos amis avec qui nous passons toutes nos soirées. Tous nos amis sont aussi ceux de Matthieu. Tu crois qu'ils nous pardonneront de l'avoir blessé ?

— Hum... En effet. Ça je n'y avais pas pensé...

— Ouais... Penser c'est pas trop ton fort hein ? Laisse donc les pros faire tu veux ! Et pour la prise de décision, on te demandera ton avis plus tard...

— Mais...

— Il n'y a plus de « mais », c'est terminé ! Et puis, si tu tiens tant à cette fille, tu ne devrais pas la faire espérer comme ça ! Parce qu'on n'a pas d'avenir avec elle... Alors, peut être que vous autres, les « organes d'en bas » vous vous amusez bien ces derniers temps, mais qui va devoir ramasser les pots cassés après, quand tout ça va mal tourner ? Hein ? Quand la fête sera finie ? C'est bibi ! Et il va falloir culpabiliser... demander pardon... se défendre, trouver moult solutions ou autres choses dont je me passerais bien volontiers ! Et à ce moment-là, y'aura plus personne pour m'aider évidemment ! Pire ! Vous ne ferez encore que me gêner avec vos réactions folles qui m'empêcheront de me concentrer et de penser comme je sais si bien le faire...

— Mais... tente désespérément mon cœur.

— Non ! coupe fermement ma raison. Je t'ai laissé faire tes conneries pendant trop longtemps ! J'aurais dû me méfier dès le premier jour, quand elle nous a proposé de l'aide pour le radeau. Et je t'avais bien mis en garde et sommé de ne pas la rattraper quand elle est partie de la bibliothèque alors que je venais de lui dire fermement de partir. Pourquoi a-t-il fallu que je te laisse les commandes ? Descendre les marches quatre à quatre, la rattraper, et ensuite s'engouffrer dans ce maudit ascenseur... Mon Dieu quelle folie ! Tu vois où ça nous mène quand tu prends des décisions ?

— Oui, mais tu admettras qu'on n'a jamais ressenti un tel bonheur...

Mon cœur venait ainsi de couper la chique à ma raison et pendant quelques petites secondes, je n'entendis plus qu'un lourd silence en moi... Mon cœur reprit espoir. Pour lui, cet argument était irréfutable, et il avait eu le dernier mot encore une fois. Et tandis que tout semblait gagné, ma raison, qui tournait à nouveau le dos à mon cœur, rétorqua soudain :

— Allez, maintenant il faut vraiment qu'on arrête...

Et j'ai alors entendu mon cœur se briser en mille morceaux à l'annonce de ce verdict irrévocable.

Le secret de VénusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant