Chapitre 10 : L'érudit samedi

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Enfin.

Enfin il était là. Après tant de semaines, de larmes et de désespoir, il était enfin là.

Je ne comptais plus les couchers de lune, les levers de conseils, le sommeil des lacunes et les douleurs vermeilles. Je ne les comptais plus parce que c'était sur lui que je comptais. J'avais toujours compté sur lui. Lui. Sa tête de jeunot benêt se tournait à droite et à gauche après avoir appuyé sur ma sonnette. Depuis combien de temps n'avais-je pas eu envie de mourir de rire à cause de ses expressions farfelues ? J'avais envie de glousser comme un enfant le plus fort possible. Sans doute que mon inconscient voulait s'élever tout là-haut, voulait se disperser dans l'espace tout entier : l'espace-temps et l'espace lacté ; pour narguer la voyante qui avait cru piéger une relation gravée dans l'intemporel. Je devais retenir mes larmes de soulagement pour le moment : il ne devait pas me trouver bizarre dès notre première rencontre (ou deuxième-) !

 Il fallait que je ménage tout ça (une fois de plus). Mais si c'était pour Damien, pour nous, alors je pourrais bien franchir ce niveau dans ce jeu incertain. 

Je pris une grande inspiration. 

Ma peau bouillante se heurta à la poignée glacée de la porte d'entrée. 

Je relevai la tête.

Déterminé. 

J'ouvris la porte, et les couleurs, les teintes du jardin se découpèrent petit à petit par cette ouverture.

Ouverture sur le tableau le plus merveilleux qu'il ne m'avait jamais été donné d'admirer.

Damien...




* BIP BIP BIP *

Bordel, c'est quoi cette cacophonie ? Il me semblait pas que ma sonnette faisait ce bruit immonde ! De surprise, j'ouvris plus grand mes yeux pour tenter de mieux comprendre la source de ce drame, et un rayon blanc m'aveugla. Je grimaça de douleur et tenta de me rattraper à un objet pour mieux comprendre où j'étais. C'était étrangement doux et chaud et je... Oh non. J'étais sur un oreiller. C'est pas possible, mais c'est pas possible merde ! Putain, mais pourquoi dès que quelque chose semble bien fonctionner c'était forcément irréel !!? 

Ca me soulait tellement. Mon moi du rêve avait l'air bien plus courageux que mon moi dans cette couette. Repenser simplement à cette poignée de porte me terrifiait. Tout allait être si décisif... Mon regard sec observa les aiguilles du réveil, et je réalisai qu'il ne restait que deux heures avant qu'il n'arrive véritablement. Comment avais-je pu autant dormir ? Le stress ? L'excitation ? Un coup salaud de la voyante à la dernière minute ? Et puis merde, on s'en fout. Il fallait que je me dépêche de ranger ma maison pour avoir l'air présentable, disposer nos jeux préférés bien en évidence, relire nos anciennes conversations pour pouvoir faire référence à nos blagues "nouvelles"... Je n'aurais jamais pensé que de simples parties de jeu vidéo avec un pote en 2005 se transformerait en un plan précis. Si ma vie était un roman, certains abrutis diraient sûrement que je suis idiot de mettre autant d'énergie pour retrouver une ambiance, un désir de jouer aux jeux vidéos avec quelqu'un en particulier. Mais même si je suis moi-même un abruti, je sais que moi, c'est tout ce j'ai. Un désir, une passion et une personne. Une âme soeur sans game over. Ma vie battait pour lui et mon coeur se rythmait avec celle-ci. 

Les souvenirs de nos moments passés ensemble en tant qu'adultes fleurissaient à nouveau dans mon cerveau. Et à chaque mémoire ravivée, mon pouls s'accéléra un peu plus. La pression était si forte, la passion aussi. Je m'efforçais de ne pas trop trembler tout en rangeant des babioles inutiles. Une envie de vomir monta et j'avais des difficultés à respirer correctement. Il fallait que je me calme. Ne pas lui montrer que tout ça m'affectait à ce point. 

La disposition des canapés et des manettes de jeux me convenait à peu près. Je pus enfin souffler un coup. Il était 16h47. J'avais bien géré mon timing. Soudain, une silhouette apparut au coin du salon. Je sursauta. J'eus un hoquet inattendu. J'allais dire un ''salut'' automatique avant de m'apercevoir que ce n'était que mon reflet dans un miroir. Comment peut-on être aussi tendu et aussi con ? Un peu rassuré tout de même que Terracid n'ait pas pénétré illégalement dans ma maison, je m'approchai du miroir. Un peu à la hâte, je tentai de fixer des mèches rebelles qui étaient à la limite du frisé. J'avais vraiment l'air d'un gamin avec une tête aussi bouclée. Quelle honte. 

J'allumai mon vieux PC pour qu'il soit prêt à l'usage et qu'il n'ait pas la bonne idée de faire des mises à jour au moment où Terra arrivait. Je me connectai sur notre serveur, au cas où il voulait me prévenir d'un retard, ou pire, d'un empêchement.

* DING DONNNG*

HAA ! C'ETAIT LUI ! MON DIEU ! QU'EST-CE QUE JE FAIS ? EST CE JE SUIS PRET ? OHLALALALA

Complètement paniqué, je sautai sur mes pieds comme si j'avais été frappé par la foudre, couru vers la porte d'entrée et me pris les  pieds dans un tapis. Je m'écrasai lamentablement contre le sol. Mon menton se cogna violemment contre le carrelage, et une douleur aigüe m'envahit la bouche. Oh putain de merde, mais pourquoi RIEN ne se passait JAMAIS comme PREVU ???

COMME SI CE N'ETAIT PAS ASSEZ compliqué !!! 

Je voulus me relever, difficilement, et c'est là que je le vis. Du sol, je pouvais très bien le voir sous le rideau d'une des fenêtres. Le souffle coupé par la souffrance et l'inattendu, mon regard se focalisa sur lui. Oui je le voyais parfaitement. Je vis une personne avec le bob Pastis 51. 







Mais ce n'était pas Terracid. 

*TULULUT*

Mon PC portable afficha un message. Complètement désemparé par ce que je venais de voir,  je lus difficilement les quelques mots qui s'affichaient sur mon écran. Je cliquai malgré tout sur la notification.


- @DarkLink77, vous avez un nouvel ami ! -

=> accepter la demande

=x refuser la demande

from : @dami_le_boss

to : DarkLink77


Hein ? Qu'est-ce que c'était que ce bordel ? Il  avait créé un deuxième compte ? Il s'était peut être fait hacker ???


=> accepter la demande

- @DarkLink77, vous avez 4 nouveaux messages de @dami_le_boss ! -


- CHAT STARTED -


@dami_le_boss : THOMAS !!!

@dami_le_boss : Thomas c'est moi Damien

@dami_le_boss : Il faut vraiment qu'on parle 

@dami_le_boss : Accepte-moi, c'est urgent ! 


De plus en plus inquiet par l'homme inconnu qui se trouvait devant chez moi et des messages pressés de mon ami, je me hâtai de répondre :

@DarkLink77 : OUI ?

@dami_le_boss : Thomas c'est bien toi ???

@DarkLink77 : Oui, qu'est-ce qui se passe ? 

Aucune réponse.

@DarkLink77 : Damien, si c'est une blague c'est pas drôle. Y a quelqu'un avec ton bob devant chez moi, je le connais pas. D'ailleurs pourquoi t'as changé de compte ?

 @dami_le_boss : Thomas, écoute-moi s'il te plaît. N'ouvre surtout pas la porte.







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