3

27 6 5
                                    


Lys


Son professeur le libéra enfin. Son cours de calculs et de géométrie avait été un véritable enfer. Il ne comprenait pas l'intérêt des chiffres si seuls quelques privilégiés les connaissaient.

En quittant la salle, il espérait ne trouver personne. Être seul pour pouvoir aller où bon lui plaisait. Manque de bol, les deux gardes étaient toujours là. Pimpant dans leur armure qui n'avait jamais vu une bataille, fières de leur épée qu'ils n'avaient jamais réellement utilisée. Dans ce château, ils servaient autant de mobilier que les chaises ou les quelques tableaux peints de main de maître. C'était sans doute un tort, mais Lys ne connaissait même pas leur nom. Toujours présent entre ces grands murs de pierres et pourtant, ils restaient de parfaits inconnus.

- Je vous remercie d'avoir attendu sagement ici, mais à présent, je vais simplement retourner dans ma chambre. Je connais la route, je n'ai pas besoin de vous.

L'un des gardes tourna la tête vers lui.

- Désolé monsieur, nous avons ordre de ne pas vous quitter.

- Allez-vous me border et me regarder dormir également ?

Ils ne répondirent pas. Le jeune prince leva les yeux au ciel et partit dans les couloirs. Il n'avait pas menti, il allait bien dans sa chambre. Dehors, le soleil commençait déjà à descendre dans le ciel, il ne leur restait que quelques heures à peine de jour. Que pouvait-il faire d'autres à part rejoindre la seule pièce dans ce château qui lui appartenait totalement ?

Il claqua la porte au nez des gardes, les empêchant de rentrer. Un long soupir lui échappa alors qu'il se laissait tomber sur son lit.

Les yeux rivés sur les moulures au plafond, il pensa à tous ces enfants qui devaient l'envier. Qu'ils viennent du bon ou du mauvais côté de la Rive, il devait y en avoir tout un tas qui rêvaient d'être un enfant royal. De leur maison ou dans la rue, ils devaient s'imaginer, marchant dans les longs couloirs, dormant dans des draps en soie, mangeant les meilleurs plats.

Lui, il avait tout cela et il n'en voulait pas. Il se sentait emprisonné dans cette cage dorée. Il rêvait d'être ailleurs, de mener une autre vie. Il n'avait que dix ans et déjà, il se sentait épuisé par sa condition. Comme quoi, tout le monde ne pouvait pas être satisfait de sa situation.

Avec un nouveau soupir, il se releva et alla jusqu'aux fenêtres. Ouverte, une légère brise agréable venait danser dans les fins rideaux. La chambre de Lys était bien moins colorée que celle de son petit frère. Elle avait l'avantage d'avoir une belle vue. De là, il pouvait voir tout Zownorha. Les belles demeures, puis les belles rues linéaires et soigneusement entretenues, les grandes places où tant de fêtes s'étaient déroulés. Plus loin, il voyait la Rive : sinueux cours d'eau qui prenait sa source dans les montagnes et poursuivait sa route loin au-delà de la ville. Après, il y avait les bâtiments plus sombres, ceux qui semblaient pouvoir s'effondrer à tout instant. Lys s'était souvent demandé pourquoi son père avait abandonné une partie de sa propre ville. Il n'avait jamais osé poser la question et il n'aurait sans doute jamais d'explication. C'était ainsi depuis sans doute des générations. Tout le monde s'y était fait.

Par-dessus tout, depuis ses fenêtres, le blond voyait CE bâtiment. Celui qui le faisait rêver depuis qu'il était en âge de se souvenir. L'Académie. Avec ses hautes tours et toutes ses fenêtres, elle en imposait presque autant que le château lui-même.

Il ignorait comment c'était à l'intérieur. Était-ce spacieux ? Était-ce plein de vie ? Était-ce comme il l'imaginait ? Il n'avait jamais pu y aller. Il avait de nombreuses fois demandé à son père, sans jamais en avoir l'autorisation. Et les rares fois où il était parvenu à quitter l'enceinte de ce château, il n'avait pas eu assez de temps pour aller jusqu'aux portes de l'Académie.

Lys et VagabondOù les histoires vivent. Découvrez maintenant