- Tu les vois ?
- Non. Et toi ?
- Non plus.
Je suis perchée dans un arbre avec une oreillette pour garder le lien avec Bryan qui planque plus loin dans un autre arbre pour avoir un autre angle sur le troupeau. Lex voulait m'accompagner, mais sa sœur l'a accaparé et c'est donc Bryan qui m'aide comme prévu.
Je chuchote pour faire le moins de bruit possible et lui demande :
- Léo était de mèche ?
- Oui, je lui ai demandé de faire diversion sinon Lex ne m'aurait pas laissé seul avec toi.
- Il ne te fait pas confiance ?
- Il veut surtout passer le plus de temps possible avec toi.
- Léo et toi ?
- J'y pense.
- Bien. Ne perds pas de temps.
- Et toi ?
Je soupire, je me doutais bien qu'il n'aurait pas oublié. J'ai peur des risques, pas pour moi, mais pour lui. Il me rassure.
- Laisses moi être juge du danger que tu penses que je vais courir.
Je remercie l'inventeur de l'oreillette car cela m'évite d'affronter le regard bien trop aiguisé du militaire. Je soupire avant d'ouvrir les vannes.
- Une amie m'a aidée à fuir, elle avait tout préparé pour ma sortie d'hôpital. Je consulte toutes les semaines le journal de mon ancienne ville. S'il bouge, elle mettra un message codé dans les petites annonces. Il y a un mois, j'ai réussi à lui envoyer une adresse mail par courrier pour pouvoir correspondre avec elle. On ne doit pas passer plus de dix minutes dans un cybercafé pour faire nos connexions. Elle ne sait pas où je suis, je lui mens au cas où nos échanges seraient interceptés. Elle m'a crée un compte bancaire de secours à son nom et m'a donné une pièce d'identité pour retirer. On s'est mise d'accord sur un jour dans la semaine pour cette transaction. Ce jour là, elle est en déplacement et paye tout en liquide. Comme son travail l'emmène dans pas mal d'états, mon retrait passera inaperçu.
Bryan émet un sifflement admiratif et constate.
- Belle organisation. Ton amie est douée.
- Je sais. Je n'enserrais pas là sans elle.
Elle me manque tellement. Des souvenirs me percutent de plein fouet et me prennent à la gorge. Le militaire me demande de me calmer en entendant ma respiration saccadée.
- J'ai tout perdu Bryan. Ma vie, mes amis, mon identité...
- Rectification, tu as encore des amis, celle qui t'aide et nous. Et tu as quelque chose en plus, des gens qui t'aiment.
Je souffle un bon coup afin de reprendre pied, je change de sujet et murmure :
- Ils arrivent, tu les vois ?
- Oui. Je prends le noir, j'ai un bon angle.
Je tire ma fléchette et fait mouche en même temps que mon partenaire. Les autres chevaux se sauvent en entendant la détonation. Les deux concernés n'iront pas loin car j'ai mis un calmant avec action instantanée. Je descends de mon perchoir et continue ma conversation. C'est plus simple sans avoir la personne en face de soi.
- J'adore Léo moi aussi, mais...
- Je te parle de Lex, ma jolie. Depuis que je le connais, il ne s'est jamais attaché à une femme.
- Pourquoi ?
- Il est rentré à l'armée à cause d'une femme qui l'a trompé et humilié. Sa confiance en la gente féminine était au plus bas. Tu es la première depuis.
Cette révélation me perturbe. Bryan me confirme l'idée farfelue qui me traverse.
- Je pense que vos âmes blessées avaient besoin d'être comprise par une consœur. Vous vous êtes soignés l'un l'autre.
Le militaire me rejoint pour prendre mon fusil et le ranger avec le sien dans le véhicule. J'ausculte les plaies des chevaux qui doivent se battre souvent avec les mâles du troupeau. Cet aparté apaise la douleur qui c'était logée dans ma poitrine. Bryan laisse libre court à sa curiosité et me questionne.
- Qui est-il ?
- C'était mon collègue.
- Tu faisais partie des forces de l'ordre ?
- Quelle drôle d'idée. Pourquoi tu me demandes ça ?
- Ton combat en corps à corps me faisait penser à leur formation.
Je ricane, il est vraiment bon dans ses observations. Il faut dire que mon bourreau a été à bonne école et que je m'en sortais grâce aux cours que j'ai pris en secret plusieurs mois avant de partir.
- J'ai appris auprès d'une femme flic qui aidait des femmes comme moi.
- Pourquoi ?
- Parce que mon collègue avait un professeur pour faire du mal sans laisser de trace et si par malheur il se loupait, ce dernier arrangeait la vérité.
- Fédéral, d'état ou municipale ?
- Fédéral. C'est pour ça que je n'ai passé aucune frontière.
- Tu as bien fais.
- Tu comprends maintenant ? Tu ne peux pas m'aider. En parler ne sert à rien. Tu devras faire l'ignorant pour ne pas être accusé de complicité pour un crime fédéral.
- Quel crime, Kenza.
- Désolée.
Je fixe un point derrière lui, deux hommes arrivent, ce sont ces amis. La séance confidence est terminée. Je ne peux pas me permettre de mettre plusieurs personnes en danger. Cela m'a fait du bien de parler, mais maintenant je vais avoir peur, peur pour lui. Je le supplie :
- Ne leur en parles pas.
- Seulement si tu le fais toi.
- Non. Je ne peux pas, déjà toi, je te mets en danger. Pas eux en plus.
- Si tu ne le fais pas je le ferai, je ne leur cacherai rien, Kenza. Ils veulent t'aider aussi.
- Il me détestera quand il saura tout. Je ne veux pas voir ça dans ses yeux, je me mets à genou devant toi pour te supplier si tu veux.
- Tu devrais lui faire confiance, Kenza.
- Je l'ai fait une fois...
- Lui aussi et pourtant il te donne une chance. Fais en autant.
Il me prend par l'épaule pour que je le regarde droit dans les yeux, ses mains sur mes épaules pèsent lourds, mais elles me montrent une nouvelle perspective que je n'aurais pas imaginé ou même rêver.
- On est pas tous des salops qui se trouvent grandis en frappant leurs femmes. Laisses lui une chance, il est parti en vrille le soir ou cet homme bourré a voulu lever la main sur toi. Le mec aurait fini à l'hôpital si je ne l'avais pas stoppé. Il cherche à te protéger. Penses-y.
Je valide sans un mot, je suis vidée, cette séance de confidence m'a épuisée corps et âme. J'ai besoin de dormir et de me vider la tête. Trop de souvenirs peu agréable et même cauchemardesque passent en boucle derrière mes yeux. J'ai besoin d'être seule aussi, j'espère que Lex comprendra.
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La Magie de l'Avant
RomansaLa cavale de l'héroïne longue de huit mois maintenant, pousse cette dernière à faire une pause pour les fête de fin d'année. Sa rencontre fortuite avec ses futurs hôtes va l'aider à trouver sa destination pour le mois à venir. Son séjour ne sera, hé...