22 - La discussion

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Les parents d'Ophélie attendaient au salon, entourés d'Hector, de la tante et du grand-oncle. La maison tremblait de l'impatience et de la contrariété contagieuse du groupe d'Animistes. Quand le couple entra, tous les regards se tournèrent vers eux. Le parrain et la marraine leurs souriaient, le père esquissa un geste de soutien et la mère bouillait de colère contenue. Hector était circonspect, le regard empli de questions qu'il n'osait pas poser. Ophélie et Thorn s'assirent sur le canapé face à eux et côte à côte.

- J'ai beaucoup à vous dire, aussi j'aimerais ne pas être interrompue, déclara Ophélie en regardant sa mère dans les yeux.

Cette dernière ne répondit pas et croisa les bras sur sa large poitrine d'un geste rageur. Sentant la présence rassurante de Thorn près d'elle, Ophélie commença son long récit.

Elle décrivit ses nombreuses tentatives et recherches pour atteindre l'Envers au fil des années, et le jour où, quelques semaines plus tôt, elle avait fini par réussir à retrouver et ramener son mari. Elle leur montra ses mains, complètes, et expliqua qu'il avait sacrifié sa propre jambe pour sauver ses doigts. Elle passa à leur séjour au Pôle et la joie partagée avec Berenilde, Victoire et Roseline. Vint alors la question du procès. Elle insista sur la volonté de Thorn de se confronter à la justice et d'affronter ses actes, puis sur le verdict d'innocence qui avait été délivré par Farouk. Quand elle parla de l'annulation du mariage, l'incompréhension s'afficha sur le visage de ses proches.

- Mais alors qu'est-ce qu'il fiche là, nom d'une soupière ! S'exclama la mère d'Ophélie.

- Maman, laissez moi vous expliquer.

- Si tu crois que je vais te laisser inviter sous notre toit cet étranger maintenant que vous n'êtes plus mariés, continua la matriache d'un ton excédé.

Roseline voulut intervenir.

- Calme toi, Sophie, laisse ta fille parler.

La colère fit prendre à la figure de l'Animiste la même teinte rouge que sa toilette. Elle allait exploser quand Thorn prit la parole.

- Je suis là parce que je tiens à votre fille, tonna-t-il d'une voix glaciale, et parce que nous allons nous remarier.

Se tournant vers Ophélie, il ajouta moins durement.

- Je suis désolé, je t'avais promis.

Ophélie lui sourit et serra son genou d'une main en guise de remerciement silencieux. Plus personne ne parlait, ébahi par la déclaration du grand balafré.

- Je voulais donc vous annoncer que Thorn et moi sommes à nouveau fiancés. Et comme vous l'aurez compris, c'est un choix partagé cette fois-ci.

Le grand-oncle se mit à rire et applaudir.

-Bravo et félicitations ! C'est plus une gamine ta fille Sophie ! Elle fait ses propres choix !

Le père sourit et congratula à son tour sa fille, Hector fit de même. La figure de la mère d'Ophélie était brutalement passée du rouge à l'écarlate. Elle resta figée, ne sachant quoi répondre à une situation qui la laissait humiliée et désemparée. Le fauteuil sur lequel elle était assise frémit de mécontentement. Un silence s'étant installé, Ophélie hésita et porta une main à ses lèvres pour grignoter les coutures de ses gants. Elle se reprit.

- Il me reste une dernière chose à vous avouer. Une chose dont j'aurais du vous parler depuis longtemps, mais je n'en avais pas la force seule.

Elle vit le regard interrogatif de sa tante qui pensait la confession terminée, puis sentit celui de Thorn qui la réconforta.

- Suite à mon accident de miroir, j'ai subi une inversion. C'est pour cela qu'il m'a fallut tant de rééducation et que je suis restée si maladroite. Mais ce n'est pas le seul effet de cette inversion. J'ai aussi été changée de l'intérieur. Ce qui fait que...

Le trouble la gagna, sa voix trembla et elle baissa les yeux.

- Ce qui fait que je ne pourrai jamais avoir d'enfants.

Des larmes perlèrent au coin de ses paupières et ses lunettes s'assombrirent vivement pour les cacher. Sa famille la regarda avec pitié et cela la fit pleurer. Thorn ne put retenir le mouvement de ses bras à la vision de la détresse de sa fiancée. Ils se refermèrent sur elle et l'entourèrent de leur étreinte solide et rassurante. Même la mère d'Ophélie fut émue par la scène et décoléra instantanément.

- Je suis tellement désolée, ma petite, lui dit Roseline.

- C'est... C'est affreux, bafouilla Sophie, ma pauvre fille.

Ophélie les regarda, séchant ses larmes, et continua d'un ton plus assuré.

- Thorn et moi avons surmonté cette épreuve ensemble. Nous avons trouvé notre bonheur à deux et nous aimerions le partager avec vous, en famille.

- Et bien, tu as l'air d'avoir fait ton choix, je suppose que nous n'avons plus qu'à l'accepter, déclara la mère d'Ophélie.

- Si tu es heureuse, c'est tout ce qui compte, ajouta timidement son père.

- Je n'ai jamais été aussi heureuse, assura Ophélie en regardant son fiancé qui était resté serré contre elle.

- Je viens de vivre un moment avec eux au Pôle, je peux vous affirmer que je n'ai jamais vu votre fille plus épanouie que quand ils sont ensemble, intervint Roseline.

- Merci ma tante.

Le grand-oncle interpella Thorn.

- Vous êtes pas un bavard vous, on vous entend pas beaucoup.

- Ophélie vous a tout dit. Il hésita. Je n'ai qu'une chose à ajouter, le bien-être de ma fiancée est ce qui est le plus important à mes yeux ; un peu plus que cela, même. Je vous promets que je prendrai soin d'elle.

- C'est plus le même zigoto que dans mes souvenirs ton fiancé, s'amusa l'Archiviste. Je savais bien que personne ne pourrait te résister ma fille.

- C'est vrai que vous avez l'air moins détestable qu'autrefois, ajouta Hector avec franchise.

Ophélie sourit.

- Je suppose que j'ai eu une bonne influence.

La discussion fut interrompue par des bruits de pas dans l'escalier. Les sœurs d'Ophélie s'impatientaient dans leur chambre et venaient aux nouvelles.

La passe-miroir : conclusion (alternative)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant