1 - A travers le miroir

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Ophélie l'avait enfin trouvé. Un miroir ancien qui datait d'avant la déchirure. Un miroir qui, l'espérait-elle, lui permettrait enfin d'atteindre l'endroit où elle voulait – devait - se rendre. L'espoir s'insuffla en elle comme une flamme, alors qu'elle observait son reflet, celui d'une petite femme à boucles brunes et lunettes rectangulaires, affublée de son éternelle écharpe tricolore et d'une maladresse épouvantable. Un aimant à catastrophe aurait-il dit ...

Silencieusement, elle fit le vide en elle, se concentra sur son but, et passa toute entière dans le miroir.

L'entre-deux, la zone qui se situe entre tous les miroirs. Au prix d'un effort considérable, elle força son corps à ne pas se diriger vers un autre miroir, mais à chercher l'Envers. Ce monde à l'opposé du sien, où celui qu'elle cherchait depuis si longtemps l'attendait.

Son pouvoir de passe-miroir la guida et, enfin, après tant de temps et de tentatives ratées, elle glissa de l'autre côté.


Ophélie sut qu'elle avait atteint son but quand elle vit la couleur vert-de-gris qu'avait pris sa peau. Un monde en négatif. Il ne restait plus à Ophélie qu'à retrouver celui qu'elle était venue chercher.

Son esprit et son corps se remplirent de la même détermination dont lui avait si souvent fait preuve autrefois. Une seule idée, se transformer en une boussole qui la mènerait jusqu'à lui.

Ophélie déambula longtemps dans les formes brumeuses et indéfinies, sans jamais perdre de vue son objectif, s'attardant sur chaque silhouette qu'elle croisait, et elles n'étaient pas nombreuses depuis le retour des terres inversées et de leurs habitants dans la réalité. Il ne restait que les victimes de la Corne d'abondance qui déambulaient sans but dans les bâtiments vides qui se reflétaient de l'Endroit. En espérant que l'Autre, qu'elle avait contribué à renvoyer dans son monde inversé, n'y rodait plus.


Elle ne savait plus depuis combien de temps elle marchait à travers l'Envers, le temps était une donnée non quantifiable dans cet univers étrange. Ophélie pensa avec un demi sourire que cela devait l'exaspérer, lui qui était tant obsédé par les chiffres et les faits.

Ophélie continuait de marcher, comme mue par un instinct qui lui disait quelle direction prendre, espérant – sentant – que chaque pas la rapprochait de lui. Elle capta subitement du coin de l'œil une forme familière. Une grande ombre filiforme et osseuse se tenait debout dans la brume, le regard baissé sur un petit objet qu'elle tenait dans une main.

Une immense bouffée d'espoir s'engouffra en Ophélie, son cœur stoppa soudainement de battre, et ne reprit son rythme que lorsque la silhouette s'approcha assez pour qu'elle fut sûre de l'avoir reconnue.

Un grand escogriffe pareil, il ne pouvait pas y en avoir deux. Elle l'avait retrouvé.

La passe-miroir : conclusion (alternative)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant