17 - La proposition

138 6 6
                                    



Un matin d'automne perpétuel illuminait la chambre que Thorn et Ophélie partageaient chez Berenilde. Une semaine avait passé depuis le verdict.

Les deux amoureux venaient de se réveiller, et flemmardaient sous la chaleur des couvertures. Ils avaient des projets à mettre en place, maintenant que la justice avait gracié Thorn et que leur mariage avait été annulé. Le futur s'offrait à eux.

Ophélie se sentait bien, installée dans les longs bras de Thorn, qui jouait avec ses boucles, plongé dans une intense réflexion.

- As-tu peur de l'avenir? Demanda Ophélie à brûle pourpoint.

- Tant que nous serons ensemble, rien ne pourra m'effrayer, lui répondit sérieusement Thorn.

Attendrie par la déclaration, Ophélie rosit de plaisir. Elle oubliait parfois que l'homme qu'elle aimait était aussi passionné à l'intérieur qu'il semblait glacial à l'extérieur. Ils avaient tellement partagé et surmonté ensemble depuis la rencontre à Anima d'une petite liseuse timide et d'un grand ours bourru.

- Tu sembles encore plus pensif que d'habitude ce matin, remarqua-t-elle.

Thorn ne répondit pas, mais elle sentit ses muscles se raidir. Ophélie n'insista pas, et laissa ses doigts redessiner les cicatrices qui parcouraient ce grand corps qu'elle connaissait si bien maintenant. Elle savait qu'il n'avait survécu à toutes ces blessures, qui avaient meurtri son esprit autant que sa chair, qu'en se renfermant sur lui-même et en s'entourant d'un mur de glace. Elle se réjouit d'avoir réussi à le faire fondre, et aussi d'en garder l'exclusivité.

- Un jour, sur une Arche perdue, tu m'as dit que tu étais le plus possessif de nous deux.

Il baissa la tête pour plonger ses yeux dans les prunelles noisette d'Ophélie.

- Je m'en souviens, répondit-il laconiquement.

- Je ne suis pas sûre que tu avais raison.

Le visage de Thorn prit un air étonné et interrogatif. Elle continua :

- Moi aussi, j'aime que tu ne sois qu'à moi. Être la seule à te connaître vraiment et complètement, je n'abandonnerais ça pour rien au monde.

Un sourire naquit sur les lèvres fines de Thorn, qui se pencha pour embrasser Ophélie. Il se redressa et sembla prendre une décision qui emplit son regard d'acier d'une détermination nouvelle.

Desserrant sa prise autour du corps de sa compagne, il se leva brusquement. Surprise, Ophélie s'assit dans le lit et le regarda alors qu'il s'approchait de son bureau. Il en sortit une petite boîte qu'il lui tendit d'un geste maladroit.

- C'est pour toi. Je sais que je t'avais promis d'attendre ta demande, mais j'espère que ce sera aussi ton choix.

Ophélie ouvrit doucement l'écrin, qui lui révéla un pendentif représentant un petit miroir argenté au bout d'une belle chaîne torsadée. Avant qu'elle ait pu réagir, Thorn reprit la parole :

- Ophélie, je t'aime. Veux-tu m'épouser?

Les larmes montèrent aux yeux de la jeune femme et s'écoulèrent le long de ses joues. Thorn parut interdit et catastrophé, prit son visage dans ses mains et tenta d'essuyer ses larmes.

- Je te demande pardon, s'excusa-t-il vivement. Je n'aurai pas du ...

Sans lui laisser le temps de finir sa phrase, Ophélie se jeta dans ses bras, riant autant qu'elle pleurait. Thorn était complètement déboussolé. Il ne savait pas comment réagir et se contenta de répondre à son étreinte.

- Oui, entendit-il entre deux sanglots, bien sûr que oui je veux être ta femme ; aujourd'hui, demain et pour toujours.

Rassuré, il la serra encore plus fort, et toute la tension de son corps se relâcha. Ils restèrent un long moment sur le lit, leurs corps enlacés, leurs deux cœur battant furieusement à l'unisson.

Quand ils s'écartèrent, la joie irradiait sur leurs deux visages. Ophélie sortit le collier et le contempla.

- Il est magnifique!

- Je n'étais pas sûr de ce que tu aimes. Tu ne portes jamais de bijoux.

- Je porterai celui-ci, tu peux en être certain. Il est parfait.

- Toi et moi, nous sommes des passe-miroir, dit-il en lui prenant le collier des mains pour lui passer autour du cou.

Ophélie lui sourit tendrement. Elle se leva à son tour pour fouiller dans son sac.

- Moi aussi, j'ai quelque chose pour toi.

Elle s'avança et posa un coffret dans la main de Thorn. Il fronça légèrement les sourcils en levant le couvercle. À l'intérieur reposait une montre à gousset, lisse et dorée. Il n'osa pas regarder Ophélie, pour ne pas lui montrer son émotion. Il souleva délicatement la montre, et vit sur l'envers une inscription gravée. « Ensemble »

- Je sais que ta montre est un souvenir d'enfance et que tu y tiens beaucoup. Je ne veux pas la remplacer. Je voulais juste t'offrir un symbole de notre union, expliqua-t-elle.

Thorn détailla le cadeau, jaugea la finesse de la gravure, vérifia le rythme régulier des aiguilles. Il se tourna alors vers Ophélie, plein de sentiments qu'il n'arrivait pas à exprimer à voix haute. Elle lut dans ses yeux de la gratitude, de la surprise, de l'amour, et sut qu'il était heureux.

- Merci, parvint-il à articuler. Je la garderai près de moi.

Ils se contemplèrent un moment en silence. Petit à petit, l'animisme maniaque de Thorn débarrassa le lit des restes de leurs présents et lissa les draps. Ophélie restait impressionnée de voir la manifestation de ce petit morceau d'elle-même qu'elle lui avait donné et qu'il utilisait tellement différemment de sa propre maladresse désordonnée.

Le désir s'alluma au fond d'Ophélie et elle le rejoignit sur le lit. Comme pressés par l'urgence de leurs sentiments, ils s'agrippèrent l'un à l'autre et partagèrent la passion de leur amour.

La passe-miroir : conclusion (alternative)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant