10 - Chez Berenilde

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- Madame Thorn, s'exclama Archibald, vous nous avez ramené votre mari! Son regard se baissa vers la canne et la jambe de Thorn, puis il se reprit. Enfin, la majorité de votre mari.

Il avait l'air fatigué et amaigri, avec ses éternels vêtements troués et son chapeau posé de travers sur sa chevelure blonde mal coiffée, mais son regard s'embrasa à la vue d'Ophélie et de Thorn.

- Comme vous le voyez, je suis effectivement là, répondit l'intéressé d'une voix dure.

Ses sourcils se froncèrent quand l'ex-ambassadeur s'approcha d'Ophélie et esquissa un baise-main. Victoire ravie de l'approche de son parrain tendit les bras vers lui. Ils s'assirent ensemble sur un fauteuil et Archibald prit Andouille sur ses genoux. Ophélie reconnut le chat de Renard et sentit son cœur se pincer au souvenir de son vieil ami.

Thorn prit la parole et alla droit au but, selon ses habitudes.

- Nous venons vous informer de mon retour. Dès demain, je me rendrai à la justice pour me confronter aux actions que j'ai eu avant mon départ. Et pour faire annuler notre mariage.

Archibald se redressa avec un grand sourire.

- À peine réunis et vous divorcez?

Thorn lui répondit d'une contraction de sourcils qui transforma ses yeux en une fente où ne restait plus qu'une lueur métallique.

- Et bien, future-ex-madame Thorn, je suis à votre disposition si vous avez besoin de quoi que ce soit, annonça Archibald en faisant un clin d'œil à Ophélie.

Sentant la tension et la colère qui émanaient de Thorn, Ophélie posa une main sur son bras, dans un geste pour l'apaiser.

- Vous avez officié à notre première union, peut-être pourrez-vous nous aider à organiser la seconde.

Une vague d'incompréhension passa dans la pièce.

- Voyez-vous, expliqua Ophélie, nous demandons l'annulation du mariage parce qu'il a eu lieu dans des conditions, disons particulières. Mais nous avons bien l'intention de rester mariés.

Comme pour confirmer ses dires, Thorn s'approcha d'elle et, d'un geste guindé, posa un bras autour de ses épaules.

- Vous avez eu un drôle d'effet sur notre ex-intendant, ma chère, dit Archibald en riant. Il semblerait presque qu'il soit devenu humain!

- Archibald, cessez donc vos piques enfantines, l'admonesta Berenilde. Et en attendant, profitons d'être réunis.

- Si nous passions au salon pour un thé? Proposa Roseline.

Le reste de la journée se passa calmement, entre questionnements et souvenirs, Ophélie répondit de son mieux aux interrogations sur sa réussite à ramener Thorn. Ils durent aussi expliquer pourquoi il était revenu avec une jambe en moins alors qu'elle avait récupéré ses doigts. Thorn parla le moins possible, resta assez taciturne et observa de l'extérieur le rassemblement. Il semblait surtout inquiété par l'intérêt de Victoire, qui était en admiration devant son cousin et cherchait à se rapprocher de lui.

Quand le soir arriva, ils dînèrent en petit comité, Victoire devant aller se coucher tôt et Archibald étant attendu à une fête dans les étages de la Citacielle. Il leur promis néanmoins de revenir dès le lendemain matin, ce qui fit soupirer bruyamment Thorn.

À la nuit tombée, alors que les quatre convives se levaient pour aller se coucher, les deux tantes eurent un regard hésitant.

- Ophélie, ton ancienne chambre est devenue celle d'Archibald pendant son séjour ici, annonça mal à l'aise Berenilde.

- La mienne est toujours libre? Demanda Thorn.

- Oui, bien sûr, répondit sa tante, mais...

Elle s'arrêta en pleine phrase, son regard passant de Thorn à Ophélie.

- Alors il n'y a pas de problème, constata celui-ci.

Roseline rougit d'un seul coup, élevant la voix :

- Vous ne comptez tout de même pas partager la même chambre?

- Et pourquoi donc ? répliqua Thorn, dont la logique pragmatique ne voyait pas où voulait en venir l'Animiste.

Ophélie prit un ton doux pour répondre.

- Ma tante, vous n'êtes plus mon chaperon. Thorn et moi sommes époux depuis 8 ans maintenant.

L'indignation se lut dans les yeux de Roseline alors qu'elle ouvrait sa bouche chevaline. Berenilde lui prit le bras avant qu'elle ait pu parler.

- Ce sont des adultes mariés, ma chère. Leur intimité ne nous regarde pas. Laissons les et allons tous dormir. Nous en avons besoin pour nous remettre de nos émotions. À demain, mes petits, ajouta-t-elle à l'attention de Thorn et Ophélie en s'éloignant au bras de Roseline.

Un sourire au coin des lèvres, Ophélie se tourna vers Thorn.

- Il est temps que je découvre à quoi peut bien ressembler la chambre d'un intendant du Pôle.

Semblant ignorer la nuance d'ironie de la phrase, Thorn monta maladroitement l'escalier pour la guider, s'appuyant sur la rampe autant que sur sa canne.

Quand ils pénétrèrent dans la pièce, ils furent accueillis par un feu de cheminée. Les meubles étaient peu nombreux et dépouillés, telle l'existence qu'avait toujours mené Thorn, qui à l'époque vivait plus dans son bureau de l'intendance qu'autre part. Un lit adapté à la démesure de son corps, un secrétaire avec un grand fauteuil, une commode discrète contre un mur, pas de superflu ou de décorum.

Épuisés par le trajet et les retrouvailles fortes en émotion de la journée, ils se couchèrent rapidement, et s'endormirent l'un contre l'autre. La dernière pensée d'Ophélie avant de sombrer dans le sommeil fut qu'elle appréciait de retrouver un semblant de vie de famille.

La passe-miroir : conclusion (alternative)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant