Chapitre 4 : Jeunesse en détresse.

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Cette première journée semblait interminable. Faire un retour 17 ans en arrière était vraiment insoutenable psychologiquement. J'essayais au maximum d'éviter mes amis de l'époque. Il fallait avant tout que je me concentre sur moi-même, pour comprendre. Pourtant, un mal de crâne constant rendait ma cervelle embuée. C'était enfin la fin des cours. Cependant, cela ne me rassurait pas autant que je l'aurais souhaité : marcher un pas devant l'autre me remplissait un peu plus d'incertitude.

Marcher droit devant pour accélerer une chute. Ma chute. Un long vertige me parcourait l'échine tandis que le vent violent cet après-midi-là faisait pleurer mes yeux. Avoir la sensation de pouvoir changer sa vie en faisant revivre son passé. Cela me tétanisait. Qu'est-ce que je foutais là. Jamais je n'aurais dû suivre Damien dans son aventure stupide. Jamais je n'aurais dû insulter une voyante. Elle ne m'aurait probablement pas jeté ce maléfice. Est-ce que j'allais devenir fou ? Je n'étais même pas dans mon propre corps, enfin, celui auquel je m'étais habitué depuis des années. Cette sensation d'avancer dans le flou sans vraiment exister aux yeux du présent d'aujourd'hui... J'étais perdu. Je laissais mes jambes me guider. A ce train-là, elles savaient mieux que moi ce que je voulais.

Je regagnais ma « chambre » qui me semblait à la fois familière et inconnue. L'odeur qui y régnait me rendait nostalgique, mais je ne savais plus de quelle époque. Allongé sur le dos, je voyais Morty regarder la fenêtre. Mon regard à moi se perdait dans des souvenirs du futur, comme si ma mémoire était devenue virtuelle. Je réfléchissais toujours plus afin de me sortir de ce cauchemar... mais ma migraine et mes souvenirs enfumés de la voyante me coupèrent vite le souffle.

Ma mère et mon père ne trouvaient rien d'anormal, à part le fait que je parlais encore moins que d'habitude. Quand ils me le firent remarquer je faillis me mettre à pleurer. Je ne m'étais jamais réellement senti à ma place, mais lorsque l'on vous en impose une, de place, on avance au ralenti.

C'est une situation que tes proches ne peuvent plus comprendre. " A ma place "... Ma place préférée était celle sur un vieux canapé, aux côtés de Damien et de ses chats envahissants. Du moins, c'est celle qui me réchauffait le plus le coeur et mon corps de lâche. Ma grande sœur et mes parents déambulaient dans la maison. J'avais l'impression de jouer un rôle déterminé dans une maison de poupées, comme si on me faisait jouer de l'extérieur. J'aurais tellement aimé être une vraie poupée, et que pendant toutes ces semaines, une main me prenne et me guide dans ce monde en 2005. Dans cette maison où j'étais pour l'instant le jouet de la voyante.

Je ne dormais pas. Je mangeais le strict minimum. Je n'avais plus goût à rien. Quelqu'un me l'avait volé. A chaque fois que le ciel s'assombrissait pour laisser place à la nuit, j'espérais revoir les lampadaires s'allumer un à un comme à la fenêtre de Damien, mais rien ne s'éclairait.

Le ciel demeurait froid, et bleu à faire mal. Trop bleu. Trop glacé pour ne pas me faire songer au regard de quelqu'un. Chaque jour se ressemblait, et pourtant je devais me forcer à être indifférent. J'avais peur. Est-ce qu'un jour je retournerais d'où je viens, où plutôt de quand je viens ? L'incertitude valsait au rythme des aiguilles du temps.

Qu'est-ce que j'allais devenir bordel.

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