18 - Les fiancés

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Dans la soirée, le couple se retrouva dans le jardin du domaine pour discuter tranquillement. Le soleil couchant illuminait le ciel de ses rayons orangés et donnait au paysage des teintes dorées. Ophélie avait beau savoir qu'une illusion tissée par un Mirage créait ces couleurs, elle ne pouvait s'empêcher d'admirer l'or liquide qui semblait emplir l'atmosphère autour d'eux. Peu sensible à la poésie visuelle de l'instant, Thorn concentrait son attention sur sa nouvelle montre, qu'il ne cessait de tirer de sa poche et de consulter.

- Nous voici à nouveau fiancés, s'amusa Ophélie.

- Il va falloir prévenir nos familles et organiser le mariage, annonça plus prosaïquement Thorn. Puis nous trouver un logement, nous ne pouvons pas continuer à vivre avec nos tantes.

- Des fiancés qui vivent ensemble avant leur union, voilà qui va faire jaser!

- L'opinion des autres m'importe peu, trancha Thorn, seul ton avis est important.

Ophélie sourit. Il avait vraiment le don de faire des déclarations passionnées sur un ton des plus solennel.

- Une des demeures qui appartiennent aux Dragons est située en bord de mer, près des Sables-d'Opale. Voudrais-tu que nous y allions ? demanda Thorn. Cela nous ferait du bien de nous éloigner de la Citacielle.

Ophélie réfléchit à sa proposition. Elle n'avait pas de très bons souvenirs de cet endroit : sa première rencontre avec le Mille-faces, l'altercation avec les Chroniqueurs, le sanatorium où était enfermée la mère de Thorn. Mais elle se souvint aussi des semaines passées à l'hôtel avec sa famille, et son cœur se serra. Le temps était venu de reprendre vraiment contact avec Anima.

- Tu as raison, reconnut-elle, nous devons prévenir nos proches, et prendre notre indépendance. Mais je t'avoue que revenir près des Sables-d'Opale me met un peu mal à l'aise.

Thorn se pencha vers Ophélie. Une lueur de compréhension s'alluma dans son regard.

- Je ne voulais pas faire remonter de mauvais souvenirs. Peut-être que le manoir au bord de la forêt à l'ancienne extrémité sud-est de l'Arche serait plus à ta convenance. Nous pourrions nous y rendre ensemble, et tu décideras si cela te plaît.

Discuter ainsi de l'avenir avec Thorn avait un goût d'aventure et de bonheur domestique qui plaisait beaucoup à Ophélie.

- Tu tiens vraiment à rester au Pôle ? Lui demanda Ophélie.

- C'est la décision la plus logique. Ma famille y possède des propriétés où résider. Et puis je pensais reprendre un poste administratif une fois que nous serions installés.

Devant le silence d'Ophélie, Thorn se raidit.

- Tu préfères peut-être retourner vivre sur Anima? Ta vie doit te manquer, ta famille, ton musée.

- Non, je pensais plutôt à prendre un nouveau départ. Elle secoua ses boucles pour éclaircir ses pensées et continua. Après le mariage, je ne veux pas rester engluée dans le passé. Toutes ces épreuves, j'aimerai les oublier.

Un silence s'installa, comme une infime distance qui s'insinuait entre eux.
Un souffle de vent frais se levait avec la disparition des derniers rayons lumineux à l'horizon. La nuit allait tomber. Ophélie sentit son écharpe se lover plus près de son cou pour la protéger du froid. Elle reprit la parole d'une voix désolée.

-Rentrons pour le moment.

Thorn lui attrapa le poignet et l'attira contre lui, la plongeant momentanément dans les ténèbres de sa longue ombre. L'obscurité rassurante de sa présence entoura Ophélie comme un cocon.

- Pardonne-moi. Quelque soit l'endroit où tu souhaites aller, nous irons. Je ferais tout pour assurer ton bonheur ; un peu plus que cela, même.

- Je le sais bien, le rassura Ophélie. Nous n'avons pas à prendre une décision tout de suite, notre visite auprès de Berenilde et Victoire peut se prolonger encore un peu.

Ce fut d'une voix rassérénée que Thorn lui dit :

- Un mot de toi, et je t'emmène là où tu me le demandes.

Il sembla hésiter un instant à ajouter quelque chose.

- Je t'appartiens corps et âme, lâcha-t-il dans un souffle.

Elle percevait encore parfois chez lui cet élan contradictoire, où se mêlaient le désir et la honte. Bien qu'il fut totalement différent quand il se retrouvait seul avec Ophélie, Thorn restait un homme économe de ses mots. Elle parvenait à lire ses réactions, ses moindres froncements de sourcils, mais cette simple phrase lui fit l'effet d'une flèche de bonheur qui l'atteignait en plein cœur.

Ophélie leva la tête vers Thorn. Elle sonda l'intensité de ses yeux gris, détailla son visage anguleux et balafré, admira les reflets argentés de ses cheveux blonds, et se dit qu'elle était la femme la plus chanceuse du monde.

La passe-miroir : conclusion (alternative)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant