Dans la tête de Damien (enfin !) :
J'étais heureux de pouvoir souffler un coup après cette aventure des plus étrange. Rien ne pourrait m'étonner maintenant. Changer d'époque et retomber dans l'impuissance de sa jeunesse, devoir trouver des combines et des solutions pour en sortir tout en s'assurant que son ami aille bien. C'était tellement de responsabilités pour un casanier carthésien comme moi. Avoir vécu à nouveau cette journée-clé dans notre vie avait été magique. La joie de retrouver Thomas avait effacé tous mes doutes. Il était en un seul morceau, et moi j'étais toujours bien vivant. Pourtant, je commençai à me rendre compte à quel point ça avait été difficile. Prendre conscience de tous ces choix que j'ai dû faire pour qu'on s'en sorte avait été éreintant. Les premiers jours replongés dans mon adolescence avaient été insupportables. Je ne comprenais pas ce que j'étais supposé faire pour me sortir de ce cauchemar. Ces foutues contractions dans les valves de mon coeur avaient failli m'avoir à l'usure. Comme si la fleur qui grandissait dans ce coeur depuis plusieurs années s'était transformée, et que ses épines me transperçaient, encore et encore. Ces épines grandissaient si vite. A tel point qu'on ne voit, qu'on n'entend, qu'on ne sent plus qu'elles, et que les pétales n'existent plus. A ce moment-là, il m'arrivait de tomber sur le sol de douleur. Ou de fatigue. De ce fait, je ne savais même pas. Mes yeux vides et clairs absorbaient n'importe quelle forme d'ombre en défiant le plafond du regard. Comme une feuille blanche qui avait besoin d'être quelque peu remplie d'ornements foncés. Les ornements dansent, hypnotiques, et prennent possession de votre corps et de vos moyens. Oui. Dans cette aventure, je pense que j'avais découvert une face plus sombre de moi-même. C'était ça qu'on appelait un chagrin de coeur ? Mais chagrin de quoi au juste ? D'amitié ? Ce qui était sûr, c'est que j'avais peur de ne jamais le revoir. J'avais tellement mal. Je savais que ce que je ressentais ne pourrait rentrer dans aucune catégorie de maladie. Peut être "nostalgie temporelle du coeur brisé", à la limite. Mais je souffrais d'un mal qui n'existait pas aux yeux des autres ; les gens normaux. Les gens dédaigneux. Si j'avais su que j'allais le revoir avec deux trois techniques de hacker et un peu de jugeote... Je m'aurais peut être évité tout ce mal. Je commençai à croire que ça allait me tuer. Thomas avait l'air d'avoir mieux vécu cette période-choc de notre existence, par rapport à moi.
Si il y a quelques instants Thomas observait avec envie le soleil couchant, je ne voyais moi à présent que l'apparition d'une nuit charbonnée, coloriée par une peur passée. Je bus une gorgée de ma bière, espérant rosir mes pensées tout en noyant mes angoisses cachées.
- Alors ? lui demandai-je pour me rassurer, et en me forçant à sourire pour ne pas paraître suspect.
Il souria. Il souria si sereinement. J'eus envie de me laisse aller à la rencontre physique de ce sourire. Aussi me rendis-je compte que l'alcool me montait toujours très vite à la tête. Mais à quoi je pense, moi. Pour toute réponse et pour contrer mon désir mal placé, il tendit sa bouteille entre nous deux.
- Bah, welcome home Damien.
Je cachai ma déception. La réponse attendue à ma question aurait été qu'il me raconte comment lui, de son côté, avait survécu entre la solitude et l'amitié avec @ THEBOSS. Il avait été assez silencieux sur le sujet. Mais tant pis, j'aurai toujours l'occasion de lui demander à un autre moment. Et puis, sa réponse personelle me semblait propice au fameux... Coucher de soleil.
On trinqua.
- On se lâche plus maintenant, mon gars, risquai-je de dire en m'allongeant complètement sur l'herbe fraîche.
- Pourquoi je te lâcherai ? dit Laink en riant et en imitant ma position.
- Si tu trouves un ami plus petit, ce sera facile de me remplacer. C'est plus facile pour parler, t'auras pas à allonger le cou.
- T'es abonné à l'humour sur commande toi, dis donc.
- Toujours, répliquai-je du tac-au-tac. Je me sentis sourire malgré moi et mes yeux se fermèrent.
Une bouffée d'adrénaline se libéra, et je continuai sur ma lancée.
- C'est pour ça que tu m'aimes, non.
C'était plus une affirmation qu'une question. Il fallait que j'étudie les intonations de sa voix lors de sa réponse. Il fallait que je prête attention au moindre détail, au moindre mensonge, et comme ses yeux pourraient me déconcentrer, il fallait que je ferme les yeux. Il fallait que je sache si ce que j'avais deviné chez la voyante était vrai. Il fallait aussi que j'arrive à analyser ce que je ressentais moi au moment de sa réponse. Putain. L'amour est si dur à distinguer d'une amitié sincère et forte.
Le silence dura encore quelque temps.
Lorsqu'un mouvement extérieur dans mes cheveux brisa la tranquillité du moment. Je rouvris les yeux, tous mes sens en alerte. Et je vis Laink qui posait sa main sur ma tête. Il avait l'air de la caresser doucement. J'inspirai à fond, je n'y croyais pas. Mon coeur battait à tout rompre, mais pitié, tout rompre, sauf avec lui. Pendant ce moment planant, il ne me regardait pas, à mon grand regret. Il regardait le ciel. C'était moi qui avait voulu stopper le contact visuel, mais j'étais tout de même vexé qu'il ne me regarde pas dans un moment aussi intime.
- Wouah, c'est impressionnant à quel point les feuilles s'accrochent à tes cheveux.
Il ressortit sa main de ma chevelure, et j'y découvris une pleine poignée de feuilles d'automne. Et merde. Qu'est-ce que je m'imaginais, une fois de plus. Une déception aveugle germa de nouveau dans mon coeur. Je décidai de m'allumer une clope pour décompresser. Je remarquai Thomas en arrière-plan m'observer avec envie.
- Je peux prendre une taffe ?
Je tirais une bouffée de ma cigarette, et comme je n'avais pas d'autre feuille, je n'avais pas d'autre choix que de partager avec lui. Je lui tendis le souffle de liberté contenu dans le papier transparent. Mon ami s'approcha lentement de moi. Il était maintenant très proche. Mon coeur se dédouana de ses récentes épines pour jouer la fanfare de sa vie. Laink ferma les yeux pour prendre "une taffe", comme il disait. Il attrapa la cigarette directement avec ses lèvres, sa bouche n'étant plus qu'à quelques centimètres de ma propre main. Ses lèvres effleurèrent le dessus de ma peau. Un lent frisson sembla danser du cou jusqu'à mon dos. Ma tête fut prise d'un sursaut. Les connexions d'endorphine dans mon cerveau semblèrent toutes s'enclencher pour diriger cette mélopée électrique. D'où me venait ce moment de déjà-vu ? Un moment heureux, comme amoureux, mais amer par des peurs d'avant ? Une nostalgie ingrate, mais cruellement belle. Je fus surpris. Ce n'était pas anodin que Thomas soit aussi démonstratif et... Sans gêne ? J'étais un peu perdu, jusqu'à ce qu'il relève ses cils vers moi en disant :
- Merci.
Ses boucles abondantes voletèrent en même temps que mes papillons dans le ventre.
A cet instant précis, j'avais l'impression d'être le monde entier à ces yeux.
Soudain, la nuit noire tomba comme une porte qui claque trop fort. Trop fort, comme le battement irrégulier de mon coeur. Laink disparut. D'un seul coup. Une fleur immensément grande et d'un blanc éclatant prit sa place. Son parfum puissant me donna la nausée. Les images de mon crâne déformé s'enroulèrent autour des feuilles empoisonnées de la plante. Le cri déchirant de Thomas dans la jungle du temps me poignarda. Plus la fleur poussait, plus le poignard invisible se poussa plus profondément dans ma chair. Des larmes silencieuses trouèrent mes joues fatiguées par l'horreur d'une malédiction imposée. J'avais tué Thomas. Je l'avais tué. Un vent glacé m'étrangla contre la tige de ce monstre végétal. C'était moi.
Ce monstre de pétales.

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{ Terraink } - Notre Conquête Intemporelle
FanfictionLaink et Terracid sont victimes d'une malédiction. Ils sont trimballés dans un voyage temporel incontrôlable. Et même si ils sont conscients que leurs liens sont indestructibles, nous ne pouvons pas toujours empêcher les grains du sablier de s'écoul...