La dette de mon père

Chapitre 20

Le lendemain, lorsque les deux hommes furent partit. Esmeralda sortit son journal.

« Cette nuit a été la pire de toutes celles que j'ai passé au club, j'ai dû me parfaire pour satisfaire deux hommes. Le dégoût , la colère , la haine se sont emparé de mon être. Que puis-je faire si la vie de ma sœur est en péril ? Quelqu'un qui ne se trouve pas à ma place pourrait-il comprendre ?
Ce n'est pas ma vie qui est en jeu mais celle d'un être innocent !

Durant ces six mois j'ai eu affaire à tous types d'hommes, ceux qui avaient leur problème de couple, une femme qui les trompait, ou qui leur menait la vie dure , ou qui ne pouvait plus satisfaire leur désir. Ceux qui avaient des problèmes dans leur travail, avec leur copines, leurs enfants et venaient noyer leur chagrin dans un lit avec une ... prostituée... car c'est ce qu'elle était , une PROSTITUÉE, qui était obligée d'être une épaule pour ces hommes d'affaires, ces diasporas qu'on appelaient clients VIP. Ceux qui voulaient expérimenter ou qui avaient des envies de sadomasochisme.

Elle n'avait aucun droit de poser de questions sur leur vie privée ou de leur dire non lorsqu'ils ordonnent une chose.

J'ai le sentiment que cette dette n'aboutira jamais, quoi que je fasse, je vais certainement être l'esclave du lion toute ma vie, jusqu'à ce que je ne lui serve plus à rien et que ma petite sœur... prenne la relève... j'ai du mal à écrire ces mots... il me dit que je dois quitter la maison... pour aller où ?
Je n'ai plus de force pour me battre... les jours et les nuits ne cessent de se confondre..

Elle avait tant maigri et était devenue laide sans plus aucune charme, elle n'avait aucun courage de se regarder dans un miroir, tel était son destin... son châtiment était de ne pas pouvoir mourir tout de suite .

Dans l'après-midi un homme est venu s'assurer qu'elle parte de la maison, comme le lui a ordonné le lion, elle n'eut pas le droit de toucher à quoi que ce soit mis à part son journal qu'elle cacha sous son pull.

L'un des garçons qui avait participé au braquage de la bijouterie lui offrit de l'héberger un certain temps. Il insista tellement qu'Esmeralda se résigna à accepter, après tout elle n'avait pas le choix. Celui-ci était de grande taille 1m75 à peu près, il avait les cheveux Afro court, la peau mate, des yeux bruns ornés de longs cils, Esmeralda de rendit compte qu'il était assez craquant.

Il l'a fit rentrée à l'intérieur, une petite maison décrépie avec deux pièces.

- Ne t'en fais pas, je dormirais sur le sofa et toi dans la chambre... tu n'as pas à avoir peur de moi, mon nom c'est Christopher.

- Je... je n'ai pas peur de toi. Répondit celle ci timidement. Les larmes prêtes à jaillir. En fait tu n'as pas idée de ce que tu viens de faire pour moi, j'ignore comment j'aurais fait dans la rue... seule...

- Tu es très jolie, je regrette vraiment que tu aies été la proie du lion... cet homme est un monstre.

- Ma petite sœur. Lâcha t-elle ne sachant plus quoi dire ou quoi penser.

- Je suis désolé, j'espère que tout s'arrangera pour toi bien que ce sera difficile parce que quand il met la patte sur quelqu'un il ne lâchera pas tant qu'il n'en finira pas avec...

Se rendant compte qu'il en a trop dit, il s'arrêta et lui offrit du thé qu'elle accepta volontiers.

« Les optimistes racontent que la vie est une ribambelle de bonnes et de mauvaises choses. De bons et de mauvais moments.
Et les pessimistes, que racontent t-ils ?
Que Les bonnes choses ne sont certainement que pour une catégorie de gens. Ceux qui sont nés d'une bonne étoile, ceux qui ont eu de la chance ?
Esmeralda ne savait plus de quel côté se ranger, du côté des optimistes ou des pessimistes ? La vie elle même se chargeait de la placer du coté des pessimistes. Elle n'avait même plus de force, elle n'était certainement pas assez courageuse pour vaincre ce destin qui s'acharnait à la suivre. Et ceux qui disent qu'on choisi son propre chemin ? À quoi pensent-ils donc ? Dans ce dilemme qu'est devenu mon existence ai-je le pouvoir de choisir quoi que ce soit ? Ai-je le pouvoir de changer quoi que ce soit ? Ai-je le choix? Se questionna t-elle sans cesser d'écrire dans son journal.

Sa plume et ces bout de papiers représentaient tout ce qu'elle possédait à cet instant , tout ce qu'elle était incapable de crier sur les toits elle l'inscrivait sur ses quelques papiers.

Peut-être qu'un beau jour , lorsque le soleil se lèvera enfin, lorsqu'elle verra finalement la lumière au bout du tunnel elle pourrait écrire un livre grâce à ce journal qui entretenait toute sa vie, toutes ses colères , ses larmes , ses appréhensions. Peut-être ce jour là pourrait-elle partager son histoire au monde entier.

Elle n'avait pas du tout peur de dormir dans cette petite maison en compagnie de ce garçon , qui avait peut-être deux années de plus qu'elle. Un avenir de plus gâché, il avait bon cœur, et n'oublierait pas ce geste. Demain de très tôt, elle irait voir le lion et demander des nouvelles de Mony.

Se rappelant de quelques instants passés autrefois en famille , avec Corine.
Dieu qu'elle aimerait revenir à ces époques où toutes ces préoccupations n'étaient que les résultats de ces examens à l'école et avec Corine, de séduire quelques garçons qu'elles trouvaient craquants . Elle aurait préférée ne pas avoir grandi , ce sentiment qu'elle avait que ces moments de bonheurs, d'épanouissements ne viendraient plus jamais frappés à sa porte. Les derniers moments qui lui restaient sur cette terre n'était voués qu'à sauver sa petite sœur .

Si Corine l'entendait parler , elle lui flanquerait une de ces claques en lui disant « Comment peux tu dire des âneries pareilles ? Il nous reste tant de belles choses à vivre ensemble ! »
Mais Esmeralda n'y croyait plus. Son destin était peut-être de se laisser mourir à petit feu comme sa maman.

« Stop avec ces bêtises ! » se reprocha t-elle avant de plonger dans un long sommeil.