La passe-miroir : conclusion (alternative)

14 - Le procès

Les jours les séparant du procès se passèrent entre réunions avec les avocats qu'avait engagés Berenilde pour défendre son neveu, mise au point de stratégies défensives, recherche de témoins, prise de dépositions et autres formalités juridiques.

Des années avaient passé depuis l'affaire des enlèvements du Clairdelune, et les Mirages ne régnaient plus autant sur la cour. La culpabilité du Baron Melchior serait plus facilement acceptée. Archibald lui-même s'était mis à leur disposition pour raconter tout ce dont il se souvenait des évènements, et son témoignage serait essentiel. Quant à l'accusation de fuite, il était temps que le monde apprenne le rôle qu'avait joué Thorn dans sa libération et sa reconstruction, ainsi que la vérité sur l'Autre.

Le lundi suivant, lorsque Thorn, Ophélie et Berenilde arrivèrent sur la Jetée-promenade de la Citacielle, la cour toute entière semblait s'y était rassemblée. Les anciens ennemis de l'intendant et des Dragons se réjouissaient de voir celui qu'ils considéraient toujours comme le comptable bâtard faire face à de lourdes charges. Le reste des courtisans était surtout venu par curiosité, pour cet homme si longtemps disparu, mais si lié à leur esprit de famille par sa tante. Ils furent conduits dans la salle de la Roulette, lieu du procès. Toutes les chaises étaient occupées, la foule formant une masse ondoyante, où les perruques et les costumes chamarrés se mélangeaient en un kaléidoscope de formes et de couleurs.

Au milieu de la pièce, sur une estrade, Farouk se tenait avachi dans son siège, enfoui dans des coussins dorés, ses longs cheveux blancs ondulant autour de lui. Quand il vit Berenilde et son entourage entrer, il se redressa et les dévisagea, comme s'il était étonné de les reconnaître. À sa droite se tenait son aide mémoire, mais plus aucune concubine diamantée ne se prélassait à ses côtés, comme c'était le cas autrefois. Certaines choses avaient bien changé.

Le ministre de la Justice énuméra les faits reprochés à Thorn, puis laissa la parole à la défense. Les avocats de Berenilde prirent la parole pour des discours où se mêlaient louange des années de gestion de l'intendance, accusations contre la prétendue victime de meurtre, promesse de témoins de moralité et de vérités cachées. Dans le fond de la salle, le greffier notait tout en prévision de son compte rendu.

Tour à tour, Ophélie, Berenilde, Archibald passèrent à la barre pour expliquer les évènements relatifs à la machination orchestrée par feu le Baron Melchior. Plus personne d'autre ne pouvait raconter ce qui c'était réellement passé : le Mirage et ses victimes étaient morts, ainsi que la Mère Hildegarde et Cunégonde, Renard et Gaëlle.

Malgré la Bulle de Confusion dans laquelle il avait été plongé après sa disparition et qui l'avait empêché de se rappeler de son ravisseur, Archibald et son inimitable transparence firent grand effet quand il raconta qu'Ophélie aidé de Thorn l'avait secouru.

Berenilde de son côté servit surtout à exposer le caractère de son neveu, pour autant que cela puisse lui servir de défense. Elle décrivit son intense sens du devoir, sa volonté de sauver l'humanité, les années qu'il avait passées à servir le Pôle et son intendance.

Au final, ce fut sur Ophélie que reposa tout. L'annulation de son mariage avec Thorn joua en leur faveur, elle paraissait n'avoir plus aucun lien avec lui, ni raison de mentir pour le sauver.
Grâce aux répétitions de la semaine précédente, elle put relater au mieux l'enquête sur les disparitions du Clairdelune, la légitime défense dont avait fait preuve Thorn en tuant Melchior pour la sauver, la confrontation avec l'Autre en prison qui avait obligé l'ex-intendant à s'enfuir.

Le procès fut long et complexe, et à de nombreuses occasions des exclamations d'effroi, de colère et d'incrédulité s'élevèrent de la foule des spectateurs. Après cinq jours de dépositions, pendant lesquels Roseline s'occupa de Victoire, la famille put se réunir au calme chez Berenilde. Il allait maintenant falloir patienter.