Chapitre 5 : - Restart the GAME ? -

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Si le temps ici bas se comptait à la même allure de là d'où je viens, alors on pouvait dire que ça faisait une semaine que j'étais là. J'ai l'impression d'avoir passé une année entière perdu dans les abysses. Chaque jour qui suivait était un peu plus irréel, m'enfonçait dans un rêve hypocrite proche du cauchemar. Sans vérité, j'étais déconnecté de tout. A quoi servait toutes mes actions, hein ? A continuer le passé, à réviser le futur, ou à tester mon présent ? Plus rien ne servait à quoique ce soit. Perdu dans les époques, je ne savais plus si je devais attendre pour vivre ou courir pour mourir. Même si en ce moment, la mort commençait à consumer mon coeur et mes poumons. J'étais en affreux manque d'oxygène, je pouvais à peine respirer parce qu'en plus, PARCE QU'EN PLUS... Damien me manquait. C'était mon repère en toutes circonstances. Même quand je savais pas ce que je branlais, en le voyant, mon vrai moi s'exprimait. D'accord, à coup d'insultes, mais c'est ironique tout ça. Je tiens tellement à lui. Voilà qu'on me l'avait arraché parce que je l'avais suivi une fois de plus dans ses idées foireuses. Mes migraines étaient insupportables... Les remords hurlaient en continu dans mon crâne tout entier.

Le pire c'est que j'avais encore moins de pouvoir sur mon avenir qu'avant. Là, j'étais enfermé dans un corps de gamin. J'avais moins de droits, moins de libertés. Et mes maigres plans pour revenir au lieu de l'incident "futuriste" s'étaient soldés par des échecs : j'avais toujours mes parents sur le dos. Prisonnier du corps et du temps, je crois qu'on ne pouvait pas faire mieux. La voyante avait tout planifié. Quelle conne. Je lui ai rien demandé moi. Quel con... Je suis condamné à vieillir à l'intérieur d'un monde qui a pourrit en moi il y a des années c'est ça ? Putain de vie de merde, qu'est-ce que je t'ai fait pour être aussi torturé.

Je n'ai jamais été aussi seul de ma vie. Personne ne me croit. Personne ne m'aide. Et mes connaissances de l'époque s'éloignent de moi parce que je ne suis plus celui qu'ils ont connu. Je n'ai pas le sourire. De toute façon, mes anciens potes étaient surtout là pour se taper des barres. C'était pas vraiment le genre à créer des liens et à te prêter leur oreille pour tes problèmes. Damien était vraiment l'exception. J'en reviens toujours à lui. A croire qu'il avait tressé toutes les synapses de mon cerveau ensemble pour former la lettre D. J'avais comme l'impression que cette corde de neurones sentimentale se nouait un peu plus autour de ma gorge pour me forcer à pleurer. Mais je m'y refusai. Ca avait déjà été ma principale activité ces sept derniers jours. Pleurer pour trouver des solutions, pleurer pour me prouver que j'étais bien vivant. Pleurer pour ne pas devenir fou. Abattu et à deux doigts de tomber genoux à terre, je décidai de faire le rangement de tout le bordel présent dans ma chambre. Ces objets qui étaient revenus dans l'espace temps pour me narguer m'insupportaient. Une cassette ridicule qu'une fille m'avait donnée en cinquième traînait par terre. Bordel de merde, les gens servaient vraiment à rien dans ce monde. Comme un malade désespéré, je pris ce truc insignifiant et le balançai sur mon bureau. Il heurta l'ordinateur.

* BIP *

Je sursautai. Je me retournai pour voir d'où venait le bruit. L'écran de mon ordinateur préhistorique s'était allumé ?? Surpris, je ravalai mes larmes un instant. Une vague compassion s'installa, à l'égard d'un vieux pote à tête carré avec son clavier de trois mètres de long. Mon Windows XP Lite. Un radeau de souvenirs me rappela ma passion. Le stream, les jeux vidéos. Merde alors. Il marchait encore ce con. Intrigué, je me mis à faire danser mes doigts sur ces grosses touches. Je souris quand je m'aperçus que les pixels étaient en nombre limité, beaucoup trop visibles. Minecraft dans la vraie vie le truc.

Lentement s'éleva au fond de moi une envolée rassurante. Chaleureuse même. Qui me chuchota : ''Tu es chez toi, Thomas''.

Ce sentiment qui m'avait semblé inatteignable en une semaine venait de se déclarer avec un putain d'ordinateur. Je riai à cette pensée. C'est officiel : peu importe les époques, Laink restera un gros geek sa mère. Fasciné, je pris le temps de m'asseoir et cliquai avec excitation sur mes jeux de l'époque. C'était vraiment incroyable. Dire que ces bons moments étaient à nouveau à portée de main !

Dans ma jeunesse, les jeux vidéos avaient vraiment été un refuge pour ma petite (très petite) personne introvertie et incomprise par tout le monde. Moi, j'étais simplement heureux. Mon unique mission était de maintenir en vie un protagoniste, avec un temps imparti ou un nombre de batailles limitées. Je me perdais dans cet univers tellement plaisant, tellement addictif. Et dieu que j'aimais ça. Mon coeur commença à papilloner de bonheur. J'avais vraiment trouvé ma voie.

Je ne vis pas passer les heures, collé à cet endroit réconfortant qui me serait toujours familier.

Les yeux brûlants, l'adrénaline de mes jeux cognant encore dans mes tempes, je m'affalai dans mon lit.

Il faisait nuit.

Je ne voulais pas regarder l'heure.

Aujourd'hui, c'était moi qui avait nargué le temps.

{ Terraink } - Notre Conquête IntemporelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant