Chapitre 31 : Hypocrisie

1.2K 176 29
                                    

Nous étions en plein été. Le soleil était au rendez-vous, même dans cette région pluvieuse au nord de la France. Les nuages gris de l'hiver avaient laissé place à un beau ciel bleu, malgré l'humidité ambiante. 

Je pris une grande inspiration. Je ne pensais pas retourner dans mon village natal de cette manière. Le métal froid des clés contre ma paume, j'arpentais les rues. Caligo sur mon dos, et un simple sac de voyage à l'épaule, je contemplais les rues familières avec nostalgie. 

Ma mère n'était pas retournée dans la maison depuis un moment, enchaînant les missions de façon frénétique. Je supposais que c'était une manière de gérer la situation. Ou bien cela lui avait manqué pendant des années, car elle s'efforçait de rester avec moi. Peut-être maintenant que j'étais grande, elle voulait reprendre son travail sérieusement. 

Cela me comprima le cœur d'imaginer ma présence comme un boulet. Ou bien cherchait-elle à s'éloigner de sa fille Mutante. Je n'avais pas envie de lui poser la question. Je ruminais sans cesse ces derniers jours, avec l''impression étouffante d'être empêtrée dans un sombre tourbillon négatif.

Mes vieilles habitudes reprenant rapidement le dessus, je coupais par une petite ruelle. J'atterris devant le portail vert délavé. Les herbes folles avaient envahies le jardin. Les fenêtres étaient barrées de planches. J'eus un pincement au cœur. Ma mère n'avait pas souhaité la vendre, pourtant la baraque semblait abandonnée. Elle savait que je voudrais sûrement y retourner. 

Je me demandais à nouveau si c'était une bonne idée. Après la mission de récupération de Gale, j'avais eu besoin de prendre l'air. Du recul. La scène où Adam tuait cet homme revenait sans cesse dans ma mémoire. Le moment où je transperçais ce garde de part et d'autre. Et Gale tombant au sol de cette manière... Je secouais ma tête. 

Ma panique et ma culpabilité commençait à remonter. Ce n'était pas le moment de songer à ça. Je passais le portail, qui protesta en grinçant quand je l'ouvris. J'eus quelques difficultés à cause des mauvaises herbes déchaînées. J'insérais la clé dans la serrure, avant de devoir là aussi forcer pour ouvrir. L'odeur familière ramena nombre de souvenirs. 

Chaque meuble était à sa place. Rien n'avait bougé. Seule la pellicule de poussière indiquait que personne n'occupait la maison depuis un moment. Je songeais que nous avions eu de la chance de ne pas avoir de squatteurs.

Les bureaux jumeaux, sur lesquels des inscriptions trônaient avant, n'étaient plus là. A l'époque, j'y avais trouvé le manuscrit. Cadeaux de mon père, ma mère avait tenu à apporter les bureaux à Light. Mes doigts caressèrent le vieux canapé rêche, et devinrent gris. Il y avait encore pas mal d'ustensiles dans le coin. 

J'activais la gazinière, et constatais avec mélancolie qu'elle fonctionnait encore. Plat prévu : pâtes évidemment ! Je déposai mon sac, et ouvris les rideaux. La lumière fournit immédiatement une ambiance plus accueillante. 

Je grimpais les escaliers, légèrement soucieuse des marches grinçantes. Mon pied pouvait-il passer au travers ? Avec toute la technologie de Light à laquelle j'étais désormais habituée, je trouvais ma maison vieillotte. Je passais d'abord dans ma chambre. 

Les murs encore tapissés de mes dessins, elle était toujours identique. Il y avait juste quelques bibelots en moins, ceux qui me tenaient à cœur. Je fis une liste mentale du matériel de première nécessité à racheter. Je refermais la porte de ma chambre, remontant le couloir. 

J'hésitais quelques temps. Puis je finis par pénétrer dans le bureau de ma mère. Je me rappelais du jour où nous avions cherché des décorations d'anniversaire, avec Lucy. J'avais décroché une latte, et découvert de l'argent et des faux papiers. Je refis la même chose, pour constater que la boîte à bijou était toujours en place. Tout comme l'argent. Ma mère l'avait-elle laissée ici exprès ? 

Mutante - Tome 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant